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Travail : réforme des retraites

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, je veux d’abord vous indiquer qu’avec mon avocat, j’ai décidé de porter plainte après les violences commises hier par les CRS contre des manifestants et contre moi-même qui me suis retrouvé à l’hôpital après avoir été matraqué. Il y a des témoins, tout le monde le sait. France 2 a tout filmé, du début jusqu’à la fin, et je souhaite que la chaîne publique puisse communiquer l’ensemble de ces images : chacun pourra ainsi se faire une opinion.
Travailler plus pour gagner moins, voilà en résumé le but de la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy et du Gouvernement. Le texte va contraindre les salariés à travailler plus tard et plus longtemps, y compris ceux qui occupent des emplois pénibles, pour, au bout du compte, diminuer leurs pensions de retraite.
Officiellement, il s’agit de contraindre les salariés à travailler plus tard : on veut faire passer l’âge légal de départ à la retraite de soixante à soixante-deux ans et l’âge de départ à taux plein de soixante-cinq à soixante-sept ans.
Mais, au-delà de l’âge légal, il y a une question dont personne ne parle, c’est le fait que la réforme veut également faire travailler les salariés plus longtemps : il faudra avoir quarante et une annuités et demie dès 2020 pour toucher une pension complète contre quarante annuités et demie actuellement et quarante et une annuités en 2012. Autrement dit, il s’agit d’une double peine qui consiste à ajouter au recul de l’âge légal l’allongement de la durée des cotisations. On peut toujours partir à soixante ans, mais si l’on ne totalise que trente-cinq annuités, on crève de faim avec sa pension. On est donc obligé de continuer à travailler.
Or l’âge moyen de cessation d’activité est aujourd’hui de 58,8 ans. Les grands patrons se débarrassent de leurs salariés seniors bien avant qu’ils aient atteint l’âge de la retraite. C’est pourquoi 60 % des salariés sont au chômage ou hors emploi au moment de liquider leur retraite. Par ailleurs, quatre Français sur dix arrivent aujourd’hui à l’âge légal de la retraite sans avoir travaillé assez longtemps pour pouvoir bénéficier d’une pension décente. Une étude du ministère du travail – donc indiscutable – a montré qu’un salarié a cumulé en moyenne 36,5 annuités lorsqu’il arrive à l’âge de soixante ans, alors qu’il faut 40,5 annuités pour partir aujourd’hui avec une pension de retraite complète.
Ces travailleurs demeurent donc au chômage jusqu’à soixante-cinq ans. En effet, ce n’est qu’à partir de cet âge qu’ils pourront bénéficier d’une retraite à taux plein sans décote, alors qu’ils n’ont pas les 40,5 annuités nécessaires.
En relevant à soixante-sept ans l’âge du départ à taux plein, le Gouvernement cherche en réalité à contraindre les salariés à prendre leur retraite avant de bénéficier d’une pension complète. Les salariés qui n’ont pas les annuités nécessaires n’arriveront pas à survivre sans emploi jusqu’à soixante-sept ans, la plupart ne tenant déjà pas jusqu’à soixante-cinq. Conséquence : ils prendront leur retraite sans bénéficier d’un taux plein, ce qui entraînera une réduction sans précédent du montant des retraites, aggravée par l’augmentation du nombre d’annuité à 41,5.
Au total, le but de cette réforme n’est pas de maintenir les salariés dans leur emploi plus longtemps du fait de l’allongement de la vie, mais de diminuer gravement le niveau des pensions pour l’ensemble des retraités. Quel champ formidable pour les sociétés de toutes sortes qui veulent envahir le marché de la retraite, comme celui de la santé !
C’est pourquoi il faut non seulement maintenir l’âge de la retraite à soixante ans et celui du départ à taux plein à soixante-cinq, mais aussi revenir aux 40 annuités permettant de partir avec une retraite décente.
En revanche, la prise en compte de la pénibilité dans les conditions de départ à la retraite, la garantie d’un niveau de pension décent pour tous et une contribution réelle des sociétés qui font des profits ainsi que des hauts revenus au financement des retraites sont indispensables. Voilà la réforme des retraites qu’exige la majorité de nos concitoyens.
Le Gouvernement propose de limiter la notion de pénibilité à des conditions de travail ayant conduit à une incapacité physique d’au moins 20 %. Autrement dit, seuls les salariés malades bénéficieront d’un droit de départ à la retraite anticipé. Cela veut dire, par exemple, que les personnes qui ont été exposées à l’amiante mais dont la maladie ne s’est pas encore déclarée, ce qui est mon cas, n’auront même pas droit à une retraite anticipée.
Croyez-vous que c’est bon pour la santé de faire toute sa vie les trois-huit que pratiquent Continental, Goodyear ou Dunlop ? Toutes les études montrent que c’est mauvais pour la santé et qu’il faut le faire au minimum. La pénibilité du travail ne serait pas reconnue pour ces gens-là ? Ils n’auraient pas droit à une retraite anticipée à l’âge de cinquante-cinq ans ?
Croyez-vous que les éboueurs ou encore les ouvriers du bâtiment pourront travailler longtemps ? Mais où vit-on ? Vous n’avez jamais travaillé – il est vrai qu’il n’y a pas beaucoup d’ouvriers dans cette assemblée. Vous devriez tout de même vous rendre compte que vous faites trimer tous ces gens-là, tous les jours, par tous les temps. Il faut donc revenir sur la question de la pénibilité.
Le Gouvernement prétend aujourd’hui que, faute d’allonger la durée de cotisation et de reculer l’âge légal de départ à la retraite, notre système de retraite court à la faillite. Tout à l’heure, Alain Bocquet a rappelé que c’est un gouvernement d’union nationale de la Résistance qui a décidé de créer, à la Libération, la sécurité sociale et son système de retraite par répartition que tous les autres pays nous ont enviés et qu’ils nous envient encore alors que nous étions dans la faillite totale après la collaboration : morale, physique et matérielle.
Aux États-Unis, 52 millions d’Américains n’avaient aucune protection sociale ; ils ne pouvaient ni se soigner, ni prendre leur retraite. Barack Obama, qui est ce qu’il est et qui n’est pas mon leader bien aimé, a dû se battre contre des conservateurs comme vous, là-bas, pour imposer enfin un système social permettant aux familles américaines d’avoir un système de retraite. Vous, vous faites exactement l’inverse : vous fusillez à la kalachnikov le système de retraite par répartition.
Il paraît que le commerce des armes rapporte beaucoup à la France !
Ce constat ne manque pas de piquant pour un gouvernement qui s’est évertué, avec une ardeur sans précédent, à vider les caisses publiques au profit des plus riches, notamment en amputant le budget de l’État de 15 milliards d’euros seulement à travers le bouclier fiscal. Cette réforme est le résultat d’un choix délibéré : celui de ne pas faire contribuer, de préserver les revenus du capital.
Peut-être ne vous en souvenez-vous pas mais, depuis 1981 le groupe communiste n’a jamais voté le budget de la sécurité sociale, car certains refusaient de faire participer le capital. Nous avons même voté une fois contre un budget présenté par la gauche, car nous avons un désaccord de fond sur ce point.
Quand il faut s’attaquer aux revenus du capital, ça va mieux en le disant.
Dans la réalité, il faut y aller, il faut l’affronter. Aujourd’hui, c’est le même problème : vous faites le choix d’aggraver la situation. Ainsi que l’avait proposé le Conseil d’orientation des retraites, dont je suis membre, la création d’emplois et la suppression des exonérations de charges sociales alliées à une augmentation progressive du montant des cotisations permettraient de préserver notre système actuel. Une telle augmentation, dont la plus grande part devrait évidemment provenir des cotisations patronales, est parfaitement envisageable. En effet, les revenus du capital n’ont cessé de croître au cours des dernières années. Et la crise du libéralisme n’a fait qu’interrompre provisoirement ce mouvement, comme en attestent les bénéfices record réalisés par les entreprises du CAC 40 au cours du premier semestre 2010. Je peux vous montrer ces belles pages de journaux qui indiquent que les entreprises ont fait un bond extraordinaire. Un article fait état de 4 milliards de devises qui se baladent. Et c’est ce monde-là que vous voulez !
Oui, il faut avoir le courage d’attaquer les revenus du capital qui sont tellement importants. Nous proposons donc un âge légal de départ à la retraite à soixante ans, 40 annuités de cotisations et non 41,5 annuités, puis 42,5, voire 43,5. Si on ne bouge pas l’âge légal mais qu’on augmente les annuités de cotisations, plus personne en France ne pourra prendre sa retraite.
Monsieur le ministre, après vous avoir informé de la plainte que je vais déposer, je vous indique qu’on va continuer à se battre ; 2,5 millions de personnes sont descendues dans la rue hier, 3 millions selon certains, mais ce n’est qu’un début. Croyez-moi, vous allez vous retrouver face à des exigences très fortes, y compris dans cet hémicycle puisque nous avons déposé des amendements, dont celui qui prévoit 40 annuités de cotisations. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
 

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Maxime
Gremetz

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