Interventions

Explications de vote et scrutins

Renforcement de la peine d’interdiction du territoire et répression des délinquants rétitérants

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote de cette proposition de loi, le jour même de la clôture de nos travaux, donne un relief particulier à la fin de la législature. Son inscription à l’ordre du jour, alors qu’elle n’ira pas au bout de son parcours parlementaire, montre sans ambiguïté qu’elle n’a vocation ni à être adoptée, ni – fort heureusement – à être appliquée.
Si cette proposition de loi, qui tend à braquer de façon odieuse les projecteurs sur le binôme que forment prétendument la délinquance et les étrangers, est aujourd’hui discutée, c’est d’abord parce que le Président candidat a décidé d’emprunter, dans sa campagne, ce sillon creusé depuis de nombreuses années.
M. Jean Mallot. Le sillon du Front national !
M. Marc Dolez. Mais ce texte a au moins un mérite, celui de pointer avec acuité l’inefficacité de la politique pénale mise en place depuis près de dix ans. Sa présentation prouve que la frénésie législative sur les questions de sécurité n’aura été d’aucun effet sur la délinquance.
Sur la double peine, il est regrettable que le Conseil d’État n’ait pas été consulté. C’est peut-être par crainte de cet avis que le Gouvernement a préféré la voie de l’initiative parlementaire. Pourtant, il aurait été utile de vérifier que les dispositions prévues sont bien conformes à nos impératifs constitutionnels et conventionnels, notamment au dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 et à l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme.
La peine d’interdiction du territoire est en effet manifestement inconstitutionnelle au regard de l’appréciation des notions de nécessité et de proportionnalité posée par ces impératifs, sans compter que les chiffres avancés par l’exposé des motifs de la proposition de loi sont erronés.
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Pas du tout !
M. Marc Dolez. Concernant les peines plancher, je me référerai volontiers, et avec sa permission, aux propos tenus en 2004 par notre collègue Jean-Luc Warsmann, devenu depuis président de la commission des lois : « Une politique pénale efficace ne consiste pas à multiplier par sept le nombre de détenus, mais à garantir l’exécution de la peine et à assurer le suivi des sortants de prison. »
M. Jean Mallot. Il avait raison !
M. Marc Dolez. « Que gagnerait-on à augmenter d’un ou deux mois la peine d’un récidiviste ? Qu’il sorte au mois de mars ou au mois de mai, l’important est que le condamné soit suivi, c’est-à-dire suffisamment accompagné ou contrôlé afin que les risques de récidive diminuent ».
Cette analyse était juste. C’est bien pour cela que les peines plancher n’ont que peu de sens en termes d’efficacité.
Pour notre part, nous sommes attachés à l’individualisation des peines, garante de l’efficacité de la politique pénale. L’instauration de peines plancher en cas de réitération, nouvelle exception de ce principe d’individualisation qui préside à notre code pénal, est dangereuse parce qu’elle conduit à faire exploser le concept de récidive.
Comme en 2007, date à laquelle cette incohérence a été introduite dans notre droit pénal, nous réaffirmons notre ferme opposition aux peines plancher.
Bref, avec ce texte, la question pénale apparaît une fois de plus comme l’un des enjeux de la compétition politique à défaut de nourrir une politique de réforme. C’est en cela que le vote d’aujourd’hui prend un relief particulier et qu’il doit être un signal pour tous les citoyens. Souhaitent-ils que nous continuions sur ce chemin ou, au contraire, que la majorité parlementaire à venir œuvre pour que l’État prenne sa part de responsabilité dans la lutte contre la délinquance, autrement dit qu’il accompagne son projet répressif d’une politique publique d’inspiration sociale et éducative.
Pour toutes ces raisons, les députés du Front de gauche voteront résolument contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)
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