Interventions

Discussions générales

Lect. définitive encadrement des mineurs délinquants

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc Dolez.
M. Marc Dolez. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pour la troisième et donc dernière fois, notre groupe, au risque de se répéter – mais mieux vaut se répéter que se contredire – réfute l’opportunité et l’utilité de cette proposition de loi.
Dans ce dernier débat, j’appelle tout d’abord votre attention sur le rapport annuel de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, présenté à la presse le 22 novembre dernier. Il démontre la stabilité de la plupart des comportements délinquants recensés, contredisant le constat, fondé uniquement sur les statistiques de police et sur lequel s’appuie la proposition de loi, d’une augmentation supposée permanente de la violence des mineurs.
M. Éric Raoult. Alors tout va bien ?
M. Marc Dolez. Sur le fond, nous considérons que les mesures proposées n’apporteront pas de réponse satisfaisante à la délinquance des mineurs. En réalité, il s’agit tout bonnement de proposer aux mineurs condamnés de purger leur peine au sein d’un établissement visant à faciliter l’insertion professionnelle plutôt qu’en prison.
M. Dominique Tian. C’est déjà pas mal !
M. Marc Dolez. Comme nous l’avons répété de nombreuses fois, le texte élargit amplement le champ des missions dévolues à l’EPIDE et le détourne de sa fonction originelle, qui est d’assurer, dans le cadre d’un projet éducatif global, l’insertion sociale et professionnelle de jeunes exposés à un risque de marginalisation et volontaires. En les réunissant avec de jeunes délinquants qui auront rejoint cet établissement dans le seul objectif d’échapper à la prison, vous transformez une structure d’insertion en structure alternative à l’enfermement. Cette inquiétude est d’ailleurs partagée par l’ensemble des spécialistes de la justice des mineurs, ainsi – faut-il le rappeler encore une fois ? – que par la commission de la défense de notre Assemblée, qui a rejeté ce texte. Le risque de détruire le dispositif « Défense deuxième chance » est bien réel. Celui-ci reste effectivement fragile, 38 % des jeunes volontaires démissionnant en cours de route.
M. Jacques Alain Bénisti. Non, 15 %, pas 38 % !
M. Marc Dolez. S’agissant par ailleurs des dispositions relatives à l’organisation de la justice pénale des mineurs, introduites en première lecture par la commission des lois de notre assemblée à la demande du Gouvernement, nous souhaitons réaffirmer une fois encore notre opposition à toute réforme proposée sans réflexion approfondie ni concertation préalable avec les magistrats et les professionnels concernés. Bref, cette proposition de loi est un énième texte d’affichage, que nous jugeons à la fois inutile et dangereux.
Nous considérons au contraire que, pour parvenir à un traitement juste et efficace de la délinquance, la justice des mineurs doit pouvoir s’appuyer sur une prévention sociale et éducative forte, en aval et en amont de l’action judiciaire.
À cet égard, et au cas, bien improbable, où cela vous aurait échappé, je ne peux que vous renvoyer, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, à la lecture du projet de réforme du traitement judiciaire de l’enfance délinquante élaboré par l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille. Ce projet, à l’opposé du texte que nous examinons, tient compte des attentes sociales et des préoccupations dont l’actualité se fait l’écho, tout en tirant les conséquences des dysfonctionnements que les praticiens constatent quotidiennement dans la prise en charge des mineurs délinquants. Il s’inscrit dans la pertinence de l’héritage de 1945 de toujours garder la perspective de l’éducation comme finalité. Il oppose à la fuite en avant des lois de circonstance une approche souple, pragmatique, conforme aux valeurs d’une justice des mineurs humaniste, éducative et spécialisée.
Ce n’est malheureusement pas le chemin qu’emprunte la proposition de loi soumise à notre vote. C’est pourquoi, une nouvelle fois, les députés communistes et du Parti de gauche s’y opposeront résolument. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)
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