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Discussions générales

Collectivités territoriales : transfert des parcs de l’équipement

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de l’ouverture des débats sur le projet de loi, nous vous avions posé trois questions qui traduisaient les craintes des OPA, les ouvriers des parcs et ateliers. Leurs enjeux devaient à nos yeux éclairer la discussion et nous permettre d’aboutir à un texte respectueux de tous les acteurs concernés : ouvriers des parcs et ateliers, présidents de conseil général et État.
La première question avait trait à la continuité du service public. Nous souhaitions que le texte pose les conditions permettant aux conseils généraux de remplir correctement les missions de service public jusqu’alors assumées par les OPA. Sur ce point nous sommes désormais fixés. Le transfert à géométrie variable organisé par le texte désorganisera tant le matériel que l’immobilier. Il cassera l’efficacité des équipes en place. Il limitera les moyens d’action propres des conseils généraux et les poussera inévitablement à céder des activités au privé, avec les risques que comporte une telle démarche, en termes de régulation des prix et de continuité du service public.
Les opportunités de concours apporté aux communes et aux intercommunalités se réduiront inexorablement, si elles ne disparaissent pas purement et simplement. La situation risque encore de s’aggraver si, compte tenu des conditions d’intégration, de nombreux OPA refusent d’opter pour la mise à disposition, puis pour le statut de fonctionnaire territorial.
À cet égard, il eût été préférable de reporter l’examen du texte après la réforme des collectivités territoriales, dans la mesure où le Gouvernement a déjà sonné le glas de l’échelon départemental auquel doivent être intégrés les OPA.
C’est là une source d’incertitude sur leur avenir professionnel dont ils se seraient volontiers passés.
Notre deuxième préoccupation concernait directement le changement de statut des OPA. Nous redoutions que le texte ne leur assure pas des garanties équivalentes à celles accordées aux différentes catégories de personnels déjà transférées en application des lois de décentralisation, notamment de celle de 2004 organisant le transfert de compétences de l’État vers les départements.
À cet égard, l’absence de discriminations et l’égalité de traitement auraient dû constituer le fil d’Ariane du Gouvernement et de la majorité. Mais, là encore, nous déplorons que le projet de loi soit si éloigné de l’esprit qui a animé les précédents transferts, lequel prévoyait une intégration sans perte de salaire ni effets d’aubaine. L’abandon du projet d’un cadre statutaire commun État-collectivités, tel qu’il était initialement prévu, et son remplacement par une mise à disposition sans limitation de durée, avec un droit d’option dans un cadre d’emploi existant, compromettront les chances des OPA de préserver leurs acquis.
La discrimination est flagrante, tant pour le traitement indiciaire que pour la nature du cadre d’emploi consécutif à l’intégration dans la fonction publique territoriale. Dans les faits, la différence de traitement se traduira inévitablement par des blocages de carrière, qui se répercuteront mécaniquement sur les salaires et sur les retraites.
Dans ces conditions, le texte aménage une triple peine pour les ouvriers. Le déroulement et les opportunités de leur carrière seront moins attractifs que dans la fonction publique d’État, et moins intéressants que ceux qui avaient été envisagés lors de la préparation du texte. Ils perdront une partie de leur rémunération. Enfin, des trois formules évoquées lors de la préparation du texte, l’option de double retraite, qui a été retenue, est celle qui leur est la plus défavorable. Nous ne pouvons le tolérer.
Notre troisième interrogation portait sur les conséquences humaines d’un tel projet. L’angoisse du lendemain est prégnante chez ces agents et leurs familles qui appréhendent une rupture de carrière, l’absence de reconnaissance de leurs titres et diplômes, une future mobilité imposée, autant de « causes précipitantes » reconnues par un document rendu public récemment, qui permettent d’expliquer la forte progression des tentatives de suicide chez les agents de l’équipement et un nombre de décès par suicide très supérieur à la moyenne française.
Pour ces ouvriers, dont la qualité de service n’a jamais été démentie et trop peu souvent reconnue, cette loi a minima est d’une violence intolérable, tant sur le plan de leur existence que sur celui de leurs conditions de travail, de leurs revenus, de leur évolution de carrière et du montant de leurs retraites.
C’est l’ensemble de ces questions de fond dont nous voulions débattre lors de la discussion en urgence de ce texte. Mais, une fois n’est pas coutume, nombre de nos amendements, pourtant sans incidence sur le budget de l’État, furent passés au boisseau de l’article 40, éludant ainsi mécaniquement un débat pourtant primordial pour ces agents. Les réponses apportées par le Gouvernement ainsi que son inflexibilité n’ont pas, loin s’en faut, apaisé nos craintes ni celles des OPA, bien au contraire.
En raison de la remise en question du service public, de la discrimination dont ils font l’objet et de la violence des solutions retenues en l’absence de toute concertation avec les personnels concernés, et ce malgré des demandes répétées, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront centre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
 

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Jean-Jacques
Candelier

Député du Nord (16ème circonscription)
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