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Explications de vote et scrutins

PJL plein emploi, explication de vote

Il y aura une belle enseigne toute neuve, un truc qui clignote, un truc qui flashe. Bim ! « France Turbin », dans tout le pays. En dessous, on ajoutera un slogan : « Le truc que le Président avait dit et qu’on savait pas trop ce que c’était ». (Sourires sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES.)

On vous explique ; enfin, on essaie : on inscrit un max de monde sur la liste des demandeurs d’emploi – et pourquoi pas leur conjoint avec –, on leur fait signer un contrat d’engagement dans lequel on leur file une bonne quinzaine d’heures d’activité obligatoires – on ne sait pas trop de quelles activités il s’agira, mais ça leur fera les pieds –, on les contrôle et on les contraint à accepter fissa une offre d’emploi, sinon – couic ! – on coupe.
Pour défendre ce projet, ses promoteurs nous ont expliqué que c’était pour le bien des gens, pour les accompagner. Visiblement, nous n’avons pas la même définition du mot « accompagner ».

Vous proposez un régime de coercition, d’infantilisation, de punition. Le présupposé est bien connu : les personnes privées d’emploi seraient coupables de leur situation. Cette idée va à l’encontre de toute notre histoire sociale. De plus, elle constitue une négation du réel : il existe 367 500 offres d’emploi vacantes – dont de nombreuses sont d’une qualité discutable – pour 5,4 millions de chômeurs. Il y a de quoi traverser la rue plusieurs fois !

Le chômage est un fléau social, une épreuve. Il abîme des vies. Oui, nombre de femmes et d’hommes ont besoin d’un meilleur accompagnement humain pour se frayer un chemin vers le monde du travail ; toutefois, ce n’est pas là le cœur du plan proposé.

La mission de France Travail ne sera pas celle de Pôle emploi, car l’opérateur principal du service public de l’emploi deviendra une sorte de gare de triage. Les missions locales, dont le rôle consiste à accompagner les jeunes dans tous les aspects de leur vie, devront rentrer au chausse-pieds dans le dispositif. En outre, la confusion s’organise entre le public et le privé à but lucratif qui vient s’asseoir à la table. Nous considérons qu’il n’y a pas lieu de se faire du pognon sur le dos des chômeurs, qui traversent une période de vulnérabilité particulière. Vous répondez : le grand marché de l’activité est ouvert, faites vos jeux ! Enfin, alors qu’il y a besoin de formations qualifiantes, l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) semble pour l’instant reléguée à un strapontin.

À ceux qui nous ont accusés de ne pas faire confiance aux agents de Pôle emploi, je réponds que de nombreux agents ne vous font pas confiance. Leurs missions seront modifiées et s’inséreront dans un cadre contraint régi par une logique de pilotage par les chiffres, ce qui risque de provoquer rapidement de la maltraitance. Ainsi, l’institution elle-même suscitera la méfiance des demandeurs d’emploi.

Le légendaire groupe de rock marseillais Quartiers nord a écrit en 2013 ce refrain : « Elle s’appelle Pôle, Pôle emploi. Elle écrit son beau prénom avec un ’’o’’, c’est trop sympa. »

Ce projet de loi n’est pas « trop sympa ». Il a été durci avec la complicité des parlementaires Les Républicains. (Mme Valérie Bazin-Malgras s’exclame.) Vous auriez même aimé aller plus loin en catimini : après nous avoir vanté les bienfaits de la suspension-remobilisation, sanction qui pourrait être ensuite compensée par une régularisation, vous avez essayé d’y adjoindre un délai de carence. Quelle obsession de la punition !

Toutes ces mesures produiront des effets. Elles conduiront à augmenter les difficultés sociales de nombreuses familles et à les endetter. Ce n’est pas ainsi qu’on combattra la pauvreté ! Les associations de solidarité ont tiré la sonnette d’alarme.

Le texte s’inscrit dans le grand plan de casse sociale mis en œuvre méthodiquement depuis six ans.

La réforme des retraites fabriquera des chômeurs chez les jeunes et chez les seniors ; les deux réformes de l’assurance chômage ont réduit les droits des demandeurs d’emploi ; la réforme France Travail fera désormais pression sur eux pour les faire rentrer, comme des pions, dans des cases, ou plutôt comme des carrés dans des trous ronds.

Le projet de loi porte atteinte à la solidarité nationale matérialisée par le RSA, ainsi qu’au droit à l’assurance chômage acquis par la cotisation, qu’il confond avec un revenu de solidarité. Qui plus est, le tout sera financé par les cotisations de l’Unedic prévues pour assurer un revenu de remplacement, à hauteur de 11 milliards d’euros d’ici à 2027. Les allocations chômage seront rabotées pour financer le traçage et les heures d’activité.

Le Gouvernement a la fâcheuse tendance de croire que ce qui est à d’autres lui appartient : il pioche dans les caisses sociales par des lettres de cachet, comme il prévoit de le faire pour l’Agirc-Arcco.

Dans le texte, il n’est nullement question de la qualité de l’emploi, des conditions de travail, du bien-être au travail, du sens du travail ou de la rémunération du travail – en somme, il n’est jamais question du travail. Il s’agit simplement d’annihiler la légère amélioration du rapport de forces, qui profitait aux salariés. Derrière la belle enseigne se cache une nouvelle étape de la casse sociale. Les députés communistes et ultramarins du groupe Gauche démocrate et républicaine voteront contre cette mauvaise loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)

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