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PME, commerce et artisanat : réseaux consulaires, commerce, artisanat et services

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, voila une réforme qui laissera un goût amer à plus d’un titre.
Ainsi, certains salariés des réseaux consulaires vont perdre leur emploi, car, malgré ce qui a pu être dit, cette réorganisation va conduire à des suppressions de postes, à l’instar de ce qui se passe au sein de la CCI de Paris, où cette réforme des réseaux consulaires est largement anticipée et où elle se traduit par la fermeture et l’externalisation de services, comme en font état des documents syndicaux et des communiqués de presse signés par la quasi-totalité, voire la totalité, des organisations syndicales. Vingt et une suppressions de postes ont déjà eu lieu cette année, et des licenciements sont en cours. D’autres salariés vont se retrouver mutés, parfois à plus d’une centaine de kilomètres de leur domicile.
Certains avaient éventuellement pu croire que cette réforme pouvait au moins avoir le mérite de mettre fin aux lacunes du dispositif de représentativité syndicale : ce ne sera pas le cas. Nous avons mis en évidence, en première lecture, l’archaïsme du système existant : en matière de représentativité, il n’y a eu aucune évolution depuis 1952 ou 1953. Lors de nos débats, le secrétaire d’État lui-même ignorait d’ailleurs, à vingt ans près, de quand datait la dernière évolution en question.
Monsieur Novelli, il y a quelques semaines, vous avez rencontré individuellement chaque organisation syndicale avant qu’une réunion de concertation ne soit organisée le 31 mai dernier rassemblant l’ensemble des acteurs.
Vous avez ainsi tenu une promesse faite nuitamment dans cet hémicycle.
Au cours de ces rencontres, vous avez interrogé les organisations syndicales sur leur position en matière de seuils et de modes de représentativité. J’ai le regret de dire qu’il ne s’agissait que d’une concertation de façade.
Les syndicats n’ont plus eu de nouvelles, jusqu’à ce que le Gouvernement dépose deux amendements proposant de jeter les bases d’une certaine représentativité, à défaut d’une représentativité certaine.
Mais, ainsi que l’a reconnu la rapporteure, il est difficile d’en savoir plus, puisque ces amendements, bien qu’ils permettent de définir des seuils de représentativité, renvoient à des modalités définies par voie réglementaire. Nous y reviendrons.
Il semble cependant que les préconisations de l’ACFCI soient privilégiées. Vous venez d’ailleurs de dire que tous ces éléments avaient fait l’objet de négociations, et qu’il ne fallait pas trop y toucher. Il s’agit sans doute de faire entériner par l’Assemblée ce qui a été préalablement négocié. Nous nous dirigeons donc vers une représentativité nationale définie à partir de la consolidation des résultats locaux. Or cette méthode n’est pas satisfaisante.
Certes, vous faites un pas pour améliorer le dispositif mis en place en 1952, mais vous pourriez permettre que le système soit beaucoup plus démocratique qu’il ne l’est aujourd’hui. Qu’en est-il du traitement égal entre les organisations syndicales ? Les deux organisations reconnues comme représentatives reçoivent 270 000 euros attribués par l’ACFCI à celles qui siègent en CPN. Il est évident qu’il est plus facile de faire campagne lorsque l’on dispose de subsides. Ajoutons encore que 55 % des représentants du personnel seraient sans appartenance syndicale. Il est certain que la méthode de la consolidation ne permettra pas d’apporter une juste image de la représentativité au sein des CCI.
En publiant, le 8 juin 2010, son communiqué intitulé « Élections des commissions paritaires locales : afin d’examiner le principe d’élections à date unique des CPL du réseau, il a été décidé de convoquer une CPN extraordinaire le 8 juillet prochain. », à l’évidence, l’AFCI ne doutait pas qu’elle obtiendrait gain de cause, assurée qu’elle était du soutien du Gouvernement. Madame la rapporteure, à quoi servons-nous donc ?
De plus, les modalités de ces élections seront fixées par une instance dont la légitimité est aujourd’hui contestée, en raison notamment des conditions de nomination de ses membres.
Les salariés des CCI peuvent dès lors s’attendre à ce que leur situation ne s’améliore pas. Au contraire, il y a de fortes chances qu’elle se dégrade au regard des orientations prises.
Par ailleurs, le débat sur l’introduction de la notion d’établissement public administratif est très intéressant. En déposant un amendement à ce sujet en première lecture, je ne pensais pas qu’il susciterait autant de discussions. M. Novelli l’a même présenté au Sénat comme un « amendement communiste ». C’est gravé dans le marbre puisque cela figure dans le procès-verbal des débats du Sénat.
Mais ce qui m’intéresse davantage, ce sont les raisons mises en avant pour justifier le refus de cet amendement : cela « corsèterait » les établissements consulaires ; cela constituerait un « obstacle psychologique » à l’investissement en temps de travail des chefs d’entreprise ; ce serait un « frein à la liberté d’entreprendre » ! Tous ceux qui travaillent au quotidien au service de l’intérêt général de notre pays – et ils sont nombreux – apprécieront ce florilège de clichés.
C’est bien parce que nous sommes conscients de l’importance des CCI que nous rejetons cette réforme.
Les CCI ont un rôle important à jouer en matière de développement économique local. Ce sont des acteurs de terrain et de proximité. C’est pourquoi nous nous opposons à la régionalisation telle qu’elle est prévue par ce texte. C’est pourquoi nous sommes attachés à ce que leur caractère d’établissement public administratif soit inscrit dans la loi : cela permet de reconnaître leur rôle de relais des politiques publiques et celui d’instrument d’aménagement du territoire.
Nous ne voulons pas que les établissements consulaires deviennent de simples cabinets de consulting auprès des quelques grosses entreprises qui siégeront au sein du conseil d’administration de la CCI de région.
Nous ne sommes pas dupes. Nous voyons bien que l’objectif, in fine, de cette réforme, est d’amener les chambres de commerce et d’industrie à abandonner progressivement leurs missions de service public au profit de missions purement commerciales, ainsi qu’en témoigne la possibilité offerte aux CCIT de recruter directement du personnel, mais uniquement de droit privé. Nul doute qu’à terme, la proportion d’agents de droit public et privé au sein des CCI évolue profondément leur faisant perdre leur caractère « administratif », voire peut-être celui d’établissement public.
Il s’agit, en fait, du fond de la politique gouvernementale : supprimer toute règle qui puisse constituer une entrave à la liberté d’entreprendre. Le terme « public » est présenté comme contraire à l’efficacité – « efficacité » devant être entendue au sens de rentabilité. Nous aurons évidemment l’occasion de revenir sur ces questions lors de la discussion des amendements.
Mais je ne doute pas, monsieur le secrétaire d’État, que vous ferez le nécessaire pour que tout se déroule parfaitement et que notre amendement soit finalement adopté.
L’article 11, relatif aux marchés d’intérêt national, illustre bien cette logique.
Issue des conclusions d’un groupe de travail mis sur pied par le Gouvernement, la rédaction initiale de cet article avait recueilli l’assentiment de l’ensemble des responsables du secteur, même si nous jugeons toujours néfaste, et particulièrement en période de crise, la transposition de la directive dite « Services ».
Mais d’aucuns trouvaient qu’assouplir les règles, en l’occurrence celles des périmètres de référence, n’était pas suffisant au regard de leur logique libérale ; ils ont donc proposé et obtenu leur suppression. Or les marchés d’intérêt national ne sont pas uniquement des plateformes commerciales ; ils ne représentent pas uniquement des intérêts économiques : ce sont des structures favorisant les circuits courts, mais aussi des outils essentiels en matière d’aménagement du territoire et de développement durable.
Les sénateurs se sont entendus pour rétablir les périmètres de protection pour les surfaces supérieures à 1 000 m2. Mais les plus libéraux d’entre vous ne s’avouent pas si facilement vaincus puisqu’ils ont proposé, et une nouvelle fois obtenu, que ce régime d’autorisation soit maintenu « à titre transitoire », un bilan devant être réalisé au plus tard le 31 décembre 2012, portant « en particulier sur la mise en œuvre et l’efficacité des périmètres de référence ».
Monsieur le secrétaire d’État, il m’arrive assez fréquemment de demander que des bilans soient réalisés. Le Gouvernement et sa majorité les refusent régulièrement sous prétexte qu’ils alourdissent le travail de l’Assemblée ou des services de l’État. Cette fois, un bilan est prévu : nul doute que les rédacteurs de cet amendement espèrent pouvoir à cette occasion supprimer discrètement ces périmètres. Ils veulent faire dans quelques mois ce qu’ils ne parviennent pas vraiment à faire aujourd’hui.
Pour ma part, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que, fin 2012, vous ne soyez plus là.
Nul doute, en effet, que la nouvelle majorité, issue des prochaines élections législatives, s’abstiendra de prendre une décision aussi funeste.
Quant à l’article 14, adopté conforme par le Sénat et présenté comme une simple adaptation de la directive européenne 2006/123 sur les services dans le marché intérieur, il marque en fait une nouvelle étape vers la libéralisation totale du placement des demandeurs d’emploi et des salariés.
Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pouvons accepter l’ensemble de ces mesures, qui ont pour prétexte l’Europe, mais qui, de fait, vont beaucoup plus loin dans la libéralisation que ne l’impose la législation communautaire. Je pense notamment aux modifications apportées à la réglementation de la profession d’agent d’artiste, qui vont au-delà de la simple transposition de la directive « Services ».
Mon journal quotidien préféré – que je ne citerai pas, pour ne pas lui faire de publicité ; c’est inutile (Sourires) – publiait, il y a quelques jours, un article intitulé : « Réforme des retraites : pour les beaux yeux d’Angela... et de la finance ». On peut en dire autant de ce texte, ainsi que de la plupart de ceux qui sont soumis à notre examen.
Puisque nous ne partageons pas les orientations que vous imposez dans ce texte, nous voterons, comme en première lecture, contre le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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Daniel
Paul

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)
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