Interventions

Discussions générales

Pt prorogation mandat des membres de l’Assemblée des français de l’étranger et Pt représentation des français établis hors de France (DG commune)

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.
M. Patrice Carvalho. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, plus de deux millions de citoyens français ont fait le choix de vivre à l’étranger.
Malgré l’éloignement, nos compatriotes expatriés ont le droit de participer à la vie politique du pays. La nation est un « vouloir vivre ensemble » qui fait fi des frontières et des distances. Il était donc légitime d’accorder aux Français de l’étranger une instance de représentation démocratique, qui défend les intérêts des expatriés, relaie leurs préoccupations auprès des pouvoirs publics et donne son avis sur les grandes orientations politiques du pays.
C’est ainsi que fut créé, dès 1948, le Conseil supérieur des Français de l’étranger, remplacé en 2004 par l’Assemblée des Français de l’étranger.
Les deux projets de loi dont nous discutons aujourd’hui, dans le cadre d’une discussion commune, visent à modifier le mode de représentation des Français de l’étranger, pour y introduire à la fois plus de proximité et de démocratie.
Le premier projet de loi qui nous est soumis proroge le mandat des membres de l’AFE jusqu’en 2014 pour les élus de la zone B, c’est-à-dire de l’Europe, de l’Asie et du Levant. Ce texte ne pose pas de problèmes particuliers dans la mesure où il s’agit d’une simple modification du calendrier juridique permettant de prendre en compte les dispositions de la réforme discutée aujourd’hui.
La modification du mode de représentation de nos compatriotes expatriés était devenue une nécessité. En effet, le découpage actuel de l’Assemblée des Français de l’étranger en cinquante-deux circonscriptions était inadapté. Les zones géographiques retenues étaient à la fois peu cohérentes et trop étendues, ce qui nuisait forcément à la représentativité des Français établis hors de France.
Le manque de proximité, lié notamment aux conditions géographiques, était un défaut clairement identifié du système en place jusqu’à maintenant et qui, assurément, n’était pas un gage de vitalité démocratique. Il suffit de voir les taux d’abstention particulièrement élevés des élections des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger pour s’en rendre compte.
Aussi, la création par le présent projet de loi de conseillers consulaires semble aller dans le bon sens. Au nombre de 444, ces conseillers élus au suffrage universel représenteront les Français de l’étranger sur une base territoriale consulaire. Ils seront chargés de relayer les préoccupations des Français de leur circonscription et d’élire en leur sein les élus qui siégeront à l’Assemblée des Français de l’étranger.
En théorie, cette nouvelle catégorie d’élus permettra de restaurer un lien de proximité entre les expatriés et leurs représentants. Le découpage des circonscriptions sur la base du consulat semble pertinent puisqu’il s’agit de l’administration référente pour la plupart des expatriés. Ce découpage permet en outre de répondre aux besoins spécifiques de nos citoyens, nécessairement différents selon qu’on habite à New York, Brasília ou Alger.
Les conseillers consulaires sont présentés comme des interlocuteurs privilégiés auprès des différentes administrations, services consulaires comme services diplomatiques.
Pour autant, si une réforme est nécessaire, il n’en reste pas moins que le nouveau mode de représentation des Français établis à l’étranger n’est pas sans susciter un certain nombre d’interrogations.
Tout d’abord, on ne peut qu’être frappé par la complexité du système d’élection de l’Assemblée des Français de l’étranger, qui combine à la fois le suffrage universel direct et indirect. Il y a fort à parier que les électeurs auront bien du mal à s’y retrouver dans ce maquis. Difficile, dans ces conditions, de ramener nos compatriotes expatriés vers le vote.
La réforme proposée par le Gouvernement aurait sans doute gagné à plus de simplicité. Par ailleurs, je déplore que les instances de représentation des Français de l’étranger soient limitées à un simple pouvoir consultatif n’ayant aucun véritable pouvoir de décision.
Les conseillers consulaires peuvent certes être consultés par les représentants de l’État, ambassadeurs et consuls, mais sans qu’aucune garantie vienne véritablement encadrer cette mesure. Pourtant, il semblerait logique d’impliquer les représentants des citoyens français lorsque des décisions importantes, qui intéressent directement nos compatriotes expatriés, sont mises en œuvre par les représentants de l’État.
Prenons un exemple concret. L’ambassadeur de France à Berlin vient d’annoncer par voie de presse la fermeture de l’Institut français pour raisons budgétaires et le rapatriement de ses activités au siège de l’ambassade de France. Une décision d’une telle ampleur mériterait, à mon sens, une large consultation des élus représentants les Français établis en Allemagne. Or l’alinéa 2 de l’article 2 se borne à déclarer que : « Les conseils consulaires peuvent être consultés sur toute question concernant les Français établis dans la circonscription et relative à la protection sociale et à l’action sociale, à l’emploi, à la formation professionnelle et à l’apprentissage, à l’enseignement français à l’étranger et à la sécurité. »
Dès lors, il n’est pas certain que le présent projet de loi permette plus de consultation, plus de démocratie dans de telles situations qui touchent directement à la vie quotidienne de nos compatriotes expatriés.
J’en viens maintenant à la question de la représentation des Français de l’étranger au Parlement qui n’est pas sans appeler un certain nombre de remarques.
L’élargissement du collège électoral pour l’élection des sénateurs était certes nécessaire. Comment se prévaloir d’une légitimité démocratique lorsque les sénateurs sont élus par un collège de grands électeurs composé de 155 membres seulement ?
Le passage à un corps électoral de 520 grands électeurs n’est pourtant qu’une avancée a minima. L’introduction d’un vote à la proportionnelle aurait été en revanche la solution idoine pour donner plus de légitimité démocratique aux élus et garantir une meilleure représentation de l’ensemble des tendances politiques.
Il en va de même pour les députés de l’étranger dont les circonscriptions gigantesques ont peu de sens. Un de mes collègues qui s’est exprimé avant moi l’a très bien démontré. Le taux moyen de participation d’environ 20 % montre bien que cette solution n’est pas la bonne. Comment voulez-vous mobiliser lorsque des circonscriptions sont à cheval sur plusieurs pays, voire plusieurs continents ? Une élection à la proportionnelle aurait donné une tout autre visibilité au scrutin et accordé une meilleure légitimité démocratique aux élus.
D’une manière générale, le mode de représentation des Français de l’étranger symbolise bien ce qu’est la ve République, à savoir un système politique qui favorise un bipartisme asséchant, avec des institutions taillées sur mesure pour les deux partis majoritaires. Il est temps de changer de logiciel et d’instaurer cette vie République, sociale et écologique, pour laquelle le Front de gauche milite depuis longtemps.
Outre le vote à la proportionnelle, une autre réforme promise par le Gouvernement se fait toujours attendre : celle du droit de vote des étrangers.
Comment accepter que des personnes exilées fiscales dont le lien avec la France est parfois pour le moins distendu puissent participer à la vie démocratique de notre pays alors que l’on refuse toujours ce droit à des gens qui vivent depuis des décennies en France, y travaillent et y payent leurs impôts ?
La France est en retard sur cette question. Des pays comme la Suède, l’Irlande, les Pays-Bas, la Belgique ou la Slovénie ont déjà instauré le droit de vote des étrangers. Qu’attend le Gouvernement pour envoyer un signal positif en direction de tous ces hommes et ces femmes qui souhaitent enfin pouvoir voter ? Aujourd’hui, les dernières déclarations du chef de l’État nous font craindre un renoncement à l’égard de ce qui était l’un des principaux engagements pris par le chef de l’État lors de la campagne électorale.
Pour en revenir au cœur de notre sujet, les députés du Front de gauche, en lien avec ses représentants dans les circonscriptions de l’étranger, saluent la volonté de réformer le système de représentation des Français de l’étranger qui n’était assurément pas adapté à une bonne expression démocratique de nos concitoyens installés à l’étranger. Cependant, nous déplorons à la fois le manque d’ambition de ce texte et sa complexité.
Enfin, il ne faut pas oublier que cette réforme a été financée à moyens constants, dans un contexte d’austérité qui réduit de manière drastique les moyens de la France à l’étranger, avec des budgets en baisse depuis plusieurs années.
Malgré des améliorations par rapport à la situation qui prévalait auparavant, nous attendons de voir comment va se dérouler le débat avant de nous prononcer définitivement sur le vote de ce projet de loi.

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Patrice
Carvalho

Député de Oise (6ème circonscription)

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