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Renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le scandale du Mediator et la stratégie de Servier pour faire toujours plus d’argent en disent, hélas, beaucoup sur l’état de notre société, et ce d’autant plus que cette stratégie, couronnée de succès, a été récompensée d’une Légion d’honneur remise par M. Sarkozy lui-même.
M. Xavier Bertrand, ministre. Mais aussi par M. Mitterrand !
Mme Jacqueline Fraysse. C’est un argument mesquin ! Cela n’enlève rien à ce que je viens de dire, monsieur le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je complétais vos propos, madame.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Ça va mieux en le disant !
M. Robert Lecou. Je l’apprends ce soir !
Mme Jacqueline Fraysse. Cette affaire révèle également et surtout les graves dysfonctionnements qui minent la chaîne du médicament.
Mais ce scandale n’est que la partie visible de l’iceberg. Au-delà du Médiator, au-delà du Vioxx avant lui – pour s’en tenir à la période récente –, la France a un problème avec les médicaments. D’abord, notre pays en consomme trop. Ensuite, d’après la Haute Autorité de santé, seuls 15 % des médicaments qui chaque année reçoivent une autorisation de mise sur le marché sont réellement plus efficaces que ceux déjà existants.
Sous la pression d’une industrie pharmaceutique guidée par des impératifs de rentabilité financière et non par des objectifs de santé publique, les autorités sanitaires acceptent donc que soient prescrits des médicaments dont la majeure partie sont au mieux inutiles, souvent plus chers, et parfois dangereux.
Mme Catherine Lemorton. Comme la droite !
Mme Jacqueline Fraysse. La multiplication des accidents médicamenteux est la première conséquence de cette course à la pseudo-innovation thérapeutique, qui est avant tout une course aux profits. Les chiffres les plus couramment avancés font état de 140 000 hospitalisations provoquées par des accidents iatrogéniques et de 13 000 décès avérés.
Face à cette situation, ce texte marque certes quelques avancées – ce qui n’est pas dommage après le scandale du Mediator et alors que tant de rapports, ceux de l’IGAS, de la Cour des comptes, de l’Assemblée nationale et du Sénat, ont été publiés ! Mais, au bout du compte, il est loin, très loin des promesses formulées par M. le ministre au début de l’année.
Citons, au titre des avancées, les sanctions prévues en l’absence de déclaration d’intérêt, la création d’un visa publicitaire et l’obligation faite au titulaire d’une AMM de communiquer toute interdiction ou restriction d’usage imposée dans un autre pays.
Mais, concernant les conflits d’intérêts, il est très regrettable que le texte se borne à étendre l’obligation d’établir une déclaration d’intérêts et à exiger que tout professionnel médical mentionne ses liens avec l’industrie pharmaceutique lors de ses interventions publiques, alors que, compte tenu de la gravité du sujet, il eût fallu interdire purement et simplement aux personnes appelées à se prononcer sur la commercialisation des médicaments tout lien d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique. Nous avons déposé des amendements en ce sens.
De même, je regrette que les décisions de l’agence nationale appelée à remplacer l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé reposent toujours sur des études menées par les entreprises sur leurs propres produits, et non sur des expertises indépendantes. De surcroît, comment comprendre que des représentants des entreprises figurent dans la composition du conseil d’administration de cette nouvelle agence ?
Pour en finir avec les médicaments inutiles, nous proposerons que, dorénavant, l’assurance maladie ne rembourse que ceux qui apportent une amélioration significative du service médical rendu par rapport aux médicaments existants, et non par rapport au placebo. Comment se fait-il que cette disposition de bon sens et source d’économies pour la sécurité sociale ne figure pas dans ce texte ?
Nous proposerons également de créer, d’une part, un corps d’experts en santé publique chargés de l’expertise interne de toutes les instances de la chaîne du médicament et de permettre, d’autre part, à l’Agence nationale de sécurité du médicament de réaliser des études pré-AMM et post-AMM, ainsi que des réévaluations périodiques des médicaments.
Notre objectif est à la fois de desserrer l’étreinte des laboratoires pharmaceutiques sur les médecins comme sur les instances d’évaluation, et de donner à la puissance publique les moyens d’une expertise indépendante.
Mais, comme je l’ai si souvent dit à cette tribune, les médicaments ne sont pas des marchandises comme les autres. C’est pourquoi – et tous les événements récents le confirment – il est nécessaire de créer un pôle public du médicament qui interviendrait sur leur production, sur leur distribution et sur la recherche. C’est l’unique moyen de sortir le médicament de la logique financière qui prévaut aujourd’hui, avec tous les dangers que cette situation recèle.
Vous le voyez, monsieur le ministre, d’importants efforts restent à faire pour passer des déclarations de bonnes intentions aux actes concrets et efficaces. Je veux croire que l’examen de ce texte en séance permettra des améliorations significatives. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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Jacqueline
Fraysse

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