Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur le thème : « L’école publique face aux politiques de tri social »

QUESTION AUX INVITES

Nos invitées l’ont dit : la France est particulièrement performante pour faire réussir les élèves des classes sociales supérieures. En revanche, on voit combien les inégalités sociales et les inégalités scolaires sont intimement liées et combien elles ont tendance à s’accentuer alors même que l’école publique devrait être un pilier de notre pays.
Depuis quelques années, les dispositifs destinés à opérer ce tri social se multiplient. Je pense à la réforme des lycées professionnels, à la réforme du bac, à la sélection au moyen de Parcoursup, mais aussi par l’instauration de groupes de niveaux en mathématiques et en français. Selon nous, cet ensemble de mesures a pour objectif d’introduire des logiques de concurrence, de performance et de spécialisation dans les formations, en réponse aux nécessités du capital.
Parallèlement, sous prétexte d’un contrôle budgétaire dit renforcé, les politiques publiques désinvestissent massivement dans l’éducation publique, ce qui provoque une dégradation des conditions de travail des personnels et des conditions d’enseignement. Le 22 février, le Gouvernement a annoncé 10 milliards de coupes dans les dépenses de l’État pour 2024. Ces économies concernent notamment l’éducation nationale, mais la ministre a assuré que les personnels, les recrutements et les réformes engagées ne seraient pas touchés et que ces annonces concerneraient pour l’essentiel la réserve de précaution. Je note toutefois qu’en 2022, ces fonds, initialement bloqués, ont été consommés dans leur quasi-intégralité dans l’année.
On a donc une double tendance, avec la mise en place de politiques de tri social et la précarisation de l’éducation nationale. Selon vous, organise-t-on un système éducatif à deux vitesses ? Par ailleurs, parvenez-vous à obtenir les chiffres par département des cartes scolaires, des dotations horaires globales (DHG) et des moyens alloués à l’école privée ? Pour ma part, dans mon département, je n’y arrive pas.

La parole est à Mme Guislaine David.
Mme Guislaine David, cosecrétaire générale du Snuipp-FSU

À propos du système à deux vitesses, la question de la carte scolaire est très importante en ce moment. Si on veut favoriser les apprentissages dans les classes, avec des élèves qui réussissent, qui apprennent à l’intérieur de la classe, il faut des personnels, il faut des remplaçants et il faut surtout des effectifs allégés partout. Or, dans certains départements, les CP ou CE1 à douze élèves n’existent plus – on est plutôt à quinze ou seize. Et augmenter les effectifs empêche de faire du bon travail auprès des élèves en difficulté. Nous avons d’ailleurs demandé, dans un e-mail dont vous avez peut-être été destinataire, un collectif budgétaire pour annuler 650 suppressions de postes. En effet, c’est la catastrophe dans tous les départements concernés, et les élus se mobilisent. Je n’ai jamais vu autant de conseils départementaux de l’éducation nationale (CDEN) boycottés par des élus. Il est vraiment important de défendre la carte scolaire.
Par ailleurs, je vous confirme qu’il est difficile de trouver les chiffres par départements sur l’école privée : nous ne les avons pas non plus.

La parole est à Mme Ghislaine Morvan-Dubois.
Mme Ghislaine Morvan-Dubois

La FCPE relève des différences entre le public et le privé en ce qui concerne les fermetures de classes. Dans le public, énormément de classes sont fermées ; il y a une saignée, en particulier en milieu rural. Pour le moment, on n’observe pas de telles fermetures dans le privé.
D’autre part, on parle souvent d’équité entre le public et le privé, en affirmant qu’il faut accorder des moyens pour le privé de la même façon que pour le public, en particulier en enseignants ; c’est d’ailleurs inscrit dans la loi. Toutefois, on ne tient pas compte des différences de public. Ainsi, l’école publique accueille la majeure partie des élèves allophones et des élèves en situation de handicap. Il est compliqué de faire cours avec les mêmes moyens quand le public n’est pas le même. L’école privée se facilite la tâche, si je puis dire, en triant ses élèves et en excluant ceux qui sont en difficulté, parfois même à quelques jours des examens, pour préserver son taux de réussite. On ne peut pas parler d’équité quand le jeu n’est pas le même.

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