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Abrogation du recul de l’âge effectif de départ à la retraite

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, merci de me donner la parole. J’ai le sentiment très désagréable d’avoir été convoqué à une réunion du Cercle des amis du Président de la République.

(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

Ce jour est un jour de vérité, ce jour est un jour de gravité, c’est un jour de vertige pour la République. Nous sommes là pour délibérer et nous ne délibérerons pas. Nous sommes là pour faire la loi et nous ne la ferons pas. Nous sommes là pour voter et nous ne voterons pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

Les amis du Président en ont décidé ainsi. Les amis du Président ont supplié qu’on les prive de leurs droits, réclamé qu’on les dispense de leurs missions, imploré qu’on limite leur pouvoir et celui de l’Assemblée nationale tout entière. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES – M. Bertrand Pancher applaudit également.)

Les amis du Président savent que si cette assemblée vote, ils essuieront un revers cinglant. Ils ne veulent pas que cela se sache, que cela se voie. Certains n’arrivent même pas à se l’avouer. Alors ils se racontent une fable.

Ils seraient les héros dressés face à l’adversité, les prophètes dressés contre leur pays, la victime dressée contre l’agresseur. En reprochant aux députés de vouloir se défendre, ils vous feraient presque oublier qu’ils veulent vous voler vos meilleures années de retraite et qu’ils ont mené depuis six ans la politique de la finance, des actionnaires et de leurs cabinets de conseil. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

La vérité est très simple : le gouvernement a coché toutes les cases. Il a décidé dès le départ qu’il passerait en force, contre les organisations syndicales, contre la volonté populaire, contre le Parlement. À chaque étape, il a trouvé un nouvel artifice pour s’en sortir. Et cette loi n’a jamais été votée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

Nous avions l’occasion de nous prononcer sur l’article central de la loi. Il fallait donc tordre les règles et les usages pour empêcher cela. Ce fut fait en commission, où vous êtes majoritaires, contrairement à l’hémicycle. C’est désormais chose faite ici. Jamais l’article 40 n’avait été mobilisé ainsi pour empêcher une loi d’initiative parlementaire.

C’est la politique du « quoi qu’il en coûte », de la terre brûlée. Prêts à tout, en voulant nous déclarer illégitimes, ils se délégitiment eux-mêmes.

Ce qui se joue va bien au-delà de cette proposition de loi. Cela veut dire que l’essentiel de l’initiative des lois devrait se concentrer plus encore entre les mains de l’exécutif. Cela signifie qu’on veut cantonner le Parlement à des initiatives symboliques, qu’on choisit de l’abaisser encore davantage.

Nous devrions nous soumettre et enregistrer sagement les propositions concoctées par le Gouvernement sous la dictée du Président de la République. Ce qui est en train de se passer est extrêmement grave. Ce que nous défendons, en défendant le droit des parlementaires et du Parlement, c’est la vitalité démocratique.

Ce qui est en train de se passer ici est l’un des symptômes d’une crise démocratique profonde. Depuis longtemps, cette majorité aurait dû prendre acte que sa réforme n’avait pas l’assentiment du pays. On ne triche pas impunément avec la République. Cet acharnement est en train d’abîmer la confiance dans la République, que nous chérissons avec ses valeurs révolutionnaires, et dont les derniers épisodes nous montrent à quel point elle doit être transformée.

J’éprouve un profond sentiment de révolte parce qu’avec moi, c’est tout un peuple que cette majorité essaye de faire renoncer. Quand on prend le Parlement pour un paillasson, c’est sur le peuple qu’on s’essuie les pieds. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

C’est avec dignité que nous nous tenons ici pour incarner de notre mieux la dignité populaire, la dignité humaine. En s’attaquant à ce droit si emblématique d’une société solidaire – la retraite – les amis du Président ont voulu faire plier le monde du travail et le mouvement social, ils ont voulu faire plier la gauche, ils ont voulu plier l’espoir en un monde plus juste. Nous leur refusons le droit de se revendiquer de la République pour accomplir ces méfaits ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

Nous n’acceptons ni cette loi injuste et injustifiable ni le déni de démocratie qui l’escorte. Dès que possible, elle devra être abrogée.

Nous sommes inquiets parce que ces choix, ces comportements peuvent nourrir les réactions antirépublicaines ; l’extrême droite menaçante essaye d’en profiter pour tromper le peuple.

Mais quelque chose est né. C’est une bataille de longue haleine qui est engagée contre les forces de l’argent, prêtes à abîmer beaucoup de choses pour arriver à leurs fins. Ce que le peuple a fait, ce qui a été dit, change la donne. Ce dont il rêve, nous voulons le mettre à l’ordre du jour, avec lui. Tel est le sens de notre présence, dans ce moment qui n’a pas de sens !

Cette bataille politique, les amis du Président l’ont définitivement perdue ; le geste qu’ils se sentent obligés d’accomplir aujourd’hui en témoigne. Ils entendent poursuivre leurs œuvres. Continuons à leur tenir tête et à proposer, pour connaître des jours qui n’auront pas ce goût amer. Vive le droit à la retraite, vive la République démocratique, écologique et sociale ! (Les députés des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES, GDR-NUPES et LIOT se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES s’exclament ensuite et désignent Mme Mathilde Panot qui brandit le règlement.)

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)

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