Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur la place dans la société et dans le droit des familles monoparentales

Tout d’abord, je remercie ma collègue Karine Lebon, qui est à l’initiative de ce débat ô combien important, et je vous remercie de votre participation.

Ce débat s’inscrit plutôt dans un contexte favorable puisque plusieurs initiatives ont émergé pour répondre aux besoins des familles monoparentales. De nombreux députés appartenant à différentes familles politiques travaillent sur ce sujet, dont mon collègue Pierre Dharréville. Il a été à l’initiative d’une proposition de loi visant à lutter contre la précarité des familles monoparentales.

Je souhaite revenir sur la situation des familles monoparentales qui ont un enfant handicapé. Il s’agit majoritairement de mères qui n’ont pas d’emploi et ne peuvent pas travailler car elles doivent s’occuper de leur enfant, en raison de la défaillance du système éducatif. En effet, il y a un manque criant d’AESH – accompagnants d’élèves en situation de handicap – et d’IME – instituts médico-éducatifs. Cette situation est inacceptable ; nous devons leur apporter un soutien spécifique.

Par ailleurs, un problème de taille se pose dans les outre-mer : le motif de l’éloignement géographique ne peut pas être invoqué en cas de séparation, car lorsque les femmes quittent le territoire, elles sont accusées d’enlèvement d’enfant et perdent la garde, même lorsqu’elles sont victimes de violences familiales. Pourriez-vous développer ce point ?

Enfin, je souhaite parler des femmes étrangères accueillies sur le territoire, qui se retrouvent seules avec des enfants. Elles ont souvent subi des violences et sont complètement démunies, car elles n’ont pas accès aux droits. Avez-vous travaillé sur la question de l’autonomie des femmes étrangères ?

Mme la présidente

La parole est à M. Thierry Malbert.

M. Thierry Malbert

Professeur des universités

D’après l’étude que nous avons réalisée sur la monoparentalité à La Réunion, les principales difficultés que rencontrent les familles sont les problèmes financiers, puis l’éducation des enfants pour 40 % des personnes interrogées et, enfin, la gestion de l’activité professionnelle.

S’agissant des familles dont un enfant est porteur de handicap, je préconise de faciliter l’accès aux réseaux d’écoute et d’appui à la parentalité, de créer davantage de groupes de parole, auxquels participeraient des professionnels, afin que ces personnes puissent évoquer leurs difficultés et rencontrer d’autres parents confrontés aux mêmes problèmes. En effet, échanger des conseils entre pairs est très important. On le constate dans le cadre du dispositif d’aide aux vacances des familles, appliqué par la CAF – caisse d’allocations familiales – de La Réunion, qui permet d’accueillir dans un village de vacances de la côte ouest des familles avec leur enfant handicapé.

Avec les étudiants en master d’anthropologie, nous avons étudié ces problèmes. Les parents reconnaissent qu’il était temps que des réunions avec d’autres parents soient organisées, pour réfléchir, se soutenir, échanger des bons conseils, notamment sur l’éducation, ou une bonne lecture. Ces dispositifs doivent être multipliés dans tout le territoire. Dans les familles monoparentales, la question de l’éducation familiale est centrale. Bien souvent, à l’adolescence, l’enfant change. Une personne qui élève seule un enfant rencontre les mêmes problèmes, qu’elle soit un homme ou une femme. Alors que les familles élargies peuvent recourir à des médiateurs intrafamiliaux – grand-père, tante, oncle, marraine, parrain, etc. –, au sein des familles monoparentales, les personnes sont vraiment seules.

Ainsi, il est très important de renforcer les réseaux d’écoute et d’appui à la parentalité, en lien avec les spécificités des familles monoparentales, et de mettre les moyens pour que ces réseaux soient proactifs et que les populations les rejoignent. Comme elles sont stigmatisées, elles ne le font pas. Le même problème se pose avec les adultes illettrés à La Réunion. Comment briser la glace et faire en sorte que les personnes soient à l’aise ? Si elles ne rejoignent pas les réseaux, il faut aller vers elles. Le fameux aller vers doit donc être renforcé.
Mme la présidente

La parole est à Mme Marine Malberg.

Mme Marine Malberg

Chargé de mission auprès de la Fédération des acteurs de la solidarité

Il faut miser sur les savoirs issus de l’expérience. Au sein de la Fédération des acteurs de la solidarité, nous animons des conseils régionaux avec les personnes concernées, afin d’échanger les bonnes combines relatives à l’aide alimentaire, ou de recommander tel médecin à l’écoute ou tel autre qui proposerait de bonnes orientations vers d’autres praticiens. Cela leur permet de sortir de l’isolement. Il est également nécessaire de financer les dispositifs d’aller vers.

Nous sommes fortement mobilisés par l’importante question des femmes étrangères. Les publics qui migrent en France sont majoritairement des femmes, qui ont toutes subi des violences – traite d’êtres humains, prostitution, viols – durant leur parcours migratoire. De nombreux adhérents ont créé des dispositifs d’accompagnement, notamment pour les enfants issus de viols liés à la traite ou à la prostitution. Ces femmes sont exclues car leur statut administratif est précaire. Elles n’ont donc pas accès aux prestations, leurs conditions d’hébergement sont catastrophiques, et elles vivent dans une grande insécurité. Souvent, elles reproduisent les violences subies, car elles en ont été victimes en permanence.

Les moyens alloués aux besoins spécifiques des femmes étrangères sont insuffisants. Je reviens sur un point important : la coupe budgétaire dans les subventions versées aux associations les met en difficulté pour répondre aux besoins grandissants de ces femmes et assurer leurs missions.

Pour améliorer l’accompagnement des femmes étrangères et mieux répondre à leurs besoins, il faut investir dans le travail social. Or notre secteur traverse une crise : il manque trois professionnels sur dix. Il est en crise car, étant féminisé, son personnel est mal rémunéré et mal considéré – j’ai d’ailleurs organisé une table ronde à ce sujet, il y a deux semaines –, à l’instar du secteur médico-social.

Le cœur du problème est que des précaires accompagnent des précaires. Accompagner des femmes étrangères, parfois avec enfants, pose plusieurs problèmes. Lorsqu’on les héberge à leur arrivée en France, on les place dans une situation d’isolement, car on les sépare leur conjoint – on ne peut pas héberger toute la famille. Il arrive qu’on les éloigne des lieux de vie qu’elles ont connus, par exemple, les fameux sas. Elles n’ont pas l’habitude de s’organiser ni d’identifier des interlocuteurs dans un nouveau territoire, alors que cela leur permettrait de lutter contre l’isolement, de connaître les bonnes combines – les points d’aide alimentaire… –, d’être aidées par des personnes qui traduisent leur langue pour accomplir des démarches administratives et accéder à certains droits, afin d’obtenir un statut administratif moins précaire.

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Soumya
Bourouaha

Députée de Seine-Saint-Denis (4e circonscription)

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