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Niche UDI : Pn prévention du surendettement

Mme la présidente. La parole est à M. Gabriel Serville.
M. Gabriel Serville. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le problème du surendettement est grave : 220 000 dossiers sont déposés chaque année, et le nombre cumulé de ménages concernés dépasse le million.
L’abnégation de nos collègues de l’UDI à redéposer leur proposition de création d’un fichier positif montre une réelle préoccupation envers les familles modestes enfoncées dans le surendettement. Je rappelle toutefois que le candidat qu’ils ont soutenu en 2012 proposait de généraliser les crédits hypothécaires sur le modèle américain, ce qui a déclenché la crise des subprimes et provoqué l’expropriation et le surendettement de milliers de famille.
Pour les députés du groupe GDR, le meilleur outil de lutte contre le surendettement est et restera la hausse des salaires. Augmenter les revenus, que ce soient les retraites, le SMIC, les minima sociaux ou les prestations sociales via les cotisations sociales, est la meilleure façon d’empêcher les familles de tomber dans le piège de l’empilement des crédits.
C’est donc à un changement radical de politique économique que nous appelons, seul à même de permettre une sortie par le haut de la situation, sans pénalisation des foyers surendettés.
Cette proposition de loi, au contraire, s’en tient à la création d’un fichier de recensement des crédits. Lors de précédentes discussions, les députés du groupe GDR se sont majoritairement exprimés contre un tel dispositif. En effet, ce fichier relève de l’idée que le surendettement trouve sa source ailleurs que dans l’insuffisance des revenus et du pouvoir d’achat. La responsabilité de la situation est entièrement mise sur les familles.
Du reste, constituer un fichier revient à empêcher les familles pauvres d’accéder au crédit, sans remédier en rien à leur situation financière catastrophique. Ce n’est pas en empêchant un ménage de contracter un nouveau prêt que le compte en banque va revenir dans le vert. Je veux dire par là que cette proposition n’apporte aucune solution réelle et concrète au problème qu’elle prétend traiter.
Comme tout fichier, un fichier des crédits pose un certain nombre de questions sur la protection des données personnelles. La CNIL et différentes associations de consommateurs se sont d’ailleurs inquiétées de ces risques.
De fait, si le comité de préfiguration a étudié les moyens d’encadrer les modalités de consultation du fichier pour éviter toute dérive commerciale ou abusive, ses préconisations semblent ne pas faire l’unanimité des parties prenantes.
Le texte de la proposition de loi paraît quelque peu « léger » quant à la nécessité d’empêcher les établissements bancaires privés de collecter les informations qu’ils obtiennent en consultant le répertoire des crédits, car comment faire réellement obstacle à ce que les banques compilent les informations obtenues ? Elles auront certainement la tentation de le faire, ne serait-ce que pour sécuriser les prêts consentis.
À ce titre, comment ne pas penser que la constitution du fichier risque d’avoir l’effet pervers de limiter massivement l’accès au crédit, non pour les seuls surendettés, mais bien pour tous les ménages modestes ? Les établissements bancaires pourront refuser systématiquement un nouveau crédit aux foyers déjà emprunteurs. En cette période de difficulté économique généralisée, le recensement des crédits dans le répertoire risque donc d’entraîner une fermeture du robinet. Cet instrument n’est pas de nature à inverser la tendance à l’assèchement du crédit que nous constatons depuis quelques années.
Cinq à six millions de Français ont déjà un accès limité aux banques. Ils ont certes un compte bancaire mais n’ont pas forcément accès au crédit et sont exposés à des frais exorbitants du fait même de leur fragilité. Le fichier positif ne doit pas participer à l’exclusion bancaire des plus modestes.
Par ailleurs, dès lors qu’un ménage ne figure pas sur le fichier, on peut penser que les banques lui octroieront alors systématiquement le crédit, en s’épargnant ainsi l’effort d’étudier réellement la situation financière des demandeurs.
Enfin, ultime argument, rien n’est fait pour empêcher les banques de développer des crédits particulièrement nocifs pour les ménages modestes – je pense à des taux proches de l’usure ou encore à des crédits renouvelables. On fait peser la responsabilité sur les demandeurs de crédit plutôt que sur les vendeurs.
À ce sujet, les députés du groupe GDR proposeront à la majorité de passer à l’action en procédant à l’interdiction pure et simple des crédits renouvelables, telle qu’elle avait été soutenue par toute la gauche lors de la précédente législature. Il s’agirait d’une réponse forte au problème du surendettement, sachant que les personnes les plus modestes sont les plus exposées à la violence des mécaniques de recouvrement, qui les mettent dans l’incapacité de rembourser.
Il est d’autant plus nécessaire de supprimer le crédit revolving que ce sont les filiales des grandes banques qui proposent ces produits. Cette forme de crédit est devenue très importante en s’adressant d’abord aux classes populaires au revenu annuel moyen compris entre 11 478 et 20 942 euros, qui représentent 41,5 % des crédits renouvelables. Selon la Banque de France, la part de l’encours de crédit renouvelable dans le total du crédit à la consommation a perdu six points entre 1998 et 2007, mais elle demeure à 21 %. Actuellement, son encours est de 1 105 euros par ménage, plaçant la France au troisième rang européen derrière le Royaume-Uni et les Pays-Bas.
Cette forme de crédit agit comme un substitut au maintien du pouvoir d’achat des ménages précarisés et fragilisés, mais avec un taux effectif global énorme, qui dégage des marges indécentes pour les acteurs économiques du secteur.
C’est en interdisant ces produits financiers que nous contribuerons à prévenir le surendettement, pas en donnant quitus aux banques par l’intermédiaire d’un fichier positif, alors que ce sont elles les principales responsables du surendettement.
Plusieurs associations comme la Croix-Rouge nous invitent à réfléchir à l’amélioration de l’inclusion bancaire. En effet, si la loi a instauré le droit à un compte bancaire en 1984, les 99 % de détenteurs en France ne sont pas tous égaux devant son utilisation. Encore une fois, les plus pauvres sont les plus exposés aux sanctions, aux interdictions, aux agios, ce qui contribue à leur exclusion bancaire. La création d’un fichier positif risquerait d’aggraver cette tendance.
En tout état de cause, l’idée de confier ce répertoire à la Banque de France, et donc au service public, est une garantie que nous estimerions indispensable si un tel dispositif devait voir le jour, du moins si la Banque de France conserve son réseau, puisque l’implantation territoriale de ses succursales tend à se réduire sous l’effet de la pression « austéritaire ». Les établissements départementaux de la Banque de France sont en première ligne dans la lutte contre le surendettement des ménages. Il ne sert à rien de voter des dispositifs de lutte contre ce phénomène si, dans le même temps, les budgets des services publics de proximité sont asséchés au point d’engendrer des restructurations.
Le projet de la direction de la Banque de France prévoit la fermeture d’une caisse ou d’une succursale dans pas moins d’une trentaine de villes moyennes. Supprimer les outils locaux de lutte contre le surendettement est dangereux.
C’est un signe de plus, s’il en fallait, que cette proposition de loi ne répond pas aux vrais enjeux du surendettement. C’est la raison pour laquelle les députés du Groupe GDR voteront contre.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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