Interventions

Explications de vote et scrutins

Société : immigration, intégration et nationalité

Mois après mois, la mobilisation des citoyens, des juristes et des associations contre ce texte n’a pas faibli, mais le Gouvernement s’est obstiné. Avec la complicité de sa majorité, il a mis en œuvre des changements radicaux, en nous les présentant comme des mesures de « simplification » et en prétendant que le droit communautaire nous y obligeait.
En fait, nous assistons ici à une modification en profondeur du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dont les dispositions sont, une fois plus, considérablement durcies.
Avec ce texte, le Gouvernement a volontairement agité des peurs. Il est destiné à flatter les opinions les plus réactionnaires – les élections ne sont pas loin – et va, ce que je déplore, bouleverser la vie de nombreux migrants. Les présentes dispositions vont bien au-delà de ce que fixent les trois directives européennes et n’intègrent évidemment pas les quelques mesures qui pourraient alléger leur vie.
Le retrait du dispositif sur la déchéance de la nationalité ne saurait berner qui que ce soit et n’enlève rien aux violations graves des droits fondamentaux dont se rend responsable le Gouvernement.
Ce texte condamne un certain nombre de malades en encadrant plus strictement le droit au séjour pour les sans-papiers atteints de pathologies graves. Vous nous dites que là n’est pas votre intention puisque le titre de séjour « étranger-malade » sera accordé en cas d’absence de traitement approprié dans le pays d’origine.
Or, vous le savez, même si le traitement existe dans le pays d’origine, il est le plus souvent inaccessible au plus grand nombre de malades, notamment pour des raisons financières ou géographiques.
La hausse de la durée maximale de l’enfermement, qui pourra aller jusqu’à quarante-cinq jours, ne vise qu’à laisser plus de temps aux consulats afin qu’ils délivrent les laissez-passer indispensables aux reconduites à la frontière de leurs ressortissants.
Vous mettez à l’écart le juge de la liberté et de la détention en retardant son intervention, alors qu’il est le seul garant du respect des conditions d’interpellation et de rétention. Considérée comme le cœur de votre réforme, parce qu’elle permettrait une meilleure efficacité des procédures d’éloignement, cette mesure vise, en effet, à reconduire le plus rapidement possible l’étranger hors de nos frontières, avant son passage devant un juge judiciaire.
Vous créez également une fiction juridique, les zones d’attente sac à dos pour refouler plus facilement les migrants en les privant de tout accès effectif à leurs droits. Je n’oublie pas non plus votre volonté de traquer les « mariages gris », les mariages blancs ne suffisant plus aujourd’hui à votre discours politique.
La France, patrie des droits de l’homme, dont vous vantez les valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité, ne pourra plus, après ce texte et tous les précédents votés malheureusement par votre majorité, se targuer d’être une terre d’accueil. Les politiques que vous prônez, seul moyen d’après vous pour juguler la crise que vos choix n’ont fait qu’augmenter, sont xénophobes.
Vous ne cherchez qu’à détourner les regards des causes profondes de l’immigration que sont le déséquilibre et les inégalités économiques du monde, l’extrême pauvreté, mais aussi les guerres engagées ou entretenues au détriment des populations et du droit des peuples à l’autodétermination.
Vos choix législatifs marquent un tournant préoccupant pour notre pays. On pouvait croire les vieux démons enfouis. Hélas ! force est de constater qu’ils ne demandent qu’à refaire surface et à détruire ce qui fait la société et le monde.
Au lieu de faire prévaloir d’autres valeurs tels la solidarité entre les peuples, la coopération, le partage des richesses, le droit au développement, le Gouvernement préfère dénoncer les hommes et les femmes qui s’aiment, traquer les jeunes Tunisiens dans les rues de Paris alors qu’ils sont dotés de titres de circulation dans l’espace Schengen, laisser en grande difficulté les enfants malades de cinq ans qui auraient pu avoir la vie sauve si un visa avait été délivré à temps, comme l’a montré la réalité, expulser de jeunes majeurs scolarisés à quelques jours de leur examen, brisant ainsi leur vie. Et je n’oublie pas les Roms. La liste complète serait longue et bien triste.
Il faut dénoncer avec force le racisme partout et sans relâche, le traquer dans tous les coins de notre pays car, ainsi que le dit Frantz Fanon, « Le racisme obéit à une logique sans faille. Un pays qui vit, tire sa substance de l’exploitation de peuples différents, infériorise ces peuples. Le racisme appliqué à ces peuples est normal […] et n’est donc pas une constante de l’esprit humain. Il est […] une disposition inscrite dans un système déterminé. »
Pour toutes les raisons évoquées, il est bien évident que les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine rejetteront ce texte et continueront à porter d’autres valeurs, à exiger du Gouvernement qu’il cesse de désigner à la vindicte les plus précaires et de pourchasser les personnes les plus vulnérables.

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Roland
Muzeau

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