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PLF 2012 : Ecologie, développement et aménagements durables

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, lors de l’audition du Gouvernement par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, vous vous êtes félicité de ce projet de budget.
Permettez-moi de tempérer votre enthousiasme. Une remarque faite lors d’une réunion du think tank de la SNCF…
M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports. Il y a un think tank à la SNCF ?
M. Daniel Paul. …devrait en effet nous alerter : « Au vu des chiffres du secteur, il faudrait arrêter de déifier le fret ferroviaire. L’important serait de transporter les marchandises et de faire tourner l’entreprise, sur tous les modes, dans la réalité économique ».
Cette même « réalité économique » vous conduit à déposer un avant-projet de loi sur les lignes routières nationales en précisant : « Nous sommes dans une période où l’important est surtout de faire avancer la possibilité de mettre en œuvre d’autres services que le ferroviaire. »
Et c’est sans doute cette « réalité économique » qui pousse certains, à droite, à proposer d’aider financièrement les routiers dans le cadre de la mise en œuvre de la taxe poids lourds, en utilisant les fonds de l’AFITF, l’agence pour le financement des infrastructures de transport de France. Cette taxe, symbole du report modal, n’est pas encore en vigueur que les exonérations et les compensations se multiplient. D’autant que vous amputez sa subvention de 149 millions d’euros par une ponction de 53 millions d’euros au titre de la participation des opérateurs publics à la réduction du déficit.
Sans nier les difficultés du secteur routier, qui subit durement la crise, comment rendre crédible le report modal si on ne l’accompagne pas d’une revalorisation tarifaire et sociale du transport routier de marchandises ?
Or, et c’est une autre conséquence de la « réalité économique » à la mode libérale, le recul modal s’accompagne d’un recul social sans précédent. En effet, vous appliquez à la lettre le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, ce qui entraîne la suppression de 1 309 emplois équivalents temps plein. Pour Voies navigables de France, cela équivaut à la perte de 271 équivalents temps plein d’ici à 2013, sans oublier la perte de crédits liée à la taxe hydraulique.
L’avenir du pavillon français dans le détroit de la Manche est également compromis et, avec lui, celui de plusieurs centaines de salariés qui font les frais d’une concurrence déloyale et d’un dumping social effréné. SeaFrance, filiale à 100 % de la SNCF, a vu son plan de recapitalisation rejeté par la Commission européenne, laquelle est pourtant beaucoup moins regardante sur l’argent versé aux banques.
M. Thierry Mariani, ministre. C’est un commissaire socialiste qui l’a rejeté !
M. Daniel Paul. Quant à la situation de nos ports, monsieur le ministre, je vous ai dit en commission combien l’absence de politique résolue en matière de dessertes terrestres était pénalisante.
Comment ne pas voir que les assises du ferroviaire ont pour objets la fuite en avant en matière de concurrence et la casse du statut des cheminots ?
Ainsi, le plan fret consacre l’abandon du wagon isolé et un report modal estimé à un million de camions. Avec 2,5 milliards d’euros de crédits, RFF va devoir à la fois régénérer le réseau, construire des lignes nouvelles et subir une dette de 27 milliards d’euros qui devrait encore croître avec les projets en cours. Vous en faites supporter les conséquences à la SNCF par un accroissement inconsidéré des péages ou encore par le passage de 75 à 155 millions d’euros en 2012 de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires, qui, évidemment, est principalement à la charge de l’entreprise nationale.
Les effets sur le fret de l’ouverture à la concurrence sont visibles : nous sommes passés de 46,9 milliards de tonnes par kilomètre en 2004 à 16,9 milliards en 2010.
Que dire du schéma national d’infrastructures de transport ? M. Mariton l’affirmait en quelque sorte tout à l’heure : l’exercice est dénué de toute crédibilité faute de priorisation des projets et surtout de financements dédiés. 260 milliards sur trente ans, c’est tout simplement irréaliste sans même tenir compte de la crise que nous traversons actuellement.
Vous évoquez les partenariats public-privé, qui offrent au privé une belle rente au détriment des finances publiques. La LGV Tours-Bordeaux en est un parfait exemple. Mais il n’y aura pas de politique ambitieuse des transports sans maîtrise publique, fondée sur des financements pérennes, non soumis à la pression des marchés financiers.
La nécessité d’une politique ambitieuse nous amène à vous faire trois propositions.
Tout d’abord, la création d’un « versement transport régional », permettant aux régions de province de disposer d’une ressource propre ; je développerai ce point dans le cadre d’un amendement.
Ensuite, une maîtrise publique des sociétés d’autoroutes, avec affectation des ressources dégagées aux financements des infrastructures favorisant le report modal. Cette proposition est portée par mes amis du Sénat, vous la retrouverez lorsque vous défendrez votre budget devant eux. Rappelons que le bradage scandaleux que vous avez consenti aux sociétés d’autoroutes permet aux opérateurs privés de réaliser aujourd’hui deux milliards d’euros de bénéfices par an sur un chiffre d’affaires de huit milliards. Qui dit mieux ?
Enfin, nous vous proposons la création d’un livret défiscalisé, dédié au financement des infrastructures de transport, sur le modèle du livret A. C’est l’objet d’une proposition de loi que je viens de déposer. Les fonds partiellement centralisés par la Caisse des dépôts et consignations seraient disponibles pour des prêts à très long terme, pour le financement des projets retenus au SNIT et des investissements réalisés par les collectivités territoriales pour améliorer les performances des réseaux de transport.
Votre projet de budget est loin de cette ambition, nous ne le voterons évidemment pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. André Chassaigne. Excellent, monsieur Paul !

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Daniel
Paul

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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