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2ème lect. Pt habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction

La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre position sur ce projet de loi visant à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour permettre d’accélérer les projets de construction n’a pas changé. Elle est en harmonie avec le vote de nos collègues communistes du Sénat.
Une loi d’habilitation à légiférer par ordonnances ne permet pas de dégonfler l’agenda parlementaire, au contraire. Nous avons déjà exprimé notre refus de principe, d’ailleurs partagé, de ce type de pratique, qui n’améliore pas la considération accordée au Parlement, décidément maltraité ces derniers temps.
Sur le fond, le projet de loi ne permettra malheureusement pas de répondre durablement à l’enjeu du logement dans notre pays. Personne, d’ailleurs, ne soutient le contraire, puisque nous sommes face à des mesures techniques.
La situation est simple : notre pays compte 8 millions de personnes mal logées. Près de 2 millions de demandes de logement social restent à satisfaire. Nous soutenons les objectifs en termes de constructions du Gouvernement mais les chiffres obtenus cette année sont mauvais, vous en êtes vous-même convenu, madame la ministre. Vous imputez à juste titre ces résultats décevants à la crise et à la conjoncture.
Or ce qui nourrit la crise, c’est la baisse des budgets publics, les politiques de rigueur. Le budget du logement est particulièrement concerné depuis des années. Les choix d’austérité minent ce secteur, comme les autres. Tant que la puissance publique n’aura pas consenti un réel effort pour construire des logements sociaux, la crise du logement s’aggravera. Tant que nous n’aurons pas rompu avec les diktats de la Commission européenne et les recettes éculées du libéralisme déjà largement appliquées, sans succès, par la majorité précédente, nous ne nous en sortirons pas.
Je sais, madame la ministre, que vous partagez sur ce plan le diagnostic des députés du Front de gauche.
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Et elle propose des solutions en plus !
M. André Chassaigne. Aussi comprendrez-vous que, selon nous, les mesures de dérogation au code de l’urbanisme que vous proposez n’auront qu’un impact limité.
Certes, les ordonnances en préparation comportent, ici ou là, des points qui nous satisfont, qu’il s’agisse de l’aide à la densification du bâti, de la lutte contre les recours abusifs, de la transformation de certains bureaux en logements ou de la fin de la garantie intrinsèque pour les ventes en état futur d’achèvement. D’autres, en revanche, nous inquiètent.
Ainsi, les dérogations aux plans locaux d’urbanisme témoignent d’une certaine défiance vis-à-vis de la démocratie locale, la même que celle à l’œuvre dans le projet d’acte III de la décentralisation. L’intercommunalisation à marche forcée n’est pas le remède à tous les maux.
Les élus locaux que je représente sont en pointe sur ces questions pour défendre la libre administration des collectivités territoriales. S’agissant des domaines de compétence en matière de logement et d’urbanisme, nous combattons, comme ailleurs, cette logique qui vise à dessaisir les communes de leurs pouvoirs et de leurs prérogatives. Nous serons, sur ce point, attentifs au contenu de votre future loi, madame la ministre.
Nous ne partageons pas votre enthousiasme pour les politiques de soutien à l’investissement locatif par les défiscalisations. Cette spécialité de la droite a fait la preuve de son coût exorbitant et de son inefficacité.
L’urgence, c’est le logement social. De fait, le logement dit intermédiaire que vous voulez développer existe déjà sous la forme du prêt locatif social, qui correspond à la catégorie la moins sociale du logement social. En effet, 80 % de la population perçoit des revenus inférieurs au plafond de ressources des PLS. Cette catégorie est d’ailleurs d’ores et déjà majoritaire dans la construction de logements sociaux. Faut-il disperser les efforts ? Ce ne sont ni les promoteurs immobiliers, ni les spéculateurs, qui nous aideront à loger tous ceux qui manquent d’un toit.
Sans sous-estimer l’intérêt de certaines mesures techniques, je voudrais à présent vous soumettre quelques propositions concrètes pour relancer la construction du logement.
Il faut se pencher sur la question des prix du foncier et de la spéculation foncière.
Vous avez fait savoir, madame la ministre, que le rapport demandé par les sénateurs communistes sur ces problématiques était en voie de finalisation Nous devrons désormais passer aux actes car le levier du foncier est essentiel pour s’attaquer au coût des logements.
Nous sommes convaincus que les problèmes du logement ne pourront pas être résolus sans une large refonte des outils de financement. Il est important de recentraliser la collecte des fonds du Livret A à la Caisse des dépôts et consignations afin que les sommes servent bien à financer le logement social.
Nous proposons par ailleurs de créer des prêts à taux bonifiés pour les bailleurs sociaux. Ce ne sont, en effet, pas moins de 200 000 logements sociaux qu’il faudrait construire chaque année pendant cinq ans pour pourvoir aux besoins de la population. Un tel objectif n’a rien d’inaccessible d’autant plus que le secteur de la construction est une activité non délocalisable et, partant, créatrice d’emplois.
Il est indispensable de se diriger vers d’autres types de mesures, comme un véritable encadrement des loyers par bassins d’habitat. Il ne s’agit pas d’éviter les hausses, mais bien de faire baisser les prix du parc privé qui étouffent le pouvoir d’achat des Français.
L’enjeu est de faire correspondre les prix aux besoins, afin que la charge locative, charges comprises, ne dépasse pas 20 % du budget familial. Le seul plafonnement des hausses de loyers à la relocation ne suffira pas à briser la spirale inflationniste.
S’agissant du logement social, envisagez-vous, madame la ministre, de supprimer enfin les surloyers Boutin ? J’en viens même à faire des rimes ! (Sourires.) Ce mécanisme injuste est une véritable machine de guerre contre la mixité sociale, pourtant incontournable dans l’habitat si l’on veut éviter les ghettos et les dégradations.
Les députés du Front de gauche considèrent qu’il est plus que temps de répondre à la gravité de la situation, d’autant que l’examen de votre future loi se profile et qu’il n’est sans doute pas inutile de vous faire savoir combien nos attentes sont fortes.
J’en profite pour vous féliciter, madame la ministre, d’avoir pris le temps de consulter avant d’élaborer ce texte. Cette pratique, remarquable, n’est pas habituelle, et il serait bien que ce témoignage d’ouverture se généralise aux autres ministères.
Nous sommes persuadés que le domaine du logement, grâce à votre action volontariste, peut être un point d’appui pour le changement de cap et de politique que nous revendiquons pour la gauche et notre pays.
En attendant, nous maintiendrons notre vote d’abstention, dont j’ai expliqué les raisons au début de mon intervention qui m’a permis de développer quelques autres points et quelques propositions sur lesquelles nous reviendrons concernant le grand projet de loi sur le logement dont nous débattrons prochainement.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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