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Travail : réforme des retraites

Si nous sommes réunis ici en session extraordinaire, c’est parce que l’enterrement auquel nous convie Sa Majesté Impériale est lui-même un croquemort extraordinaire, même s’il à daigné rajouter sur le cercueil, ce matin, quelques fleurs à bon marché.
Aujourd’hui l’UMP nous demande, mes chers collègues, ni plus ni moins que d’enterrer le Conseil national de la Résistance. Hier, notre collègue Roland Muzeau a cité Denis Kessler, actuel PDG du groupe de réassurance SCOR, futur retraité à 800 000 euros annuels, ancien n° 2 du MEDEF et administrateur multicarte de Dexia, Bolloré, BNP et Dassault aviation.
Je ne vais reprendre que trois lignes de cette citation. Écoutez bien, parce que c’est cela votre feuille de mission et je ne suis pas sûr que vous l’ayez toujours bien lue ! Ainsi en vous écoutant cet après-midi, monsieur Robinet, je me disais : si jeune et si aveugle déjà ; si jeune et si sourd déjà ! (Sourires.) J’entends les incitations du président qui, au bénéfice de l’âge, vient vous protéger, monsieur Robinet ! Mais vous êtes dans une tâche qui ne vous fera pas honneur si vous ne révisez pas rapidement vos positions en écoutant mieux vos électeurs.
Quelle est votre feuille de route ?
Voici ce que dit Denis Kessler : « La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »
Notre collègue Mme Rosso-Debord nous disait hier que nous n’avions rien compris et que la situation avait changé. Oui, elle a changé ! Avant-guerre, il y avait les 200 familles, vous savez, celles qui disaient : « Plutôt Hitler que le Front populaire ! » Et l’on sait ce qu’il est advenu ensuite. Parmi ces 200 familles, figurait notamment la famille Renault, qui a trahi. C’est pour cela qu’elle fut expropriée et l’entreprise nationalisée à la Libération.
Pierre Méhaignerie a souligné que l’on avait même augmenté les prestations sociales. Évidemment, puisque vous avez fabriqué 700 000 chômeurs de plus depuis que Sarkozy est le Président de la République ! Il y a des indemnités supplémentaires et c’est ainsi que vous faites de vices des vertus. Vous chargez la barque, et vous dites après : « Qu’est-ce qu’on pilote bien ! »
M. Sarkozy peut bien faire lire la lettre de Guy Môquet dans les écoles, personne n’est dupe. Ses choix sont clairs : politiquement, économiquement, socialement, il s’attaque, depuis trois ans, avec un acharnement pathologique, à tous les acquis sociaux d’après-guerre. Comme le chantait Jean Ferrat, « dans ce monde de misère, le bonheur est bien vite enterré » !
Nous aurions cependant tort de croire à la déraison du chef de l’État. C’est la bande du Fouquet’s qui trace, depuis 2007, le chemin de la majorité. Monsieur Robinet, vous lui obéissez au doigt et à l’œil en tenant les propos qui ont été les vôtres. C’est cette bande qui est aux commandes de la casse de notre système de retraites. Les Arnault, Bouygues, Dassault, Bolloré, Bernheim, l’ancien PDG de Generali, Frère, premier actionnaire privé des entreprises du CAC 40, et Desmarais, tous invités par Sa Majesté, au soir de son élection, pour fêter leur victoire, attendent comme des vautours que nos collègues de l’UMP leur offrent sur un plateau les dépouilles encore fumantes du CNR et du compromis historique passé entre gaullistes et communistes.
Vous êtes en train de nier l’histoire, mais malheur à ceux qui l’oublient ! Elle remonte toujours à la surface ! Comme le disait Mikhaïl Gorbatchev au leader de l’un des pays de l’Est, qui avait du mal à comprendre que le monde avait changé : « L’histoire finit toujours par rattraper ceux qui l’ont oubliée ! » Et ce sage précepte s’appliquera à vous dès les prochaines échéances, soyez-en certains !
J’en reviens à ce compromis historique, un « compromis » aussi bien social que politique qui fut imposé aux grands industriels européens, parrains du nazisme et soutiens zélés de la France de Vichy, par les héros de la Résistance, animés par les idéaux de justice et de fraternité. Oui, Denis Kessler a malheureusement raison ! Du droit du travail aux services publics et de la retraite à la sécurité sociale, le Gouvernement s’emploie méthodiquement à liquider tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la justice sociale. Et ce sont les Français qui vont payer la liquidation des acquis de la Résistance et de l’investissement du général de Gaulle ! De ce point de vue, vous êtes des relaps tellement vous êtes infidèles non seulement à la mémoire du général de Gaulle, mais aux valeurs qu’avec d’autres patriotes il a défendues.
Cela dit, je ne sais pas si le mot patriotisme a le même sens pour vous et pour nous !
Oui, Brard gaulliste ! Quand il s’agit de l’intérêt de la France, il n’y a pas de place pour les clivages. Ces clivages passent aujourd’hui entre les privilégiés et ceux qui remplissent leur gamelle ! Vous, vous êtes du mauvais côté ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous, nous sommes avec le peuple qui souffre et qui a battu hier le pavé de nos rues, ne vous en déplaise, monsieur Robinet, y compris dans votre circonscription.
Cela dit, j’en viens à ma conclusion pour ne pas trop consommer le temps du groupe, lequel nous est compté en raison de la loi du bâillon que le nouveau règlement nous impose.
Je voudrais, mes chers collègues, même si cela ne vous dit pas grand-chose, soumettre à votre réflexion cette citation de Paul Lafargue, le gendre de Karl Marx : « La morale capitaliste (…) frappe d’anathème la chair du travailleur ; elle prend pour idéal de réduire le producteur au plus petit minimum de besoins, de supprimer ses joies et ses passions et de le condamner au rôle de machine délivrant du travail sans trêve ni merci. » Eh oui, vous voulez que ce travail soit payé le moins possible !
Mes chers collègues, à ceux qui se recueillent sur le plateau des Glières tout en réfléchissant à la meilleure façon de détruire l’héritage des martyrs, je rappelle, pour finir, le préambule du programme du CNR, feuille de route du combat que vous livrera le groupe GDR dans cet hémicycle : « Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, la Résistance n’a pas d’autre raison d’être que la lutte quotidienne sans cesse intensifiée ».
Détruire le programme du CNR et faire lire la lettre de Guy Môquet, c’est commettre un acte de profanation. Le faire en revêtant les habits de la responsabilité et du courage est une infamie. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

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Jean-Pierre
Brard

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