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Pouvoirs publics : contrôle de l’action du Gouvernement et évaluation des politiques publiques (Parlement)

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour débattre d’un texte qui n’aurait pas appelé d’objections particulières de notre part si sa rédaction initiale n’avait été amendée par la commission des lois et si le Sénat n’avait proposé d’en restreindre encore la portée.
Nous ne nous sommes jamais fait beaucoup d’illusions sur la volonté de la majorité de renforcer significativement les pouvoirs du Parlement. Nous en avons fait l’expérience avec la réforme du règlement, qui nous a été imposée sans recherche de consensus, dans le prolongement d’une réforme constitutionnelle qui, sous le couvert de revaloriser les droits du Parlement, accentuait déjà les déséquilibres de notre régime en faveur de l’exécutif.
Le texte initial de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui prévoyait essentiellement deux mesures, sur lesquelles nous ne voyions pas motif à contestation.
Il s’agissait en premier lieu de permettre aux organes compétents du Parlement en matière de contrôle et d’évaluation des politiques publiques de convoquer les personnes dont l’audition est jugée souhaitable, et d’obtenir communication des informations qui leur sont nécessaires, mesures dont nous ne pouvions qu’approuver le principe.
Il s’agissait, en second lieu, de permettre aux présidents des deux chambres ou au président de toute instance créée au sein du Parlement de demander l’assistance de la Cour des comptes pour l’évaluation des politiques publiques, afin de se mettre en conformité avec une décision du Conseil constitutionnel qui exige qu’une loi détermine les modalités d’assistance de la Cour des comptes.
Bien que d’une portée limitée, ce texte aurait pu recueillir l’approbation de l’ensemble des députés s’il n’avait été profondément modifié dans un sens qui dessert manifestement l’opposition.
Ainsi, la commission des lois a modifié le champ des instances bénéficiant du droit de convoquer des auditions, dans l’objectif d’exclure les missions d’information, qui ont pour principal défaut d’être souvent présidées par des membres de l’opposition.
Dans le même esprit, elle a adopté un amendement qui impose aux deux rapporteurs désignés pour une évaluation donnée de travailler conjointement. Comme chacun l’aura compris, il s’agit d’empêcher un rapporteur d’auditionner des personnes que l’autre rapporteur jugerait indélicat de convoquer.
Le Sénat en a, si je puis dire, « rajouté une couche », considérant qu’il ne convenait pas de confier aux instances d’évaluation et de contrôle des prérogatives reconnues aux commissions d’enquête.
Notre rapporteur a beau alléguer que cela ne réduira en rien les pouvoirs du CEC de contrôler sur pièces et sur place, d’obtenir la communication de tous documents et de convoquer en audition, il n’en reste pas moins que ces pouvoirs seront conférés au cas par cas pour des missions déterminées et d’une durée de six mois, sous réserve que nul – Gouvernement compris – n’exprime d’opposition.
Ces dispositions encadrent si étroitement l’activité des députés désignés par le CEC qu’on se demande à quoi leurs travaux pourront bien servir ! Le plus choquant en l’espèce est que nous acceptions collectivement que le Sénat, qui n’a pas créé en son sein de comité d’évaluation, dicte aux députés la manière dont leur comité d’évaluation doit fonctionner !
La faculté des instances parlementaires de demander l’assistance de la Cour des comptes a également été réduite, votre majorité s’étant, là encore, employée à vider le texte de sa substance.
Notre commission des lois a d’abord proposé que les présidents des deux assemblées exercent un filtre systématique des propositions de demandes d’assistance. Même si nous comprenons, sans les partager, les arguments invoqués – à savoir le risque d’engorgement de la Cour des comptes –, la volonté de la majorité des deux commissions de limiter au maximum l’initiative des membres de l’opposition est on ne peut plus claire pour nous.
Le Sénat s’est engagé dans la même voie et a proposé d’exclure du champ des demandes transmises par les présidents des deux assemblées les enquêtes relatives aux finances publiques ou aux finances de la sécurité sociale.
Cette restriction pouvait à bon droit être interprétée comme une interdiction pour les instances autres que les commissions des finances et des affaires sociales de s’intéresser à l’aspect financier des politiques publiques. Le correctif introduit par la suite n’est pas satisfaisant : pour que ces autres instances puissent demander valablement l’assistance de la Cour des comptes, il faudra, en définitive, que la dimension financière des politiques publiques considérées « demeure subsidiaire et ne constitue pas l’angle principal d’examen de la question ». La restriction est tout de même de taille.
Lors de l’examen de la réforme du règlement, nous avions dénoncé la stratégie de la majorité qui consistait à n’envisager le renforcement des pouvoirs du Parlement qu’au profit du groupe majoritaire, au détriment du pluralisme et aux dépens de l’opposition et des groupes minoritaires, au sein de la majorité comme de l’opposition. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui confirme, si besoin en était, notre appréciation. Le renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement n’est qu’amorcé. Tout reste encore à faire.
Dans ces circonstances, nous voterons contre la présente proposition de loi.
 

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Daniel
Paul

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)
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