Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur le thème « Ecole publique face aux politiques de tri social »

QUESTIONS AUX INVITES

Vous venez de répondre en partie à la question que je me posais concernant les effets de la création des groupes de niveau sur le reste des enseignements. Les retours qui me parviennent de ma circonscription m’inquiètent : ils indiquent, comme vous, que ces redéploiements porteraient préjudice aux autres enseignements.

Ma deuxième question est peut-être légèrement provocatrice : avez-vous compris ce que signifie le « réarmement » de l’école et, d’après la manière dont il vous a été expliqué, comment l’envisagez-vous ? J’ai le sentiment qu’une telle méthode risque d’abord d’accentuer le tri social à l’école, par l’intermédiaire du choc des savoirs, des groupes de niveau et de tout ce qui a été annoncé. En outre, il me paraît quelque peu problématique de promouvoir une école de la mise au pas, qui s’appuie avant tout sur son autorité.

Je voudrais donc vous interroger sur cet aspect des dispositifs prévus : comment voyez-vous les choses ? Je me demande si cet empêchement éducatif, tel que je préfère le nommer, ne vient pas alimenter la crise de sens qui se fait jour parmi les enseignantes et les enseignants. J’aimerais votre avis sur la manière dont toutes ces annonces sont accueillies parmi la profession : n’ont-elles pas aussi un effet sur l’envie et la mobilisation des enseignants et sur notre capacité à en recruter de nouveaux ?

Mme la présidente

La parole est à Mme Guislaine David.

Mme Guislaine David

Je voudrais d’abord dire que lorsqu’un ministre passe son temps à dire aux enseignants ce qu’ils doivent faire dans leur classe – je rappelle qu’à la rentrée dernière, on nous a dit combien de dictées nous devions faire par jour, quels textes nous devions lire et quelle devait être leur longueur –, cela pèse sur le métier. De telles injonctions sont très pesantes et les nombreuses démissions ou demandes de rupture conventionnelle témoignent de la perte de sens du métier, qui est bien réelle. Nous avons besoin que l’on nous fasse confiance et nous voulons pouvoir continuer à exercer notre liberté pédagogique.

Pour les enseignants, ce retour proclamé à l’autorité est insupportable : ils ont déjà de l’autorité dans leurs classes ! Si le climat scolaire est si peu apaisé, c’est aussi parce qu’il y a trop d’élèves dans chaque classe. Cela a été dit : quand une classe de moyenne section de maternelle compte trente élèves – cela arrive –, il est impossible de s’occuper de tous.

Le retour à l’ordre et à l’autorité n’est donc pas très bien vécu par les enseignants : on entend râler dans les salles des maîtres ! Et ce phénomène va faire boule de neige dans les années à venir, parce que certains vont laisser tomber.

Enfin, s’agissant du redoublement, on dit désormais qu’on ne laissera plus les élèves qui n’ont pas le niveau passer dans la classe supérieure. Mais qu’en fera-t-on ? On ne peut pas laisser les élèves redoubler sans créer des dispositifs adaptés à l’intérieur des classes ; et sans moyens, ce n’est pas possible. Il faut faire de la prévention plutôt que d’empêcher les élèves d’aller plus loin tout en leur faisant faire des stages de remise à niveau l’été, ce qui les prive, eux qui sont issus des milieux populaires, de vacances et de séjours hors de chez eux, qui leur seraient pourtant beaucoup plus profitables.

Mme la présidente

La parole est à Mme Sophie Vénétitay.

Mme Sophie Vénétitay

S’agissant des groupes de niveau, on assiste en effet à des redéploiements d’heures qui conduisent finalement à la suppression de dispositifs qui fonctionnent pour les élèves en difficulté. On voit toute l’absurdité de la mesure : on est en train de supprimer des dédoublements et des heures de soutien, dont on sait qu’ils fonctionnent, pour un dispositif dont tout montre qu’il ne fonctionnera pas.

L’autorité, ensuite, ne se décrète pas depuis la rue de Grenelle : elle se construit au quotidien dans les classes. Sinon, ça ne marche pas – et j’en sais quelque chose du haut de mon mètre cinquante-huit, car il se trouve que dans mes classes, ça marche !

Enfin, il faudra surveiller de très près le déploiement du service national universel (SNU) ; pour ce qui nous concerne, nous l’observons avec beaucoup d’inquiétude.

Imprimer cet article

Thématiques :

Pouvoir d’achat Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Voir toutes les thématiques