Interventions

Motions de censure

Motion de censure PLF 2023 - Nlle lect - 2ème partie et ensemble du texte

J’ai quelques scrupules. Mon équipe m’avait préparé une intervention pour dire tout le bien qu’elle pensait de la séquence budgétaire que nous venons de traverser mais je me suis dit que, comme c’était la neuvième fois qu’on disait beaucoup de bien de vous, j’allais renoncer aux mots qu’on m’avait préparés. Je vais donc me contenter très tranquillement – droit dans les yeux, d’une certaine manière – de vous livrer l’état d’esprit qui est le mien face à cette neuvième motion de censure en réponse au neuvième 49.3.

À la faveur de cette séquence budgétaire raccourcie, rabougrie, amputée, avons-nous réarmé la démocratie ? Avez-vous le sentiment que la démocratie malade a été réparée ?

La réponse à cette question est évidemment non. En multipliant les actes d’humiliation, non pas seulement à l’égard de l’opposition mais à l’égard de votre propre majorité, chaque jour un peu plus vous égratignez, vous abîmez la démocratie de notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Avez-vous, à la faveur de cette séquence budgétaire, réparé les vivants ? Avez-vous accompli quelques actes concrets nous permettant de dire que les aides-soignantes, les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) les aides à domicile, ceux qui prennent soin des publics les plus fragiles au quotidien, notamment pendant la crise, ont été considérés, reconnus à la faveur de cette séquence budgétaire ?
La réponse à cette question est évidemment non.

Avec un objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) qui augmente moins que l’inflation, avez-vous, à la faveur de cette séquence budgétaire, réarmé et réparé l’hôpital alors que la crise du covid nous a pourtant démontré à quel point les soignants nous avaient manqué ?

En faisant le tour des services d’urgences fermés, en mesurant les déserts médicaux qui avancent dans nos territoires de vie, avez-vous eu le sentiment de faire œuvre collective sur la question de la santé ?

La réponse à cette question est non.

Avez-vous, à la faveur de cette séquence budgétaire, pris soin des anciens, des aînés, donné les moyens aux Ehpad de ne pas renouer avec le scandale Orpea et avec la maltraitance institutionnelle qui caractérise la prise en charge des aînés dans ce pays ?

La réponse à cette question est non.

Nous n’avons pas pu en débattre, le budget de l’éducation nationale n’ayant pas été discuté, mais avez-vous eu le sentiment, à la faveur de cette séquence budgétaire, de bricoler pour réparer l’ascenseur social de l’école de la République ? Deux mille suppressions d’emplois dans le primaire et dans le secondaire, l’éducation amputée dans l’enseignement supérieur et les étudiants laissés en carafe à la faveur de votre budget : voilà le bilan que nous tirons.

Avez-vous, à la faveur de cette séquence budgétaire, pris en compte le fait que quand tout fout le camp, ceux qui tiennent la baraque de la République, ceux qui font en sorte que la République tienne – les communes, une question centrale pour nous – devaient être considérés ?

Votre filet de sécurité est un filet sans mailles ! Votre filet de sécurité ne fait pas la maille ! (Mme Brigitte Liso s’exclame.) Votre filet de sécurité asphyxie les collectivités locales ! La dotation globale de fonctionnement (DGF) progresse moins que l’inflation, les prix de l’énergie ne sont pas amortis, la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) va continuer de priver l’intercommunalité de sa capacité…

Vous faites le moulin avec vos mains, monsieur le ministre de la justice, mais vous êtes vous-même un moulin à paroles ! Contentez-vous de garder les sceaux ; il y a de quoi faire, comme ministre de la justice ! (« Ah ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.)

Avez-vous réarmé les collectivités locales, réparé l’instance de démocratie vivante que représentent les communes ? À cette question, aucun maire n’est en situation de répondre oui. Avez-vous réaffirmé, à la faveur de cette séquence budgétaire, la présence de la République partout et pour tous ? (« Non ! » sur quelques bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.) Je pense notamment à nos collègues d’outre-mer, dont vous n’avez pas mesuré l’épaisseur de la crise historique qu’ils traversent et qui, dans ce débat – cela vous fait rire, monsieur le ministre – se sont sentis humiliés, abandonnés, discrédités. Nous avions pourtant fait des propositions intelligentes, dans le cadre du budget, pour répondre à la crise qui touche l’ensemble des territoires d’outre-mer

Avez-vous, à la faveur de cette séquence budgétaire, pris le pognon là où il était pour le mettre là où il y en a besoin ?

Avez-vous eu le sentiment de corriger les inégalités fiscales dans cette séquence budgétaire, ou avez-vous eu le sentiment de les graver dans le marbre ? À cette question, la réponse est évidente : vous êtes du côté de la finance ; vos amis sont de la finance ; vous avez décidé de ne jamais faire payer les riches mais de faire payer les pauvres parce qu’ils sont les plus nombreux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Avez-vous, à la faveur de cette séquence budgétaire, tenté de répondre à la crise de l’énergie ? Nous débattons depuis dix jours des énergies renouvelables : vous avez décidé de laisser le marché faire son œuvre. À chaque réunion du conseil des ministres européens de l’énergie, vous vous montrez incapables de décorréler le prix du gaz dans la construction du prix de l’électricité. Vous vous révélez incapables d’être au chevet de l’économie réelle et de mettre en place des tarifs régulés pour les entreprises, pour les usagers, pour les collectivités locales. En matière d’énergie, le Gouvernement est aux abonnés absents.

Avez-vous répondu aux propositions intelligentes formulées de notre côté de l’hémicycle, visant à ce que la bifurcation écologique soit concrètement prise en compte ? Nos amendements pour la relance du rail et pour la rénovation thermique ont été balayés à la faveur du 49.3.

Avez-vous pansé les plaies d’une République qui, chaque jour un peu plus, se fissure ? Cette question sérieuse mériterait que l’on s’y attarde. Votre obstination à abîmer la France, votre dogme thatchérien qui consiste à nous dire dans toutes les langues « There is no society », autrement dit qu’il n’y a pas de solution alternative à la politique que vous proposez – nourrit chaque jour un peu plus en France et en Europe le ventre fécond d’où a surgi la bête immonde.

La motion de censure, pour nous autres, n’est pas une fin en soi. Elle est un outil répondant à la brutalité que représente le 49.3. Elle est un signal du refus de la pente que vous voulez aggraver à la faveur de votre projet de réforme des retraites, qui va faire mal aux vies. Pour ce qui nous concerne, elle implique sur un temps long – un temps dans lequel nous ne rêvons pas tous les matins de vous bousculer à la faveur d’une motion de censure, personne ne croit à cela – d’incarner l’alternative, de réconcilier la République avec elle-même, de faire en sorte que les oubliés, les humiliés de la République retrouvent chaque jour un peu plus le chemin de l’espérance. Là est l’énergie que nous mettons – y compris ce soir en étant devant vous –, là est le signal que nous vous donnons en votant sans hésiter la motion de censure qui nous est présentée. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

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