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CMP - logement social

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, à l’occasion du passage de ce texte devant la CMP, les députés que je représente réitèrent leur soutien au projet de loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement social.
Dans la dynamique du travail collectif de notre assemblée sur ce texte, les parlementaires du Front de gauche ont contribué à une amélioration du projet de loi, et ainsi permis de donner davantage de muscle à un texte quelque peu modeste dans ses ambitions.
Il n’est certes pas devenu le petit livre rouge…
M. Benoist Apparu. Ce n’est pas un mal !
M. Guy Geoffroy. C’est plutôt une bonne nouvelle !
M. André Chassaigne. …ni la bible du logement, mais je veux ici rappeler quelques avancées que les sénateurs et députés communistes du Parti de gauche ont obtenues.
Tout d’abord, un rapport sur la régulation foncière, qui a le mérite de poser la question de la spéculation effrénée existant sur le foncier : vous le savez, les députés que je représente sont partisans d’un encadrement des prix par la création d’une Agence nationale foncière ; le renforcement de la sanction prévue pour l’acquéreur des terrains publics cédés au cas où il ne réaliserait pas de construction ; la limitation à 30 % de la part maximale de PLS dans l’effort de construction des communes carencées qui ne sont pas couvertes par un PLH ; la réduction du délai de dix-huit à douze mois pour mettre en œuvre la taxation ou la réquisition des logements vacants ; enfin l’impossibilité faite aux propriétaires de logements vides de s’opposer à la réquisition ou de s’exonérer de la taxe en prétextant des projets d’aménagement.
Certes, il reste encore des possibilités, pour les resquilleurs patentés, de contourner la taxe ou la réquisition. Mais avec ce texte nous légiférons dans le bon sens, comme l’a d’ailleurs signalé l’association Droit au logement. Elle s’est félicitée de l’adoption des amendements du Front de gauche lui permettant de demander l’application de la procédure de réquisition. Selon cette association, 30 à 40 000 logements pourraient être concernés. Ce chiffre est loin d’être négligeable alors que l’hiver approche à grand pas.
Face à l’urgence sociale, l’objectif est bien de permettre l’application de la procédure de réquisition dite avec attributaire. Elle consiste dans la réquisition de biens vacants appartenant à des personnes morales, pour une durée maximum de six ans. Un attributaire, lié par convention avec l’État, par exemple un organisme HLM, une collectivité locale, effectue les travaux de mise en état d’habitabilité et s’occupe de la gestion locative des logements. Bien évidemment, le propriétaire est indemnisé. Cette procédure avait été mise en place en 1997 mais n’a jamais pu être mise en œuvre, précisément parce que les sociétés visées par les procédures présentaient des projets d’aménagement pour y échapper. Cela ne sera plus possible et nous avons donc à portée de main un important gisement de logements. Vous comprendrez, madame la ministre, que nous vous demandions instamment de mettre en application cette procédure. L’hiver 2012 sera sans aucun doute particulièrement difficile du fait de la situation économique, du nombre de chômeurs et de familles précarisées par la crise, d’autant que l’hébergement d’urgence, tragiquement sous-financé, est dans une situation catastrophique.
Il faut des actes. La taxe sur les logements vacants, aujourd’hui moribonde, pourra s’appliquer plus rapidement et sera plus difficilement contournable. La réquisition avec attributaire que nous vous demandons de mettre en œuvre sanctionnera la malveillance de personnes morales ou de propriétaires richissimes qui laissent volontairement vides des surfaces considérables dans une optique spéculative. Alors au travail, madame la ministre !
L’hiver à venir, je l’ai dit, focalise toutes nos craintes. C’est la raison pour laquelle nous déplorons que notre amendement proposant l’interdiction des expulsions des familles en grande détresse financière n’ait pas été adopté. Cette disposition complétait celles sur les logements vacants. À quoi sert de reloger des familles prioritaires si, dans le même temps, on continue à expulser à tout va les plus précaires ?
Les arguments qui nous ont été donnés pour motiver un vote négatif nous ont d’autant moins convaincus que cette proposition était encore portée, il y a quelques mois, par bon nombre de parlementaires de l’actuelle majorité. Certains sont même devenus ministres. Vérité en deçà des élections, erreur au-delà !
Et, puisque j’aborde les points de désaccord des députés que je représente, permettez-moi de regretter certains aspects de ce projet de loi. Je déplore en effet que les décotes sur la cession du foncier public puissent bénéficier à des opérateurs privés, que l’accession sociale à la propriété soit considérée comme un motif valable de décote sur ces cessions, ce qui pourrait préfigurer que ce type de logements soit comptabilisé dans le taux SRU des communes, que l’horizon d’applicabilité du taux de 25 % de logement social dans les zones tendues ait été repoussé non à 2015 ou 2020 mais à 2025, ce qui revient à donner quitus à certaines municipalités malveillantes.
Certains se sont aussi étonnés de notre pugnacité à militer pour des sanctions plus fortes à l’encontre des communes qui refusent de créer du logement social.
Comme je l’ai affirmé à plusieurs reprises, 70 % des financements publics du logement finissent dans la poche du privé. Nous sommes passés d’une logique de subventionnement de la construction au dogme de l’incitation des promoteurs à travers la défiscalisation. Le seul bilan de ces politiques, c’est le chiffre actuel de 8 millions de mal logés. Sans rupture forte, sans sanctions dissuasives, aucune solution réelle ne pourra être trouvée en matière de logement.
Nous demandions non seulement que les pénalités financières des villes insuffisamment dotées en HLM soient multipliées par dix, mais aussi que les préfets ne puissent plus différer ces versements. Enfin, nous proposions que ces mêmes préfets puissent se substituer aux maires récalcitrants pour lancer des programmes de construction. C’était du reste la revendication de très nombreuses associations spécialistes de ces questions. Nous n’avons pas été suivis sur ces points et nous le regrettons.
Si nous nous satisfaisons des contours de ce projet de loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement, le moment est venu de vous faire part des inquiétudes du Front de gauche quant à ce qui nous attend dans les mois à venir.
Je pense bien entendu au budget 2013. Les aides à la pierre, qui ont subi un manque à gagner d’un milliard d’euros ces cinq dernières années, ne sont réévaluées que de 50 millions d’euros. On pourrait parler d’une goutte d’eau, et je suis sûr que vous partagez mes propos. Comment exiger des communes qu’elles bâtissent plus de logements très sociaux si l’État ne rehausse pas réellement sa participation financière dans les programmes de construction ? C’est condamner nos collectivités territoriales à l’impuissance.
Autre inquiétude : je pense aux fameux dispositifs de défiscalisation qui font reposer la construction sur le bon vouloir des promoteurs et des propriétaires. La précédente majorité, pourtant peu suspecte de progressisme, a dû supprimer le fameux Scellier, qui engage encore les crédits de l’État pour des années. Pourtant, sorti par la porte UMP, le Scellier revient par la fenêtre de votre ministère avec un nouveau cadeau aux propriétaires sous la forme d’avantages fiscaux. Ne faudrait-il pas sortir de ces fausses solutions ?
En ce qui nous concerne, nous proposons un encadrement des loyers par bassin d’habitat ainsi qu’une refonte totale du financement du logement : reconstitution du 1 % logement, recentralisation du livret A à la Caisse des dépôts, augmentation massive des aides à la pierre.
Enfin, troisième inquiétude, mère de toutes les autres : je songe au funeste traité européen d’austérité que vous venez d’adopter.
Il corsettera les dépenses publiques, non seulement celles de l’État et de ses administrations, mais aussi celles des collectivités territoriales. Comment respecter l’engagement présidentiel de 150 000 nouveaux logements par an si le garrot de Bruxelles est placé sur tous les budgets locaux de ce pays ? N’y a-t-il pas quelque hypocrisie à se réjouir bruyamment, dans cet hémicycle, d’un renforcement de la loi SRU, alors même que son application pourra être mise en cause ?
Mes chers collègues, il n’y a pas de suspense : les députés du Front de gauche voteront ce texte, comme d’ailleurs l’ensemble du groupe GDR. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il comporte de nombreux signaux positifs. Mais il ne constitue à l’évidence qu’un premier pas dont la portée pourrait être réduite par les nombreux orages qui se préparent. Nous ne devons pas nous illusionner : pour en finir avec la crise du logement, les gestes forts n’ont pas encore eu lieu.
Aussi, madame la ministre, je vous renouvelle notre appel : mettrez-vous en œuvre la réquisition des logements vides que nos amendements rendent possible ? Voilà une question essentielle au regard de l’urgence sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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