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PLF 2013 (séance publique) : Écologie, développement et aménagement durables

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour une première question.
M. Patrice Carvalho. Madame la ministre, suite à la remise du rapport Gallois, le Gouvernement a annoncé son intention de mettre en place d’ici 2016 une nouvelle fiscalité écologique – nous en avons déjà parlé tout à l’heure – dont le montant pourrait s’élever à 3 milliards d’euros environ. Je sais que la réflexion n’est pas aboutie et qu’une concertation préalable est prévue. Toutefois, il serait utile d’en savoir un peu plus sur vos intentions.
Lorsque nous évoquons la fiscalité écologique, nous ne parlons pas tous du même contenu. Certains pensent que c’est par un surenchérissement des prix que nous modifierons le comportement de nos concitoyens. Or une telle démarche conduit à pénaliser ceux qui ont des revenus modestes, tandis que les plus riches peuvent payer les hausses de prix sans modifier leurs habitudes de consommation.
L’exemple des carburants en est la preuve. On a pu penser que les tarifs élevés à la pompe diminueraient la consommation et dissuaderaient nos concitoyens de recourir systématiquement à leur voiture. Rien de significatif ne s’est produit. Je suis député d’une circonscription rurale. Les habitants des villages n’ont pas d’alternative de transport fiable qui leur permettrait de délaisser leur véhicule, et ils le paient au prix fort. Le montant de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques représente 49 % du prix du gazole, 57 % du prix de l’essence sans plomb et 25 % du prix du fioul domestique. À cela s’ajoute la TVA à 19,6 %, appelée à augmenter. Cette fiscalité, qui permet de faire entrer 25 milliards d’euros par an dans les caisses de l’État, crée une fracture écologique en pénalisant les plus modestes sans changer leur rapport à la voiture, faute d’autre choix et, surtout, d’autre moyen. Quand allons-nous nous attaquer à cette question ?
En revanche, et à l’inverse, le transport routier bénéficie d’un dispositif de remboursement de TICPE sur le gazole. Certes, il y a des entreprises et des emplois à la clé, mais aidons-nous ainsi à développer une alternative à la route ? Nous pourrions dire la même chose au sujet des exonérations de TICPE sur le transport aérien, dont la suppression pourrait entraîner l’augmentation du prix des billets pour les passagers.
Voilà, madame la ministre, un beau lot de contradictions qui ne servent pas la cause de l’écologie et qui créent, surtout, davantage d’inégalités. Quand allons-nous les affronter ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. La fiscalité écologique est incitative : son but est d’inciter chacun à changer ses comportements. Vous avez raison de dire que l’une des difficultés de la réflexion que j’évoquais tout à l’heure et des travaux que nous allons conduire réside dans le fait qu’une partie de nos concitoyens n’ont pas d’autre choix que d’emprunter leur voiture pour aller travailler, parce qu’ils habitent en milieu rural où il n’existe pas de transports en commun. Ce point avait posé une difficulté majeure dans le projet relatif à la taxe carbone porté par le précédent gouvernement, qui conduisait à un certain nombre d’injustices sociales. Vous avez donc raison de souligner l’enjeu majeur de la justice sociale dans la mise en œuvre d’une fiscalité écologique. C’est en tout cas mon point de vue, et c’est ce que j’appelle le défi de la social-écologie. Sachez que le Gouvernement est particulièrement attentif à cette préoccupation.
S’agissant du prix des carburants, vous connaissez les mesures d’urgence prises par Pierre Moscovici et le Gouvernement à la fin du mois d’août, au moment de la flambée des prix. Nous attendons les conclusions prochaines d’un rapport de l’Inspection générale des finances sur les suites qui pourront être données aux mesures prises. La difficulté est que le prix des carburants est aujourd’hui le même pour tous, alors que les situations sociales sont très différentes d’un territoire à l’autre, et d’une catégorie sociale à l’autre. La difficulté est de prendre en compte la diversité des situations sociales, qui conduit effectivement aujourd’hui à un certain nombre d’injustices. Tout le monde n’est pas égal face à la hausse des prix des carburants.
Il faut donc à la fois inciter nos concitoyens à utiliser des voitures propres – c’est aussi le choix qu’a fait le Gouvernement en soutenant massivement, par le biais du bonus écologique, un changement de modèle dans l’achat des véhicules – et les encourager à emprunter les transports en commun. Encore faut-il que ceux-ci puissent absorber une demande supplémentaire de transport et qu’ils aient la capacité d’accueillir le public.
Il faut effectivement traiter les situations les plus injustes socialement : le Gouvernement s’inscrit bien dans cette perspective.
M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour une seconde question.
M. Patrice Carvalho. Madame la ministre, ma seconde question concerne l’application un peu brutale de la loi sur l’eau. L’hydroélectricité constitue la deuxième forme de production d’électricité en France, derrière l’énergie nucléaire. Elle représente 13 % de la production électrique nationale. L’investissement provient d’ailleurs souvent d’opérateurs privés, à l’inverse des éoliennes que nous avons payées indirectement ! En outre, l’hydroélectricité est aujourd’hui de très loin la première énergie électrique renouvelable, puisqu’elle représente 83 % de la production d’électricité renouvelable : c’est dire son importance et son avenir ! Ainsi, dans la foulée du Grenelle de l’environnement, un objectif a été fixé pour la filière hydroélectrique : porter à 23 % la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d’électricité en 2020.
Cette production a une particularité : elle est l’œuvre, bien sûr, d’EDF avec 435 centrales et 622 barrages, mais aussi de PME, de collectivités et de particuliers. La petite hydroélectricité représente plus de 2 000 petites centrales et environ 10 % de la production hydroélectrique en France.
Il existe donc un véritable potentiel de développement de cette filière. Pourtant, il nous faut affronter des paradoxes. Ainsi le renouvellement des concessions hydroélectriques va-t-il conduire à des pertes de production du fait des clauses environnementales aux exigences renforcées et inadaptées.
M. Alain Gest. C’est vrai !
M. Patrice Carvalho. J’ai connaissance du cas d’un petit producteur du Lot, dont le chiffre d’affaires annuel s’élève à 30 000 euros, et à qui l’on demande de réaliser des travaux d’investissement, à hauteur de 400 000 euros, pour se mettre en conformité avec la loi sur l’eau. Nous devons également faire face à des propositions de classement de cours d’eau au titre de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques. Or ces propositions mettent souvent en péril une grande part du potentiel hydroélectrique exploité ou non encore exploité. Ajoutons à cela le fait que les centrales électriques d’EDF ne sont pas du tout en conformité, et que personne ne bouge ; en tout cas, nos policiers de l’eau sont beaucoup moins efficaces dans ce domaine. Je souhaite savoir, madame la ministre, comment vous comptez affronter ces contradictions.
M. Alain Gest. C’est une bonne question ! Merci de l’avoir posée : cela nous permettra d’avoir la réponse !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Monsieur Carvalho, voulez-vous parler de la contradiction entre la biodiversité et l’hydroélectricité ?
M. Patrice Carvalho. Non, je veux surtout parler de la différence de traitement entre les petits producteurs d’hydroélectricité, à qui l’on demande d’arrêter leur activité, et les grosses centrales qui continuent de produire sans contraintes, par exemple sans qu’on leur impose l’installation de passes à poissons !
Mme Delphine Batho, ministre. Tout d’abord, vous avez raison de souligner l’importance de l’hydroélectricité. J’ai également discuté ces derniers jours avec Jean-Paul Chanteguet du problème que vous soulevez.
Vous le savez : dans le cadre des schémas régionaux climat-air-énergie, les régions fixent les orientations en matière d’hydroélectricité. Ces schémas sont en cours de finalisation dans la plupart des régions, et contiennent un volet hydroélectrique, coordonné dans le cadre de la révision du classement des cours d’eau, finalisé dans certains bassins et en cours de finalisation dans d’autres. Effectivement, j’ai été interpellée par un certain nombre de parlementaires – comme vous venez de le faire – sur les difficultés qui en résultent. Les ouvrages construits sur les cours d’eau bénéficient d’un délai de cinq ans pour être mis en conformité. D’ailleurs, dans de nombreux cas, sur des cours d’eau déjà classés antérieurement, la mise en conformité aurait dû intervenir depuis plus d’une dizaine d’années. Le financement de cette mise en conformité est, normalement, d’ores et déjà aidé par les Agences de l’eau, et doit être amplifié dans les dixièmes programmes. Les agences financent ces travaux à hauteur de 50 %. Environ mille ouvrages ont été aidés ces dernières années.
J’ai bien entendu les difficultés que vous soulevez, comme celles que Jean-Paul Chanteguet a portées à ma connaissance. Je souligne que les deux objectifs de production et de protection de l’environnement ne sont pas contradictoires, et qu’il est possible de trouver des solutions dans de nombreux cas. Je m’y emploierai.

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Patrice
Carvalho

Député de Oise (6ème circonscription)

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