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Discussions générales

Plan d’aménagement et de développement durable de Corse

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, j’ai l’impression de parler ici par procuration, avec une pensée pour mes amis communistes corses, en particulier pour Dominique Bucchini, le président de l’Assemblée de Corse.
Le projet de loi relatif au plan d’aménagement et de développement durable de la Corse a été adopté dans un certain consensus au Sénat. En effet, sur tous les bancs, les parlementaires ont conscience de l’importance de donner aux élus corses la possibilité de doter enfin leur territoire d’un plan d’aménagement et de développement durable. Ce texte de loi permet de faciliter la rédaction, la modification et l’adoption d’un PADDUC par l’Assemblée de Corse après l’échec des précédentes négociations.
En 2002, en effet, la loi sur le statut particulier de la Corse prévoyait la mise en place d’une superdirective territoriale d’aménagement et de développement durable pour le territoire corse. Les divergences importantes entre les élus de la précédente assemblée insulaire ont cependant conduit au retrait du premier projet de PADDUC en 2009, peu avant les élections. Il est donc aujourd’hui nécessaire d’opérer des modifications législatives pour faciliter la mise en place de ce document, mais aussi pour permettre que celui-ci intègre les dispositions du Grenelle, particulièrement s’agissant de la continuité écologique et des trames verte et bleue. Ainsi, le projet de loi permettra au PADDUC d’être compatible avec les plans de gestion des risques d’inondation et de valoir schéma régional de cohérence écologique.
Les députés communistes, républicains et du parti de gauche soutiennent donc le présent projet de loi, qui va dans le bon sens.
Un avant-projet de loi présenté à l’Assemblée de Corse a fait l’objet d’une délibération adoptée à l’unanimité par ses différentes composantes. Cette délibération comprenait des propositions dont la plupart ont été reprises dans le texte que nous examinons aujourd’hui.
Je veux rappeler le rôle de Maria Guidicelli, conseillère exécutive front de gauche, chargée notamment du PADDUC. Après avoir conduit avec succès les Assises du foncier, sous la responsabilité du président du conseil exécutif, notre ami Paul Giacobbi, Assises dont les conclusions alimenteront les travaux du PADDUC, elle poursuit cette démarche de concertation citoyenne avec les Assises du littoral, afin d’examiner les enjeux d’aménagement du littoral.
Une telle unanimité provient aussi du fait que la Corse se trouve actuellement en situation de vide juridique. Il me revient à cet instant ces beaux vers d’Aragon dans La rose et le réséda :
Quand les blés sont sous la grêle,
Fou qui fait le délicat,
Fou qui songe à ces querelles
Au cœur du commun combat.
M. André Schneider. Oh là là !
M. Paul Giacobbi. Très bien !
M. Yanick Paternotte, rapporteur. Vous élevez vraiment le débat, monsieur Chassaigne !
M. André Chassaigne. En l’absence de PADDUC et de schéma de cohérence territoriale, toutes les communes disposant d’une façade littorale voient leurs plans locaux d’urbanisme cassés par le tribunal administratif. À chaque fois, le juge administratif a relevé des extensions d’urbanisation qui n’étaient pas en continuité avec les agglomérations et villages existants, M. Paternotte nous l’a rapporté avec beaucoup de précision. À la suite de l’annulation de leur plan local d’urbanisme, les communes se retrouvent soumises au règlement national d’urbanisme, qui est encore plus restrictif que la loi littoral. En conséquence, ce projet de loi renforce la valeur juridique du PADDUC : les autres documents locaux d’urbanisme devront être compatibles avec lui.
Enfin, pour permettre à l’assemblée territoriale de travailler au mieux et d’adopter rapidement le PADDUC, sa procédure de modification et d’adoption est simplifiée, ce dont nous ne saurions nous plaindre.
La position des députés communistes, républicains et du parti de gauche est donc simple : encourager l’adoption rapide du PADDUC tout en veillant au respect scrupuleux des lois littoral et montagne auxquelles nous sommes très attachés. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement à l’article 3 visant à alléger les exigences de précision cartographique du PADDUC afin de ne pas complexifier sa conception et, par conséquent, retarder encore son adoption, Les années passent, il est désormais important d’aller vite.
M. Simon Renucci. Mais pas trop vite !
M. André Chassaigne. C’est pourquoi nous proposons que certains détails cartographiques ne soient pas intégrés au PADDUC lui-même mais aux documents d’urbanisme de niveau inférieur qui seront compatibles avec lui.
En ce qui concerne notre deuxième objectif, nous nous inquiétions de la formule retenue par le Sénat, qui prévoyait que le PADDUC « peut préciser les modalités d’application, adaptées aux particularités géographiques locales » des lois littoral et montagne.
Un amendement adopté par notre commission du développement durable, à l’initiative du rapporteur, leva toute ambiguïté sur ce point et nous nous en réjouissions. Pour les élus du Front de gauche, il s’agissait d’éviter des dérogations à la loi littoral sous prétexte de l’adapter aux particularités géographiques de l’Île de beauté.
La volte-face du rapporteur et de la commission est pour le moins fâcheuse, dirai-je en choisissant l’adjectif.
M. Simon Renucci. Hélas !
M. André Chassaigne. Nous ne sommes évidemment pas favorables à la dénaturation de dispositifs protecteurs qui ont justement permis à la Corse d’être ce qu’elle est, à savoir un joyau préservé des appétits des promoteurs et des bétonneurs.
Il faut dire que la préservation du littoral corse est une constante de l’action des élus communistes corses et du Front de gauche.
Le président de l’Assemblée de Corse, Dominique Bucchini, est intervenu à plusieurs reprises et depuis de nombreuses années sur ce thème. Il défend sans varier l’idée selon laquelle le littoral est un bien commun accessible à tous. Il appelle à l’application et au respect de la loi littoral et du principe de non-constructibilité de la bande des cent mètres. Il est également vigilant pour le respect de la loi quant à la servitude du sentier du littoral.
Lorsqu’il était maire de Sartène, commune du sud de la Corse possédant trente-trois kilomètres de côtes avec des sites magnifiques, il confia la gestion d’une large part – vingt-huit kilomètres – au Conservatoire du littoral, la protégeant ainsi de tout risque de spéculation foncière, ainsi que de désordres sociaux et écologiques, et des pratiques mafieuses impliquées par une urbanisation et un tourisme non maîtrisés.
J’en ai fait personnellement la découverte l’été dernier, entre Tizzano et Campomoro. Il est magnifique, le fruit que produit sur cette île la belle alliance de l’homme et de la nature. En marchant, les mots qu’Eugène Delacroix destinait à la peinture me revenaient à l’esprit : « Le beau est le fruit d’une inspiration persévérante qui n’est qu’une suite de labeurs opiniâtres. » Je pensais alors aux labeurs opiniâtres des Corses.
Ces préoccupations anciennes des élus communistes et d’autres sont plus que jamais d’actualité, et le PADDUC, document de planification, d’aménagement et d’urbanisme, offre l’opportunité à la collectivité territoriale de Corse d’engager l’île sur la voie d’un développement durable et équitable, durable parce qu’équitable.
Cependant, la loi littoral fait référence à des notions peu précises juridiquement, comme celle de « densité minimum » ou de « nombre d’habitations minimum », sans que ce « minimum » soit défini. Aussi peut-on concevoir que ces notions fassent l’objet de précisions, afin que les documents d’urbanisme ne soient pas systématiquement cassés par le tribunal administratif.
Mes chers collègues, avec le vote de ce projet de loi, on peut augurer – compte tenu des convictions manifestées à l’Assemblée de Corse – que les options prises grâce au nouveau PADDUC tendront à favoriser une économie de production et non de spéculation financière.
Notre ambition, c’est celle d’une activité rééquilibrée, sectoriellement comme géographiquement. Notre ambition, c’est aussi la prise en compte des fortes attentes des habitants, notamment en matière de logement et de logement social. Notre ambition, c’est la protection active des espaces, non seulement ceux dits remarquables, mais aussi les espaces agricoles. Notre ambition, c’est la gestion durable des ressources de l’île, de votre île, messieurs les députés de Corse ici présents.
En résumé, notre ambition, c’est un développement qui soit réellement durable, humain, démocratique.
Les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront pour le présent projet de loi, malgré les propos du rapporteur, malgré les insuffisances et les imperfections sources d’ambiguïtés et d’incertitudes juridiques. Nous l’approuverons tout simplement pour ne pas retarder son adoption et pour ne pas faire les délicats sous la grêle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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