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Niche UDI : Pn fixation des tarifs réglementés du gaz naturel

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en débutant l’examen de cette proposition de loi tendant à déconnecter le prix du gaz de celui du pétrole, et à permettre ainsi de baisser les prix des tarifs réglementés, j’éprouve un double sentiment.
J’éprouve d’abord la satisfaction de voir soulever devant la représentation nationale un problème concret, technique, qui mérite sans aucun doute une réponse au regard de la rente induite pour les fournisseurs et les producteurs de gaz. Oui, l’indexation du prix du gaz naturel sur le prix des produits pétroliers ne se justifie plus, avant tout parce que les produits pétroliers sont plus sensibles que le gaz au jeu de l’offre et de la demande. Nous constatons que chaque annonce de tensions internationales ou de conflit autour d’un pays producteur se répercute immédiatement sur le prix du pétrole, d’où qu’il vienne, ce qui n’est pas le cas pour l’approvisionnement en gaz naturel.
Mais, dans le même temps, je ne peux m’empêcher d’entrevoir dans ce texte une démarche politicienne, qui consiste à essayer de se racheter une conduite pour ceux qui n’ont rien fait pour maîtriser la hausse des tarifs pendant les dix années qu’ils ont passé au pouvoir. Mes chers collègues de l’opposition, n’est-il pas malsain de vous muer soudainement en chevaliers blancs de la lutte contre la hausse des prix du gaz, alors que vous avez systématiquement refusé toute mesure de blocage des prix lorsque vous étiez aux responsabilités ? Faut-il vous rappeler que, pendant trois ans, le premier signataire de cette proposition de loi a été ministre chargé de l’énergie ? Faut-il vous rappeler que, pendant toutes ces années, votre politique a consisté à encourager la spéculation sur les prix de l’énergie, à accélérer la libéralisation du secteur, et à privatiser nos entreprises nationales ?
Faut-il vous rappeler que le prix du gaz a augmenté de plus de 60 % depuis 2004, année d’ouverture du capital de GDF ? À cette époque, vous étiez les promoteurs de cette privatisation-là comme des autres. Vous l’aviez alors justifiée par ces mots, toujours ces mots : la concurrence fera baisser les prix. Vous répétiez cette phrase en sautant comme des cabris.
C’est toujours vous qui avez poussé – je devrais plutôt dire « conduit à marche forcée » – la fusion de l’entreprise publique GDF avec Suez en 2004. Souvenons-nous de la fiction inventée sur la menace de l’italien Enel pour faire passer la pilule de la privatisation ! Le résultat, c’est qu’aujourd’hui les usagers paient l’addition de votre politique libérale.
Vous ne me semblez toujours pas prêts aujourd’hui à dénoncer dans votre texte cette arnaque idéologique bien réelle pour le porte-monnaie des ménages, en particulier des plus modestes.
Faut-il vous rappeler ces propos de Bossuet : « Le ciel se rit des prières qu’on lui fait pour détourner de soi des maux dont on persiste à vouloir les causes. »
Vous aurez donc bien du mal à nous convaincre qu’avec votre texte, vous vous êtes subitement transformés en gardiens du pouvoir d’achat des ménages, quand vous avez été pendant dix ans les fidèles gardiens du magot et des dividendes de Suez et de Total ! Monsieur Borloo, vous avez été pendant dix ans les prestataires de service de la rente énergétique !
Mais au-delà de votre vaine repentance, ou plutôt de l’Eau écarlate que vous versez sur votre bilan, ce texte ne traite pas du problème de fond de la fixation des prix du gaz et plus généralement des tarifs de l’énergie. On ne peut pas se contenter de s’attaquer aux modalités de négociation entre producteurs et fournisseurs, aux seules règles d’évolution des barèmes de détermination des tarifs réglementés.
Le problème de fond de l’accès fondamental à l’énergie aux prix les plus raisonnables est celui de la maîtrise publique et de l’exercice effectif de cette maîtrise. Ainsi, vous vous gardez bien d’aborder le fait que l’État est actionnaire de GDF-Suez à hauteur de 35 %. À ce titre, monsieur le ministre, l’État actionnaire devrait tout mettre en œuvre pour que l’objet de la société GDF-Suez soit d’assurer l’approvisionnement, un bas coût de distribution pour les usagers, des salaires garantissant de bonnes conditions de vie aux salariés du groupe, un bon renouvellement des investissements et des efforts pour la recherche-développement, en particulier en faveur des économies d’énergie.
GDF-Suez vient de réaliser un bénéfice net de 4 milliards d’euros en 2011 et de 2,3 milliards pour le premier semestre 2012. L’État ne doit-il pas en tirer des enseignements quant à son rôle d’actionnaire, et faire cesser le véritable racket imposé aux usagers par les demandes successives de hausse de tarifs qui ne se justifient que par la stratégie financière du groupe ? Monsieur le ministre, l’État ne devrait-il pas aussi utiliser son pouvoir d’actionnaire pour vérifier que GDF-Suez négocie au mieux des intérêts de la France et de ses consommateurs d’énergie ? L’État est déjà capable d’exercer ce contrôle, mais il est vrai que nous n’en parlons pas.
Chers collègues de l’opposition, vous ne semblez pas non plus décidés à pousser plus loin votre raisonnement en demandant un blocage ferme des prix du gaz. L’exposé des motifs, fort intéressant, montre pourtant qu’il ne s’agirait que d’une mesure de justice au regard de la baisse des cours sur le marché.
En l’état, ce texte nous paraît donc bien trop incomplet pour que nous puissions le voter. Cependant, je souhaite que les débats d’aujourd’hui puissent être utiles dans le cadre du débat national sur la transition énergétique. C’est pourquoi je tiens à rappeler qu’au-delà du blocage indispensable des prix du gaz, les députés du Front de gauche proposent la renationalisation de GDF, dans le cadre plus global de la création d’un pôle public de l’énergie à même d’assurer l’accès fondamental de tous à l’énergie à un prix abordable et d’engager la transition énergétique de notre pays. Cette ambition n’est pas une lubie, mais une nécessité au regard des enjeux auxquels nous devons faire face. L’énergie n’est pas une marchandise comme les autres : elle est un besoin fondamental, une condition du développement humain durable et du progrès social.
Je l’ai dit lors des débats en première lecture sur la proposition de loi visant à instaurer une tarification progressive de l’énergie, je le répète aujourd’hui, et j’aurai sans doute encore l’occasion d’y revenir dans quelques semaines dans le cadre du nouvel examen de ce texte : les ménages les plus modestes sont les victimes du manque d’isolation de leur logement.
Si je dis cela, c’est parce nous avons là une raison supplémentaire de ne pas nous satisfaire des prix élevés des énergies carbonées comme le gaz. J’entends les sirènes de celles et ceux qui se satisfont des hausses de prix injustifiées pour pousser toujours plus loin leur analyse libérale et persistent à affirmer que la transition énergétique se fera par l’ajustement quasi automatique des consommations par des mécanismes de signal prix, c’est-à-dire par des prix élevés. Je continue de leur dire qu’ils font fausse route. En affirmant cela, ils prennent à l’envers le problème de la maîtrise de la demande d’énergie. Ils privilégient la sanction des plus modestes au détriment d’une action déterminée de l’État pour aider en amont à la sobriété énergétique des ménages. Nous aurons l’occasion de rediscuter de cette question. Les millions de foyers aux logements passoires que compte notre pays ne consomment pas de gaz ou d’électricité pour le plaisir de consommer ! C’est la faiblesse de leurs revenus et la part exorbitante que représente l’énergie dans leur budget qui les contraignent à ne pas effectuer de travaux d’isolation.
Ainsi, l’amélioration de la performance énergétique de l’habitat est un sujet essentiel, comme d’ailleurs celui de l’efficacité énergétique dans l’industrie. Cette question doit être une priorité, mais elle ne se résoudra pas par des mesures faisant appel aux prix de marché, ou par la création de nouveaux marchés comme ceux de l’effacement. La solution passe prioritairement par un soutien public massif aux ménages les plus modestes pour la rénovation thermique de l’habitat, en commençant par l’habitat social. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans quelque temps à propos d’autres textes : la création d’un service public de la performance énergétique de l’habitat est une priorité. Mais sans moyens budgétaires nouveaux, ni moyens humains pour l’animer et développer un véritable contrôle public, nous continuerons à pénaliser ceux qui subissent déjà les hausses de prix.
Monsieur le ministre, mes inquiétudes sont d’autant plus grandes que les budgets relatifs à l’habitat et au logement pour 2013 ne viennent absolument pas étayer de réelles ambitions en ce sens. Ne renouvelons pas les effets d’annonce sans lendemain du Grenelle de l’environnement ! Portons une politique ambitieuse de planification écologique avec les moyens qui lui sont indispensables !
Chers collègues, nous avons besoin d’un grand débat sur la transition énergétique, sur les moyens nécessaires à cette transition et sur la maîtrise publique et sociale qu’elle suppose. Ce débat ne doit pas être escamoté, arc-bouté sur des promesses de campagne électorale ou réduit à quelques propositions de loi incomplètes comme celle qui nous est présentée aujourd’hui, et sur laquelle nous nous abstiendrons.
Avec les députés du Front de gauche, je renouvelle mon appel à un débat public national associant très largement les citoyens français pour décider de leur avenir énergétique.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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