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PLF 2013 (séance publique) : Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la forêt.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, longtemps, trop longtemps, beaucoup ont pu croire que seules des politiques d’austérité pouvaient réduire les déficits et relancer la croissance.
Les faits sont têtus : ils se sont trompés. Il se trouve que l’on continue à s’enfermer dans l’erreur en persistant à vouloir faire revenir les déficits publics sous la barre des 3 %. Il s’agit d’une entreprise dangereuse car si cet objectif inatteignable doit être atteint coûte que coûte, ce sera au prix de réajustements brutaux.
La forêt n’échappe pas à ces coupes sombres.
Les crédits affectés à la forêt dans ce budget sont un bel exemple, un exemple topique, pourrait-on dire, de la politique de courte vue que constitue la rigueur, politique certes partagée sur des rangs divers.
Il y a là un véritable paradoxe : à l’heure où l’on fait grand cas de l’environnement, où l’on promeut l’utilisation du bois dans le bâtiment, le chauffage au bois et la biomasse, les crédits affectés à la forêt, eux, baissent de 17,2 % en autorisations d’engagement et de 12,3 % en crédits de paiement par rapport au projet de loi de finances pour 2 012 !
Dans son beau et fort poème, Contre les bûcherons de la forêt de Gâtine, Ronsard avait ce cri : « Écoute, bûcheron, arrête un peu le bras ! Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Certes, monsieur le ministre, vous n’êtes pas bûcheron.
Les dotations globales du programme 149 pour 2013 s’élèvent à 290,74 millions d’euros en autorisations d’engagement au lieu de 349,68 millions d’euros en 2012, et à 315,42 millions d’euros en crédits de paiement au lieu de 358,4 millions d’euros en 2012.
Certes, j’entends que cette baisse est en partie le résultat du ralentissement programmé des engagements et des paiements du plan Klaus, décidé à la suite de la tempête de 1999, où l’accent budgétaire avait été mis sur les premières années, même s’il reste beaucoup à faire. Toutefois, même en excluant les crédits affectés au plan Klaus, les crédits de l’action 12, « Développement économique de la filière et gestion durable », sont en baisse de 15 %. L’ensemble, je dis bien l’ensemble du programme 149 est en baisse de 3,3 %, hors inflation, bien évidemment.
Ce qu’il y a de plus grave encore, c’est de s’entêter à poursuivre une politique forestière qui a montré son incapacité à diminuer le déficit de la balance commerciale.
Par contre, cette politique forestière a conduit à une exploitation non maîtrisée de nos forêts publiques et plus globalement à une sous-valorisation d’une ressource forestière de qualité.
Les fonctions écologiques de la forêt sont progressivement négligées au profit d’activités concurrentielles et au profit d’intérêts privés de court terme.
Face à ce constat, une urgence s’impose : celle de mettre en œuvre une réforme d’envergure prenant mieux en compte les multiples enjeux sociaux, écologiques et économiques. Aussi, je propose dans mon rapport que le contrat d’objectifs et de performance 2012-2016 signé entre l’État, l’ONF et la Fédération nationale des communes forestières soit suspendu, avec arrêt immédiat des suppressions de postes à l’ONF.
Le constat est en effet largement partagé : l’ONF n’est plus en mesure de faire face à toutes ses missions. L’établissement est contraint de les adapter aux moyens dont il dispose. Cette adaptation contrainte est en contradiction avec le code forestier, qui fixe comme obligation une gestion durable, multifonctionnelle, accompagnée de l’obligation d’une exploitation accrue.
Je vous propose, monsieur le ministre, chers collègues, de mettre en œuvre une politique forestière adaptée à la richesse de la ressource, valorisant un bois de qualité en favorisant les filières locales, voie indispensable pour réduire le déficit de la balance commerciale de la filière.
Cette orientation est soumise à plusieurs exigences : un mode de rémunération des missions de service public assurant un financement stable et pérenne, une politique ambitieuse de préservation de la biodiversité et des paysages forestiers, politique fondée notamment sur la trame verte et bleue et le développement des corridors écologiques. « Forêt, haute maison des oiseaux bocagers » écrivait encore Ronsard.
Pour que notre pays soit à la hauteur de cette ambition, j’invite le Gouvernement à organiser un grand débat national fondé sur une réelle concertation car un débat d’envergure est seul à même de réorienter notre politique forestière nationale selon un projet cohérent.
Pour conclure, je souhaiterais d’ores et déjà insister, monsieur le ministre, sur un point : l’augmentation attendue de la production de bois et les nouvelles opportunités de la filière bois en matière de développement durable vont nécessiter un surcroît de main-d’œuvre dans le secteur. Les besoins en emplois pérennes et qualifiés sont importants et iront en augmentant afin de répondre au défi de la valorisation des forêts françaises. Pourtant, ces besoins en emplois ne pourront pas être satisfaits tant que perdureront les conditions actuelles de travail en forêt. Nous en avons en mémoire les suicides de quatre forestiers de terrain à l’été 2011 et plus largement de vingt agents patrimoniaux de l’ONF en six ans. Mais il s’agit d’un problème plus vaste qui affecte, au-delà de l’ONF, l’ensemble des travailleurs forestiers au sens large : sylviculteurs, bûcherons, débardeurs, transporteurs de grumes et, en aval, les salariés des scieries. L’amélioration des conditions de travail en forêt et en scierie est un préalable absolument nécessaire au développement de la filière forêt-bois.
Compte tenu des réserves évoquées, je ne peux en conscience donner un avis favorable sur les crédits affectés au programme « Forêt ».
Pour autant, je ne souhaite pas enfermer mon avis dans une forme de posture d’opposition que certains pourraient trouver stérile. Comme je l’ai fait en commission, je m’en remettrai à la sagesse de l’Assemblée.
Et je ne vous surprendrai pas en disant que la commission des affaires économiques a, quant à elle, considéré qu’il était sage d’adopter ces crédits.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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