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Motions de censure

Motion de censure PLF pour 2023 - 1ère partie

Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement recourt à l’article 49.3 pour imposer un projet de loi.

Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement utilise cette procédure la plus antidémocratique de la Constitution. Chaque fois, cette dérobade constitutionnelle est vécue sur nos bancs, d’où qu’elle vienne, comme ce qu’elle est : une brutalité à l’encontre de la représentation nationale, donc à l’encontre du peuple.

C’est ce qui rend, chaque fois, cette violence institutionnelle insupportable.

Cependant, le présent 49.3 est une potion plus amère que les autres : elle a pourtant le goût du 49.3, elle ressemble à du 49.3, mais pour vous, elle n’est pas du 49.3 ; elle est un prétendu remède pour soigner la dangereuse irresponsabilité des opposants.

C’est, selon vous, un 49.3 pour faire vivre la démocratie – comme si vous défiliez en Lamborghini pour sauver le climat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Madame la Première ministre, votre élixir marquera l’histoire politique du pays. Je vous suggère de le mettre dans un bocal, orné d’une étiquette « 49.3 première cuvée Élisabeth 2022 ». Vous poserez le bocal sur la cheminée de Matignon, et il servira à instruire les générations futures.

Vous avez cependant oublié un ingrédient essentiel : le résultat issu des urnes aux législatives, qui, en vous privant d’une majorité absolue, vous demande – vous oblige même – à gouverner autrement et à rééquilibrer les pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. Dans la continuité des pratiques brutales qu’a eues l’exécutif ces cinq dernières années, votre remède de cheval tourne le dos à la majorité des électrices et des électeurs, qui voyaient le rééquilibrage des forces au sein de notre assemblée comme une bonne nouvelle pour la vie politique du pays. En faisant faner cette espérance, vous faites courir un risque vertigineux à notre démocratie : celui de détourner définitivement le peuple de la vie politique, ou de le pousser dans les bras du fascisme, qui ne peut que s’épanouir dans de telles carabistouilles.

Madame la Première ministre, ici même, lors de votre discours de politique générale, vous aviez pourtant promis de changer vos pratiques. Prétendant avoir entendu les Français, vous étiez engagée à mener un dialogue soutenu et une recherche active de compromis ; mais aujourd’hui, imprégnée de l’autoritarisme des maîtres à penser du nouveau monde, vous reniez vos engagements. Loin de répondre aux attentes de nos concitoyens par une revalorisation du Parlement et par un rééquilibrage du pouvoir, vous avez préféré interrompre les débats en rejetant tout compromis. Des compromis avaient pourtant été trouvés à la faveur d’amendements adoptés au vu et au su de tous, mais l’Élysée, Bercy et Matignon ont cuisiné en vase clos un gloubi-boulga qui n’incorpore qu’une petite dizaine d’amendements des oppositions, sur les 117 introduits dans le texte.

Où est le compromis quand vous rayez d’un trait de plume ce que la majorité des représentants du peuple a voté ? Où est le compromis quand l’amendement sur la taxation des superdividendes, adopté à l’initiative de membres de votre majorité, est écarté parce que, paraît-il, le ministre des finances aurait fait du chantage à la démission ?

Sans majorité, vous êtes contraints, dites-vous, d’user du 49.3. Mais avec une once de panache et une pincée de démocratie, vous auriez pu mener les débats à leur terme et enrichir votre projet des amendements votés à la majorité par les députés, par l’Assemblée nationale souveraine !

Certes, j’en conviens, à moins d’un remaniement copernicien du texte, notre groupe n’aurait pas voté ce projet de loi, même amélioré ici ou là par quelques amendements. En effet, le budget que vous proposez pour la France traduit un projet politique qui n’est pas le nôtre, un projet politique au rebours des attentes et des besoins d’un pays en proie à une crise d’une terrible violence pour les plus faibles, mais très profitable à une poignée. C’est vrai, nous aurions rejeté ce budget poursuivant envers et contre tout un agenda libéral, que ne compensent évidemment pas les quelques dispositifs prévus pour soutenir les ménages et les entreprises les plus en difficulté.

Certes, les chèques que vous multipliez – le chèque énergie, le chèque inflation, la prime d’activité – seront un soulagement, car les plus pauvres ne peuvent se permettre de refuser l’aumône. Mais, pour reprendre Victor Hugo : « Vous voulez les misérables secourus, [nous voulons] la misère supprimée. » (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

Non seulement vos chèques sont insuffisants, mais ils sont surtout inefficaces, car ils sont distribués en lieu et place d’une indispensable hausse des salaires et des retraites, qui seule pourrait faire face à l’inflation qui nous frappe de plein fouet. Cela, vous n’en voulez pas. S’il est besoin d’une preuve : alors que votre main est ferme et forte pour réquisitionner les salariés en grève, votre voix est chevrotante et timide pour suggérer au Medef d’augmenter les salaires. Ce sont pourtant ces hausses de salaires, au moyen de l’échelle mobile des salaires et d’une hausse significative du Smic, qu’il faut imposer sans trembler et sans tarder. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES).

Ce budget aurait dû annoncer des investissements publics massifs. Notre pays a besoin de relocaliser diverses productions, de renouveler son mix énergétique, d’investir dans la rénovation thermique, de développer les transports publics, d’investir dans les hôpitaux. C’est ce qu’attendent les Français. C’est ce que contient la proposition de budget défendue collectivement par les groupes de la NUPES.

Ce n’est pas ce que vous avez décidé. Fidèles à vous-mêmes et à votre logiciel néolibéral, vous continuez à faire des cadeaux aux plus aisés, vous spoliez la France de plus de 8 milliards d’euros en supprimant la CVAE, vous freinez des quatre fers lorsqu’il s’agit de taxer les superprofits. Pourquoi ? Pour satisfaire les boulimiques de l’argent volé, ceux qui voient leurs revenus augmenter en pleine crise, ceux qui sniffent la plus-value comme de la poudre blanche. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)

Avec votre politique, la France des dividendes saigne à blanc la France du travail. (Mme Sophia Chikirou applaudit.)

Votre budget acte également l’abandon des collectivités territoriales, qui sont pourtant le premier maillon de la République ; les élus de tous bords le qualifient de « blackout territorial ». Après les baisses de la DGF (dotation globale de fonctionnement) et la suppression des impôts locaux, après la crise sanitaire qui a coûté près de 7 milliards d’euros aux collectivités, face à l’inflation et à l’explosion des factures énergétiques, vous auriez dû nous présenter des mesures à la hauteur, afin d’aider nos concitoyens qui ont tant besoin de l’accompagnement des services publics. Au lieu de cela, vous allez contraindre bon nombre de communes à fermer des équipements sportifs, à baisser le chauffage à 17o C dans les écoles, à réduire les plages horaires d’ouverture des bibliothèques.

Votre budget confirme sans ambiguïté votre attachement idéologique à la dérégulation des marchés, malgré son coût phénoménal pour les finances publiques. Le bouclier tarifaire visant à limiter la hausse des factures d’énergie coûte 45 milliards d’euros, alors que les coûts réels de production en France sont actuellement dix fois moins élevés que les prix du marché. C’est une absurdité eu égard aux profits engendrés par les énergéticiens et à l’insuffisance de la protection apportée non seulement aux ménages les plus fragiles, mais également aux TPE (très petites entreprises) et PME (petites et moyennes entreprises), qui sont au bord du gouffre. Les profits du seul groupe TotalEnergies se sont élevés à 18,8 milliards d’euros au premier semestre 2022 ! Face à cela, vous brandissez votre contribution exceptionnelle des énergéticiens, qui ne rapportera que 200 millions d’euros en 2023. (Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.)

Les cris des Playmobil effarouchés réjouissent mes oreilles ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Protestations sur quelques bancs du groupe RE.)

C’est vrai, nous n’aurions pas voté votre projet de loi, quand bien même il aurait intégré des modifications marginales adoptées par l’Assemblée nationale. En effet, si ces modifications sont indispensables pour répondre à l’urgence, elles n’auraient pas suffi pour conduire une politique de bifurcation solidaire et écologique.

Les députés communistes et du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES défendent un budget au service de la justice sociale et écologique, au service des laissés-pour-compte de la répartition des richesses, au service des collectivités territoriales, un budget au service de nos compatriotes d’outre-mer accablés par la misère et la difficulté. Un budget au service du peuple ! En faisant le choix d’escamoter le débat pour écarter toutes les modifications qu’auraient apportées une majorité des députés, le Gouvernement s’est irréversiblement détaché du peuple.

Les députés de notre groupe voteront donc la motion de censure déposée par les différents groupes de gauche de l’Assemblée nationale pour défendre un projet de gauche. Ils ne voteront pas la motion déposée par le Rassemblement national (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN), porteuse d’un projet d’extrême droite mortifère et tournant le dos aux intérêts du peuple. (Les députés des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES se lèvent et applaudissent longuement. – Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)

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