Interventions

Explications de vote et scrutins

Police et sécurité : fichiers de police

Nous voterons naturellement pour cette proposition de loi, qui tend à éclaircir l’origine et les usages des fichiers utilisés par les services de police. Néanmoins je souhaite d’abord revenir sur les conditions dans lesquelles l’opposition travaille et débat au sein de cet hémicycle depuis la réforme constitutionnelle.
En choisissant de réserver les votes, le Gouvernement a signé un bon d’absence aux députés de la majorité. Or à quoi sert que l’opposition ouvre un débat si la majorité n’y participe pas ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je l’ai dit jeudi dernier, avant de quitter l’hémicycle : les droits de l’opposition sont sinon bafoués, du moins méprisés. Il est de plus en plus clair que la désignation des membres des commissions d’enquête, les droits de tirage ou les journées d’initiative parlementaire sont des exercices de pseudo-démocratie, des mascarades.
Je persiste et signe : le Gouvernement impose la façon dont on travaille dans cette assemblée, ce qui est intolérable aux représentants du peuple et aux garants de la démocratie que nous sommes.
J’en reviens au fond du débat qui nous occupe : les fichiers de police, souvent épinglés par la CNIL, qui est ainsi revenue dans un récent rapport sur l’usage calamiteux du STIC. Nous nous en étions déjà rendu compte lors de nos permanences en circonscription. Combien d’administrés avons-nous reçus qui avaient perdu leur emploi ou à qui l’on avait refusé un recrutement ou le renouvellement de leur badge dans les zones aéroportuaires, uniquement parce qu’ils étaient des « fichés STIC » à leur insu ? Les listes sont malheureusement longues, dans nos territoires populaires peut-être plus encore qu’ailleurs. Cela déséquilibre le traitement républicain s’agissant des droits les plus élémentaires.
Au-delà de ces erreurs qui, raisonnablement traitées, devraient être réparées, nous devons nous interroger sur le contrôle auquel vous êtes en train de soumettre très méticuleusement la société.
Les STIC, ARIANE, EDVIGE, CRISTINA, JUDEX, FNAEG, FAED, SDRF, SALVAC et autres fichiers sont autant d’injures à notre démocratie. Au nom d’un libéralisme moderne, celle-ci développe des moyens de contrôle de plus en plus drastiques et limite de plus en plus les libertés.
Voyez le sort fait à la CNDS ou la faiblesse croissante des moyens affectés à la CNIL. À l’occasion du débat budgétaire, la majorité parlementaire s’apprête à réduire massivement les moyens des autorités indépendantes chargées de la protection des droits et libertés. Après avoir programmé la suppression de la CNDS et de la défenseure des enfants, coupables de prendre au sérieux la défense des droits contre l’arbitraire dans leurs domaines de compétence respectifs, le Gouvernement cherche à présent à porter un coup décisif à la plupart de ces contre-pouvoirs indépendants. Ainsi, alors que des dizaines de fichiers de police ont été créés au cours des dernières années, la CNIL, dont les moyens sont déjà très inférieurs à ceux de ses homologues allemande ou britannique, verrait ses crédits réduits de 15 %.
Or l’existence de ces autorités indépendantes est essentielle à la préservation des droits et libertés. Ainsi, au cours d’une journée ordinaire de la vie urbaine, chacun de nous est tracé au moins une dizaine de fois. La CNIL a elle-même mis en garde contre la création d’une société de la surveillance. Se fondant à l’origine sur des besoins légitimes et d’apparence anodine – suivre le parcours scolaire des élèves ou réguler le trafic urbain, entre autres –, le fichage global pourrait, au cours des années à venir, mettre un outil extrêmement performant au service de la sélection, de la discrimination, de la stigmatisation des « déviants » et du contrôle social généralisé, d’autant que les politiques actuelles, sécuritaires et traqueuses de fraudeurs dans la France d’en bas, ne cessent de renforcer la surveillance tout en protégeant les fraudeurs de la France d’en haut.
Ce tableau inquiétant de la France d’aujourd’hui témoigne d’un net recul des libertés et des menaces qui pèsent sur la vie privée, l’action militante, le travail social et les associations de défense des droits. Alors que puces, caméras, base de données et fichiers pullulent et sont de plus en plus interconnectés, toute proposition visant à contrôler, à clarifier, à encadrer et à épurer les pratiques policières sortant des cadres déontologiques fixés par la loi nous semble particulièrement importante.
Voilà pourquoi nous voterons pour cette proposition de loi du groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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Patrick
Braouezec

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