Interventions

Explications de vote et scrutins

Pouvoirs publics : élection des députés (répartition des sièges et délimitation des circonscriptions)

Monsieur le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, mes chers collègues, l’heure est grave (Rires sur quelques bancs du groupe UMP) puisque nous touchons là à la représentation nationale des citoyens.
Ce découpage électoral ne peut être considéré comme un progrès pour notre démocratie, fondement de notre République. Il ne peut l’être, monsieur le secrétaire d’État, quand vous vous obstinez à conserver le même nombre de sièges de députés alors que la population a fortement augmenté.
Il ne peut l’être quand, dans le même temps, vous créez onze nouvelles circonscriptions pour les Français de l’étranger, création qui ne se justifie en rien mais qui a pour effet concret de réduire la représentation du reste du territoire. Je ne reviendrai pas en détail sur les aberrations de ces circonscriptions ; François Asensi nous les a montrées en séance.
Il ne peut l’être quand, pour vous assurer une majorité avec une minorité (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), vous avez trituré les circonscriptions, n’hésitant pas à créer de nouvelles inégalités en reniant encore davantage le principe selon lequel la voix de chaque citoyen pèse le même poids.
Il ne peut l’être quand vous vous entêtez à poursuivre dans la voie du scrutin majoritaire, profondément injuste puisqu’il ne reflète pas la réalité. Deux formations politiques ne peuvent-elles obtenir à elles seules 90 % des sièges au second tour alors qu’elles n’atteignent que 25 à 30 % des voix au premier ? Et nous le voyons aujourd’hui pour d’autres institutions : votre conception de la représentativité du peuple laisse pantois, génère de la colère, voire du dégoût, impose mobilisation et résistance.
Cette méthode a pour nom la bipolarisation et vise à ce que deux partis politiques raflent la majorité des sièges au second tour, garantissant ainsi une majorité et niant les diversités politiques des partis et, par conséquent, des citoyens.
Il ne peut l’être quand les prétendus critères démographiques, que vous dites avoir retenus, révèlent des objectifs non affichés, et que les exceptions à ces mêmes critères sont si nombreuses que votre découpage, outre le fait qu’il est profondément injuste, n’a plus aucun sens, si ce n’est celui de servir les intérêts de votre majorité.
Vous tentez de faire croire que ce charcutage électoral est un progrès démocratique. C’est faux puisque votre priorité n’est pas l’intérêt général des Français, de la France, mais est de répondre au goût de domination exacerbé de M. Sarkozy.
Pourtant, face à la crise de la politique capitaliste, dans laquelle vous avez entraîné les citoyens, la raison aurait voulu que vous inversiez le cours des choses, pour remettre la France, l’Europe, le monde sur les rails d’une économie respectant les territoires et les hommes. Bien sûr, cette vision vous est étrangère, car votre seule mission consiste à laisser les mains libres à l’exécutif contre le législatif, tant le Président de la République est avide de pouvoir absolu.
D’où ce refus entêté d’appliquer le scrutin à la proportionnelle, le seul respectant le pluralisme des opinions politiques des électeurs et, par définition, le seul respectant la démocratie.
Pour vous, monsieur le secrétaire d’État, l’exercice fut délicat mais, soyez rassuré, vous avez mené ce tripatouillage électoral de main de maître tant nos circonscriptions volent en éclats, sont disloquées, voire disparaissent. Votre mission est remplie.
Faut-il y voir un hasard quand, sur l’ensemble du territoire métropolitain, les moyennes départementales varient du simple au double ? Où sont donc passés vos critères démographiques ? Cela signifie-t-il que certains habitants valent deux fois moins que d’autres ? La démocratie perd ses valeurs, sa pertinence, et les exemples en sont nombreux, depuis l’arrivée de M. Sarkozy au pouvoir.
Il est vrai que la démocratie signifie aussi affronter le peuple. Et c’est un exercice périlleux qui demande du courage. Car si on peut gagner, on peut aussi perdre ; c’est le principe même d’une élection. Mais pour contourner l’expression populaire, vous avez trouvé la parade, utilisant, afin d’atteindre l’objectif de Nicolas Sarkozy, tous les subterfuges, à tous les niveaux de l’État, par exemple le « diviser pour mieux régner ».
Il est urgent que la République reconquière ses couleurs, que notre assemblée recouvre sa liberté, son intégrité, face aux diktats du Président de la République.
Personne n’est dupe, et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, représentant une diversité de courants de pensée – le parti communiste français, le parti de gauche, les Verts, les Ultramarins –, ne peut partager votre philosophie consistant à sacrifier la démocratie, à s’amuser de la représentation nationale, donc, en conclusion, à jouer avec le peuple lui-même.
Pour toutes ces raisons, nous ne cautionnerons pas ce projet de loi et voterons contre son adoption. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

Imprimer cet article

Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)
Voir cette intervention sur le site de l'Assemblée Nationale

Thématiques :

Pouvoir d’achat Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Voir toutes les thématiques