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Accords France-Panama sur les doubles impositions

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le ministre, il y a deux mois, lors de l’examen par la commission des finances de dix conventions d’échange d’informations fiscales avec de nombreux paradis fiscaux comme le Belize ou l’île de Man, Jean-Pierre Brard avait dénoncé, au nom du groupe GDR – j’en avais fait de même devant la commission des affaires étrangères – la finalité de ces conventions qui ne servent à rien sauf à protéger ces territoires hors la loi qui abritent les filiales de vos amis les patrons du CAC 40 et les grands banquiers, en leur donnant ce voile de respectabilité qui les fait sortir de la liste noire des pays commercialement infréquentables. Cela fait d’ailleurs du Gouvernement le complice d’une fraude qui coûte à l’État plus de 20 milliards d’euros chaque année. Alors que le Gouvernement n’a pas hésité une seconde pour mettre en place, afin d’économiser 18 milliards d’euros, une politique de rigueur qui frappe directement les Français les plus modestes, il se montre conciliant, pour ne pas dire indulgent, lorsqu’il s’agit de taxer et de punir les grands groupes du CAC 40 et les grandes fortunes de ce pays qui dissimulent leur argent dans les paradis fiscaux. Il semble même qu’il ne portera pas plainte contre Mme Bettencourt, qui a fraudé pour 100 millions d’euros.
M. Jacques Remiller. Cela n’a rien à voir !
M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le ministre, vous avez failli à votre mission première de servir l’intérêt général en abdiquant devant les forces de l’argent et les tenants du grand capital !
Aujourd’hui, vous nous en faites une nouvelle fois la démonstration, car vous nous demandez de ratifier une convention avec le Panama « en vue d’éviter les doubles impositions ». Autrement dit, monsieur le ministre, vous voulez faire payer moins d’impôts à certaines entreprises.
Par pédagogie politique, pour que les citoyens comprennent concrètement qui vous couvrez, nous avons fait quelques recherches. Voici la liste des entreprises française présentes dans ce territoire hors la loi : Alcatel, Alstom, Peugeot, Sanofi, la Société générale, Bouygues, la société de l’ami du Président, Bureau Veritas, société qui appartient au groupe du baron Ernest-Antoine Seillière, l’ancien président du Medef et digne héritier des maîtres de forges, et, le meilleur pour la fin, l’Oréal, la société de Mme Bettencourt. Voilà la réalité : moins d’impôts pour ces grands groupes qui gagnent des milliards et une augmentation de la TVA pour les petites gens qui gagnent à peine de quoi boucler les fins de mois.
M. Jacques Remiller. Cela n’a rien à voir !
M. Jean-Paul Lecoq. Les députés communistes ne cessent de le répéter, le mensonge est un des piliers de la politique de Nicolas Sarkozy. La preuve ? Le 23 septembre 2009, lors du G20 de Pittsburgh, Nicolas Sarkozy a déclaré à la télévision : « Il n’y a plus de paradis fiscaux. Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est fini. » Force est de constater que le Président a menti aux Français. Les promesses du G20 de Pittsburgh sont loin. Pourtant, le vendredi 4 novembre dernier, à l’issue du sommet du G20 de Cannes présidé par la France, Nicolas Sarkozy récidive, prenant à témoin l’opinion publique mondiale, en affirmant « ne plus vouloir des paradis fiscaux », promettant de les « mettre au ban de la communauté internationale ». Seulement deux semaines plus tard, le Président du Panama, Ricardo Martinelli a été reçu à l’Élysée afin de mettre au point l’accord que vous nous soumettez aujourd’hui. Drôle de manière de « mettre au ban » un État, vous en conviendrez, monsieur le ministre !
Durant son séjour à Paris, le 18 novembre, M. Martinelli a également été reçu au siège du Medef afin de vanter aux entreprises françaises la bonne notation de son pays par les agences de notation. Moody’s a déclaré en effet que les perspectives économiques du pays étaient « positives pour les mois à venir grâce à la stabilité du pays et à une croissance économique équilibrée », son dynamisme, 8 % de croissance en 2011, et sa législation fiscale peu regardante qui facilite l’installation de sièges de multinationales en toute discrétion.
Pascal Saint-Amans, secrétaire du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements en matière fiscale de l’OCDE, explique que « le Panama a des déficiences dans sa législation interne, disposant de mécanismes protégeant l’information sur les propriétaires d’une société ». Concrètement, si l’administration fiscale française pourra demander des informations au cas par cas au Panama, il n’est pas sûr que ces données existent, notamment pour la comptabilité des sociétés offshore, et vous le savez. La ministre Valérie Pécresse a elle-même confirmé, le 24 novembre dernier, l’inefficacité de ces conventions fiscales avec les paradis fiscaux en affirmant que « les réponses [que nous donnent ces pays] confirment ce que l’on sait déjà, mais n’apportent pas d’informations supplémentaires, sur l’identité réelle des personnes qui détiennent des comptes par exemple ».
Si ces conventions sont inutiles, pourquoi tant de précipitation, pourquoi tant de mansuétude envers ce pays fraudeur ? Je l’ai dit, la France compte beaucoup d’entreprises présentes au Panama qui cherchent à payer le moins d’impôts possible. Mais la réponse à cette question, je l’ai trouvée sur le site Internet du Quai d’Orsay : « Pays dynamique, le Panama a de très grands projets d’infrastructures comme l’élargissement du canal ou encore la construction du métro de Panama. » Le Président Martinelli a fait de la modernisation du Panama sa priorité. Plusieurs grands projets d’infrastructures s’inscrivent dans le cadre d’un vaste programme d’investissements d’un montant de 13,6 milliards de dollars : métro de la capitale, qui va être construit par Alstom, aéroports, ports, routes, production et interconnexions énergétiques, extension des réseaux d’eau et d’assainissement. Voilà l’explication de l’urgence. Lorsqu’il y a de l’argent et des gros contrats en jeu, vous oubliez tout sens de l’intérêt général et vous vous agenouillez devant n’importe qui, le Président Martinelli ou le général Kadhafi par exemple.
En conclusion, je dirai que la capitulation du Gouvernement face aux forces de l’argent est totale. Charles Péguy disait « qu’une capitulation est essentiellement une opération par laquelle on se met à expliquer au lieu d’agir ». Monsieur le ministre, ce qui me frappe, c’est que vous n’avez fait que ça, expliquer : vous nous avez expliqué que la France donnait leurs chances aux pays qui étaient sur la liste noire, vous nous avez expliqué que la France menait une lutte contre la fraude fiscale…
Mais, concrètement, je l’ai démontré, rien n’est fait. L’exil fiscal prive toujours les finances publiques de 20 milliards d’euros par an. Il est grand temps de vous inspirer des propositions que nous vous faisons à chaque loi de finances et qui détaillent quelles mesures doivent être prises pour enrayer l’évasion et la fraude fiscales. En ces temps de difficultés économiques, il est grand temps de combattre l’exil fiscal des entreprises et des particuliers.

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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