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Explications de vote et scrutins

Pt modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles

La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. François Asensi. Dans la torpeur de l’été, le Gouvernement a usé d’un véritable coup de force pour bouleverser radicalement l’organisation territoriale de notre pays.
M. Hervé Gaymard. Très bien !
M. François Asensi. En effet, en commission des lois, les dispositions concernant la
métropole du Grand Paris ont été dévoilées à minuit moins le quart. En pleine discussion du texte, l’élection au suffrage universel direct de toutes les métropoles de France a été imposée dans un amendement tombé du ciel. Une fois de plus, le Parlement est le grand perdant de ce simulacre de démocratie.
M. Marc Dolez. Très bien !
M. Jean-Luc Warsmann. Quel mépris pour le Parlement !
M. François Asensi. Votre projet est un déni de démocratie, en ce qu’il porte atteinte au pluralisme politique des territoires. Au sein des intercommunalités que vous voulez supprimer, les élus locaux, de toutes sensibilités politiques, ont appris à travailler ensemble, au service de l’intérêt général. La concentration des pouvoirs dans les métropoles asséchera ce pluralisme. De même que quarante-trois pétitionnaires socialistes ont décidé du sort de l’Ile-de-France, seul un groupe d’élus dirigera la métropole, et les autres sensibilités feront de la figuration au conseil métropolitain.
Cette méthode ne correspond pas à l’enjeu. En Île-de-France, à Lyon, à Marseille, la métropole deviendra le seul lieu de pouvoir et de décision. Les communautés d’agglomération et de communes, construites sur des projets et des dynamiques de territoire, lieux d’innovation et d’expérimentation, seront balayées, liquidées. La commune, reconnue par la République comme le lieu fondamental de la démocratie, notre « maison commune », sera vidée de ses compétences et dépérira. C’est la fin des maires bâtisseurs, élus sur des projets forts, et qui valorisaient leur territoire. Le maire sera réduit à la gestion de la plainte sociale et deviendra un simple rouage de l’État.
C’est donc un projet profondément réactionnaire et recentralisateur que vous nous soumettez. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Réactionnaire car il signe le retour des grandes provinces d’ancien régime, avec leurs régimes juridiques spécifiques qui briseront l’unité de notre République.
M. Marc Dolez. Très bien !
M. François Asensi. Recentralisateur car les conseils de territoire et les communes deviendront des échelons déconcentrés, sans autonomie budgétaire, exécutant les décisions prises par les monstres technocratiques que seront les métropoles.
Toutes les décisions structurantes seront prises par quelques grands notables conseillés par une armée de technocrates. Nous voici à mille lieues de l’esprit progressiste de la décentralisation de 1982. Même la capitale va perdre son statut. La commune de Paris va sombrer dans cette tempête centralisatrice, contrairement à sa devise, car reléguée au simple rang de conseil de territoire. Les départements eux-mêmes auront vécu.
Cette recentralisation conservatrice entraînera une planification dirigiste en matière d’urbanisme, d’aménagement, de logement et de développement durable. Avec la création de zones d’aménagement concerté et les programmes d’intérêt général, les métropoles pourront décider de manière autoritaire des grands projets d’équipement et d’implantation de logements. Les villes populaires et les terres agricoles sont les principales cibles de ces implantations.
Votre projet n’apporte aucun outil pour s’attaquer aux inégalités territoriales, criantes en Île-de-France comme ailleurs. La sélection des territoires, gangrène de nos villes, va se poursuivre. La réforme de la fiscalité pour répartir les richesses dans les grandes agglomérations est la grande absente de ce projet. C’est la justice territoriale qui manque à l’appel.
Le Gouvernement a cru pouvoir donner le change en instaurant par surprise l’élection au suffrage universel direct des métropoles en 2020. Mais la plupart des décisions stratégiques métropolitaines seront alors déjà prises. Et c’est le flou le plus total sur le mode de scrutin, le nombre d’élus et les circonscriptions électorales.
Pourquoi ces conseillers élus dans sept ans seraient-ils plus légitimes que les maires élus en place aujourd’hui, comme les 109 maires sur 119 qui se sont opposés à la métropole Aix-Marseille ? Élue au suffrage universel, c’est bien une nouvelle collectivité qui va venir s’ajouter au millefeuille.
M. Marc Dolez. Absolument !
M. François Asensi. Nous exigeons de soumettre la question à la consultation des citoyens par voie référendaire. C’est l’esprit de la Constitution. Nous ne comprenons pas pourquoi vous y êtes opposée, madame la ministre.
Votre projet de loi n’a pas fini de faire du bruit. Loin de réduire la fracture territoriale qui gangrène notre pays, votre projet de loi les accentuera. Ce monstre bureaucratique que vous avez créé démultipliera les erreurs du passé.
C’est pourquoi, mes chers collègues, les députés communistes et du Front de gauche voteront résolument contre votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

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François
Asensi

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