Interventions

Discussions générales

Nvelle lect. PLF pour 2012

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, entendre notre collègue Charles-Amédée de Courson indiquer à ses collègues de gauche de quelle façon travailler pour l’intérêt général ne manque pas de sel.
M. Bernard Perrut. Et pourtant M. de Courson a bien raison !
M. Jean-Pierre Brard. Car on vous voit à l’œuvre depuis 2001 et la Bérézina, c’est vous ! Depuis que vous êtes aux affaires, le pouvoir d’achat a baissé, le nombre des chômeurs a augmenté, l’autorité de la France dans le monde rayonne moins.
M. Guy Malherbe. Elle rayonne quand même, et je vous rappelle que nous vivons une crise économique !
M. Jean-Pierre Brard. On rit de nous, dans certaines circonstances, à cause des prises de position du Président de la République, qui, à chaque fois, sauve quelque chose ! D’un sommet à l’autre, il va sauver l’Europe et il va sauver l’euro…
M. Guy Malherbe. C’est pourtant vrai !
M. Jean-Pierre Brard. …et, à chaque fois, il faut recommencer, ce qui prouve ou bien qu’il est manchot, ou bien qu’il est inefficace, ou les deux.
Nous entamons la deuxième lecture de ce projet de loi de finances alors que les conclusions du sommet européen qui s’est tenu la semaine dernière dominent l’actualité économique. Les dix-sept États de la zone euro ont en effet décidé, vendredi dernier, de rédiger un traité intergouvernemental qui, dans les faits, va priver l’Union européenne et ses États membres de leurs politiques budgétaires, tout en continuant à amputer la Banque centrale européenne de ses prérogatives essentielles.
Ceux qui nous écoutent dans les tribunes, ceux qui nous regardent sur internet doivent savoir que vous êtes en train de vendre l’indépendance nationale en la remettant à Bruxelles,…
M. Guy Malherbe. Mais non, et vous le savez bien !
M. Jean-Pierre Brard. …à savoir aux intérêts des privilégiés qui pourront dire non à la France s’ils estiment que son budget est à refaire.
M. Guy Malherbe. Vous savez bien que ce sont en fait les gouvernements qui décideront !
M. Jean-Pierre Brard. Les chefs de gouvernement n’ont jamais eu la légitimité des Parlements, mon cher collègue.
Heureusement que, de ce point de vue, le président du Bundestag, M. Lammert, au cours de la réunion qui s’est tenue vendredi dernier à Paris, a fait observer que l’on ne pouvait discuter du texte de Bruxelles puisqu’on n’en disposait pas, et que le dispositif mis au point par les chefs de gouvernement ne représentait que leurs propositions et qu’il reviendrait aux Parlements de disposer du devenir de ce texte.
M. René-Paul Victoria. Mais c’est une évidence !
M. Jean-Pierre Brard. Et le président Lammert, démentant de nouveau le Président de la République, a déclaré qu’il était impossible de l’examiner avant le mois de mars. Au plus tôt, ce serait pour le mois de juin. Un nouveau traité, ou quelle que soit l’appellation du texte en question, ne pourra devenir effectif que si tous les pays le ratifient, y compris l’Allemagne, évidemment.
En réalité, vous avez prévu d’inscrire dans le marbre des constitutions et d’assujettir à une autorité extérieure les choix politiques dogmatiques de la droite libérale et disciplinaire allemande, et des tenants de la soumission servile des politiques économiques aux intérêts bien compris d’une oligarchie financière toujours plus âpre au gain.
C’est un coup de force que cette réunion de Bruxelles, un coup de force inacceptable pour la démocratie.
Le projet de loi de finances que nous examinons aujourd’hui, s’il devait être rétabli dans sa rédaction initiale, s’inscrit dans la même logique : promouvoir une politique d’austérité qui ne se soucie aucunement de la croissance ni de l’intérêt général. La seule chose qui est générale, c’est l’austérité pour les plus modestes, avec l’augmentation de la TVA, y compris sur les produits de première nécessité. L’État va même s’enrichir sur les produits que nos concitoyens donnent avec générosité aux Restaurants du cœur !
Et pendant ce temps, les riches n’ont jamais été aussi riches. Comme le rappelait tout à l’heure un collègue socialiste – ce qui fait, madame la ministre, que je n’aurai pas l’impudence de vous interroger pour la vingt-huitième fois sans avoir de réponse –, grâce aux dispositions que vous avez prises, Mme Bettencourt paie 42 millions d’euros cette année mais n’en paiera plus que 10 l’année prochaine. Il faut que tout le monde le sache : les plus pauvres paient de plus en plus et les plus riches s’engraissent de plus en plus. C’est cela la vérité !
On comprend votre malaise, tout à l’heure, à la tribune : vous savez bien que toutes vos explications ne sont que fariboles pour amuser, endormir, anesthésier nos concitoyens, qui ne sont néanmoins pas dupes.
Vous avez voulu placer ce budget sous le signe de la réduction du déficit public et de « l’équité fiscale », comme vous dites. Or, qu’observons-nous ? Une fois de plus, vous avez fait le choix calamiteux de préserver les avantages fiscaux somptuaires que vous avez consentis aux privilégiés depuis des années afin de faire reposer 90 % de l’effort sur l’immense majorité de nos concitoyens, qu’il s’agisse des classes moyennes ou des ménages les moins favorisés.
Votre contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus est un gadget. Le fait est que vous avez, en juillet dernier, réduit l’ISF de moitié en l’amputant de 1,5 milliard d’euros, alors qu’il pourrait aujourd’hui en rapporter presque 7 en en élargissant l’assiette et le taux. Vous ne vous êtes jamais attaqués non plus, sinon en prenant des mesurettes avant tout destinées à donner le change, à la multitude des niches fiscales qui permettent aux revenus du patrimoine d’échapper à l’impôt ou de bénéficier de régimes dérogatoires.
Même chose concernant l’impôt sur les sociétés. Tout à l’heure, madame la ministre, vous avez sorti votre mouchoir et l’on sentait que les larmes de crocodile n’étaient pas loin. Mais vous ne démentirez pas que les groupes du CAC 40 ne paient, en réalité, que 8 % d’impôt sur les sociétés alors que les PME, elles, sont taxées à près de 40 %.
M. Charles de Courson. Oh non !
M. Jean-Pierre Brard. Même pour les entreprises, vous faites la différence entre petites et grandes, comme vous la faites entre Français riches et Français pauvres. Vous tondez toujours les mêmes, qui sont, il est vrai, plus nombreux, et vous réservez votre affection, qui n’a pas de borne, aux privilégiés. Quand on aime, on ne compte pas, n’est-ce pas ? Jamais nous ne vous suivrons sur ce terrain.
Notre rôle est de montrer comment vous essayez d’anesthésier notre peuple en racontant de belles histoires qui n’ont aucun rapport avec la réalité.
Les niches fiscales coûtent une fortune au pays. Si l’on compte les heures supplémentaires, la TVA à taux réduit sur la restauration, ce sont 71 milliards d’euros qui, selon la Cour des comptes et selon le rapporteur général du budget, n’ont servi à rien ! Ce sont simplement des cadeaux.
Madame la ministre, vous êtes-vous déjà demandé comment on fait pour vivre avec 450 euros par mois, comme la retraitée de la fonction publique territoriale de Montreuil à laquelle je pense ? Comment fait-on pour vivre quand on n’a que le SMIC, qu’on est une femme seule avec deux enfants à élever et un loyer de 600 ou 700 euros à payer ? Même avec quelques aides, comment vous faites pour joindre les deux bouts à la fin du mois ? Évidemment, vous n’avez pas de réponse, mais vous savez que cela existe.
C’est cette politique dure aux petites gens, implacable, que nous combattons et que nous combattrons dans les prochains mois. Pour les convaincre, nous expliquerons à nos concitoyens qu’en face de cette réalité terrible qu’ils connaissent, qui engendre souffrance, désarroi et parfois désespoir, vous faites, sans qu’ils le sachent toujours, des cadeaux et donnez des privilèges importants à ceux qui n’en ont pas vraiment besoin.
Pour rassembler tout l’argent dont vous avez besoin pour faire des cadeaux, vous tapez dans les services publics rendus à la population. Depuis 2007, vous avez supprimé 150 000 postes de fonctionnaires. Savez-vous ce que cela signifie dans les tribunaux, les hôpitaux, les écoles, les prisons et de multiples autres services ? Cela se traduit par des listes d’attentes, des services moins bien rendus, du stress pour les médecins et les infirmières dans les hôpitaux, avec les risques qui en résultent pour les patients. Il est vrai que les privilégiés ont leurs établissements, où ils sont bichonnés, ce qui n’est pas votre préoccupation pour les plus modestes des Français.
Nos collègues sénateurs ont fait un magnifique travail. Ils ont mis les pieds dans le plat…
M. Guy Malherbe. À pieds joints, même !
M. Jean-Pierre Brard. …et apporté la démonstration qu’il était aujourd’hui possible de réaliser 30 milliards d’économies sans tomber dans l’austérité, sans coupe brutale dans les budgets de l’État et des collectivités, simplement en se fixant pour objectif plus de justice fiscale et en faisant contribuer ceux que vous dorlotez. Pour que les Français puissent avoir dans leur assiette autre chose que des lentilles, il faut en prendre un peu à ceux qui font des excès de caviar et de foie gras : il faut redistribuer. Mais là, madame la ministre, vous avez un problème : vous ne savez pas comment on fait des divisions justes ou, pour reprendre votre adjectif, « équitables ».

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Jean-Pierre
Brard

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