Interventions

Explications de vote et scrutins

Niche SRC : Urbanité réussie de jour comme de nuit

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Martine Billard. Penser la ville, de jour comme de nuit, établir un équilibre en la vie diurne et la vie nocturne de nos cités, réussir à concilier les attentes de tous ceux qui courtisent le silence et de « tous ceux dont le cerveau loge un rayon de lune », comme l’a écrit Léon Valade dans son poème Nuit de Paris, telles sont les missions des pouvoirs publics.
La proposition de loi que nous votons aujourd’hui aborde ces problèmes. Elle fait écho aux diverses inquiétudes qui se sont exprimées depuis plusieurs années maintenant quant à l’évolution de l’activité nocturne de nos grandes villes et plus particulièrement de Paris. La vie nocturne parisienne, ce sont 10 000 emplois directs et autant induits ; 45 % des Parisiens déclarent avoir une activité extérieure entre vingt heures et six heures du matin. (Sourires sur divers bancs.)
Sur cette question, nous ne pouvons pas faire l’économie d’une réflexion sur les enjeux de sécurité et les nuisances sonores qu’induisent les activités nocturnes. Il nous faut prendre en compte l’exaspération de certains citadins confrontés perpétuellement au bruit. Cette exaspération est d’autant plus légitime que l’application de la loi antitabac, dont je ne conteste pas le bien-fondé – au contraire –, a contribué à une forte augmentation des nuisances en poussant dehors les fumeurs noctambules, aidés en cela par les terrasses chauffées, qui sont une aberration environnementale.
Cette proposition de loi apporte un commencement de réponse. Elle s’articule autour d’une logique cohérente qui renforce et adapte les contrôles et les pénalités, tout en introduisant une refonte du système des autorisations administratives.
Les cinq premiers articles vont dans le bon sens. En conférant les pouvoirs de sanction aux maires et en renforçant le montant des amendes, cette proposition de loi envoie un message clair à tous les contrevenants qui ne respectent pas les normes et la législation en matière d’occupation de l’espace public.
M. Jean-Luc Reitzer. Sanctions, amendes : c’est toujours la même chose avec vous !
Mme Martine Billard. C’est la seule façon de faire respecter la réglementation sur l’occupation des trottoirs et sur l’extension parfois abusive des terrasses de café.
La solution pour concilier les attentes de tous réside dans le respect des règles édictées. Une vie nocturne dynamique doit respecter les réglementations. Cela vaut notamment pour les clients qui se trouvent à l’extérieur des établissements : la vie nocturne ne peut se faire au détriment du droit au sommeil des riverains.
La seconde partie du texte s’intéresse au régime d’autorisation et crée une amende en cas de recours abusif au « 17 » pour tapage nocturne. Contrairement à ce que nous a répondu le Gouvernement, elle ne vise pas à stigmatiser les citadins qui se plaignent du bruit ou à amputer leurs moyens de recours. Il s’agit d’orienter ces appels vers les commissariats de quartier au lieu d’engorger abusivement les numéros d’urgence.
Les articles 7 et 8 proposent de mener une réflexion sur l’évolution du régime des autorisations administratives. À aucun moment cette refonte ne doit aboutir à un moins-disant en matière de sécurité et de lutte contre le bruit. Cependant, les pouvoirs publics doivent prendre en compte la diversité des établissements qui animent la nuit, notamment à Paris. Prenons l’exemple des cafés-concerts, ces petites salles qui, de temps en temps, organisent des soirées musicales. La réglementation leur impose de passer de la catégorie N – simple débit de boissons – à la catégorie L – salle de spectacle –, soit l’équivalent de ce qui est demandé à l’Olympia. C’est tout simplement impossible.
Les situations virent parfois à l’absurde. Si, au cours d’un spectacle, les clients d’un café-concert se mettent à danser, l’établissement se retrouve dans l’illégalité, et ce même s’il respecte les normes de sa catégorie, car il est alors considéré comme un établissement de catégorie P. On voit bien là toute l’aberration de la situation actuelle.
À vouloir chasser les excès, il ne faut pas en arriver à la fermeture administrative pour des broutilles. Ainsi, en 2009, 159 lieux de divertissement ont été fermés – certains à juste titre, d’autres de façon quelque peu abrupte. L’exemple des cafés-concerts est très significatif car ces lieux font vivre la création musicale et la diversité culturelle. Les pouvoirs publics doivent les soutenir, dans le respect du vivre ensemble dans la ville. Il faut prendre garde à un nouveau phénomène, celui du clubbing ou de l’entre-soi : les établissements privés et privatisés dans lesquels seuls des membres triés sur le volet sont acceptés fleurissent dans la capitale. Les belles personnes s’amusent entre elles. Dans l’équilibre à trouver entre vie culturelle et droit au sommeil, il ne faudrait pas qu’on en arrive à une ville à deux vitesses, où seuls ceux qui ont les moyens financiers ont le droit d’avoir une vie nocturne.
En conclusion, les députés du Front de gauche et d’Europe Écologie-Les Verts voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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Martine
Billard

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