Interventions

Discussions générales

Nvelle lect. Pt France-Panama sur les doubles impositions

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le ministre, chers collègues, la présente convention franco-panaméenne qui vise à empêcher la double imposition, a pour objet, ni plus ni moins, que de légitimer le statut de paradis fiscal du Panama.
M. Jacques Myard. Oh !
M. Jean-Paul Lecoq. Nous sommes ici dans l’hypocrisie la plus totale, puisque le chef de l’État répète inlassablement que « les paradis fiscaux, c’est fini » et que les États non coopératifs seront « mis au ban », alors qu’il resserre en réalité les liens avec eux et offre des réductions d’impôt à ceux qui choisissent d’y domicilier leurs filiales et leurs capitaux.
Ce constat est d’ailleurs partagé sur tous les bancs. En effet, nos collègues de l’UMP ont reconnu que l’objectif de cette convention était d’aider les investissements français au Panama, où certains groupes dirigés par des amis de M. Sarkozy ont décroché de juteux contrats. La droite sénatoriale a également montré des signes de gêne lors du débat du 15 décembre.
M. Jean-Michel Ferrand. Le Sénat ne sert plus à rien, il faut le supprimer !
M. Jean-Paul Lecoq. Ainsi, en entérinant cette convention, le Gouvernement allège la fiscalité des filiales françaises et facilite l’installation d’activités offshore au Panama.
Il faut pousser loin le cynisme pour voter ce texte, car en encourageant les défiscalisations, le Gouvernement et sa majorité contribuent à la détérioration des comptes publics.
Vous mobilisez le Parlement pour que les riches puissent au plus vite placer leurs capitaux dans les places financières internationales opaques, illégales. Sans traçabilité, les sommes placées au Panama échappent au contrôle des États et du fisc.
D’une main, vous faites avaler les pires plans de rigueur aux salariés, mais de l’autre vous faites voter au pas de charge des conventions de défiscalisation pour que les spéculateurs puissent profiter des largesses de certains pays.
À l’heure où toutes les recettes de l’État sont primordiales, et en premier lieu les recettes fiscales, voter ce texte est un non-sens. Ce type d’accords internationaux de défiscalisation participe à l’appauvrissement de l’État et légitime les pratiques les plus prédatrices.
Le deuxième objectif de ce texte est de permettre au Panama de sortir de la liste des paradis fiscaux et d’être donc reconnu comme « État coopérateur » en matière fiscale par les pays de l’OCDE.
M. Jacques Myard. « Paradis » ? Le mot n’existe pas en marxiste !
M. Jean-Paul Lecoq. En dépit des discours de condamnation des paradis fiscaux par l’exécutif français, il est à noter que le Panama n’a pas profité de la signature de cette convention pour s’engager à modifier sa loi sur les sociétés anonymes.
Comme l’explique maître Julia, avocat fiscaliste franco-panaméen à l’observatoire du droit panaméen : « Les projets de l’exécutif panaméen visant à la suppression des actions au porteur ou à l’instauration d’un système d’enregistrement de celles-ci comme aux îles Vierges britanniques n’ont pas eu de suites favorables à l’Assemblée nationale panaméenne.
« Le Panama ne sera donc pas en mesure de fournir des informations sur le propriétaire des actions mais uniquement sur le mandataire du bénéficiaire réel. Cette hypothèse a été prévue par la Convention, ce qui permet au Panama de ne fournir que l’adresse de ce mandataire, qui est le plus souvent un organisme de gestion de patrimoine situé dans un pays de l’OCDE ou dans un pays n’étant pas considéré comme un paradis fiscal, soumis "en principe" aux règles d’identification du client établies par l’OCDE. »
En d’autres termes, si nous sommes enjoints de voter cette convention pour soi-disant « laisser sa chance » au Panama, ce pays a d’ores et déjà trouvé le moyen de contourner législativement l’exigence d’identification des clients et de transparence bancaire. La démonstration de la rapporteure tombe donc à l’eau.
Ce point a d’ailleurs également été souligné par la présidente de la commission des finances du Sénat, avant que la chambre haute ne rejette le texte.
Dire que le Panama se montre plus coopératif, c’est tout simplement un gros bobard qui profite aux deux pays.
Il profite au Panama d’une part, qui peut ainsi sortir de la liste des paradis fiscaux et tirer profit de sa meilleure renommée internationale pour attirer encore plus de capitaux, alors même qu’il ne pratique aucun effort de transparence supplémentaire.
Il profite d’autre part aux groupes français, qui ne subiront plus les mesures de rétorsion des autorités panaméennes qui les excluaient de leurs appels d’offres au profit de sociétés belges ou espagnoles.
Ne comptez pas sur nous pour fermer les yeux sur cet aimable échange de bons procédés.
Pour les entreprises du CAC 40, il y a de l’argent à se faire au Panama, et cela n’a pas échappé au MEDEF. Celui-ci s’est en effet fendu d’un communiqué se félicitant de la venue en France du président panaméen Martinelli il y a trois semaines et de l’accord conclu avec son homologue Nicolas Sarkozy.
On peut y lire : « le président Martinelli a fait de la modernisation du Panama sa priorité. Plusieurs grands projets d’infrastructure s’inscrivent dans le cadre d’un vaste programme d’investissement (2010-2014) d’un montant de 13,6 milliards de dollars (métro de la capitale, aéroports, ports, routes, production et interconnexions énergétiques, extension des réseaux d’eau et assainissement,...) »
On sait qu’Alstom a obtenu la ligne 1 du métro de Panama. On voit que ces milliards de dollars, malgré leur provenance douteuse, mettent l’eau à la bouche du patronat français.
M. Jacques Myard. Et des ouvriers !
M. Jean-Michel Ferrand. Vous oubliez l’emploi !
M. Jean-Paul Lecoq. Mais, chers collègues, trouver des marchés à l’international pour les amis de M. Sarkozy ne saurait justifier que notre pays s’assoie sur les exigences de transparence financière. Permettre aux grands groupes de décrocher des contrats dans un État voyou, haut lieu d’évasion fiscale, c’est inacceptable.
M. Jacques Myard. Vous parlez comme George W. Bush !
M. Jean-Paul Lecoq. Que ce soit au nom de l’emploi ou de tous les arguments que vous pourrez utiliser, nous vous invitons à un peu d’éthique en politique. Dans ce domaine, vous devriez écouter les arguments que vos collègues du Sénat ont développés.
M. Jean-Michel Ferrand. Vous ne croyez pas vous-même à ce que vous dites !
M. Jean-Paul Lecoq. Pour notre part, au Front de gauche, la question de la double imposition des filiales françaises au Panama ne nous préoccupe pas, et nous ne comprenons pas pourquoi ce texte nous est imposé avec une telle précipitation.
En revanche, nous nous soucions de nos concitoyens, des salariés, de ceux que la crise étrangle et qui ont aujourd’hui les pires difficultés à vivre correctement.
C’est la raison pour laquelle les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront contre ce texte.

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)
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