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Pt Haut conseil de stabilité financière

La présente proposition de loi, relative au Haut Conseil de stabilité financière, se veut avant tout une réponse à la crise du logement, en particulier à l’effondrement du nombre de crédits immobiliers accordés depuis deux ans. Elle ratera sa cible.

Sur les préludes du constat, nous pourrions nous entendre : depuis deux ans, l’augmentation des taux directeurs de la BCE, de 0 % à 4 %, a conduit à une hausse des taux d’intérêt commerciaux en particulier ceux des crédits immobiliers, qui sont passés en moyenne de 1,5 % début 2022 à 4 % aujourd’hui. Cet accroissement rapide a conduit à l’effondrement des crédits et, par ricochet, à celui des achats de biens immobiliers, ce qui a des conséquences néfastes pour certains secteurs économiques mais aussi pour de nombreux ménages, dont les projets, parfois ceux d’une vie, ont été brisés en un rien de temps.

En pleine crise du logement, cette baisse brutale des achats immobiliers est une très mauvaise nouvelle pour certaines collectivités, comme les départements, qui voient s’effondrer les recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
Comment agir contre cette situation ? C’est là que nos positions divergent. Serait-il raisonnable de se ranger derrière celle de Bruno Le Maire et de la majorité ? Nous ne le croyons pas. Ils considèrent en effet qu’à la suite de la montée des taux, la règle du taux d’effort de 35 % est trop rigide et qu’il faudrait la rendre plus flexible pour permettre aux ménages de s’endetter plus fortement. Tel était d’ailleurs, en substance, le sens des déclarations de Bruno Le Maire en décembre 2023.

Or cette règle des 35 % ne constitue en rien une norme arbitraire et bureaucratique. Fixée par le HCSF, elle vise un objectif important : limiter les risques d’insolvabilité des ménages emprunteurs. Les propos de Mme la ministre, plutôt réticente à cette dérégulation, sont de nature à nous rassurer.

Outre qu’elle laisserait certains ménages se faire emporter par la spirale du surendettement, l’insolvabilité des agents économiques ferait également peser un risque sur la stabilité financière de notre pays, comme l’a démontré la crise des subprimes. La règle des 35 % est donc un outil nécessaire dans le cadre de la politique de stabilité financière, et efficace, comme l’ont rappelé non seulement le HCSF mais aussi le gouverneur de la Banque de France. En conséquence, le Haut Conseil a choisi de maintenir la règle des 35 % d’endettement, contre l’avis du ministre de l’économie et des finances.

Voilà donc la genèse de cette proposition de loi, dont l’objectif est, ni plus ni moins, de reprendre la main sur le Haut Conseil de stabilité financière, en modifiant sa gouvernance et en créant une règle dérogatoire aux 35 %, au mépris des risques financiers et des drames qui pourraient en résulter pour les ménages surendettés.

L’article 1er prévoit d’intégrer dans le HCSF deux parlementaires. Nous aurions pu, à la rigueur, le comprendre, s’il n’était pas écrit dans l’exposé des motifs que le « pouvoir discrétionnaire » du HCSF « a pour effet de soustraire à tout débat public les évolutions décidées par [le même] HCSF, et ce alors même que l’accès au crédit immobilier intéresse plusieurs millions de Français ». Cette remarque est intéressante mais je m’étonne qu’elle émane de parlementaires qui défendent, depuis le traité de Maastricht, l’indépendance de la BCE, laquelle décide, de manière discrétionnaire, de la politique monétaire, qui a elle aussi des conséquences pour des millions de Français et pour la conduite des politiques publiques. Nous avons là deux poids, deux mesures ; c’est un peu étrange…

Cet article aurait pu nous rassembler s’il ne s’agissait de cacher une manœuvre permettant en réalité au ministre de l’économie de faire jouer son influence sur une instance qui n’obéirait pas au doigt et à l’œil au Gouvernement.

L’article 2 vise à faciliter les dérogations à la règle des 35 %, afin de satisfaire enfin les chantres du tout-marché ! Dans la version initiale, vous n’aviez même pas pris de pincettes, puisque vous laissiez le soin aux banques de créer elles-mêmes leurs propres règles. Désormais, la règle devra être définie par le Haut Conseil, qui a pourtant lui-même considéré qu’il n’était pas nécessaire d’introduire de dérogation supplémentaire, car celles qui existent n’étaient pas pleinement utilisées.

Nous ne réglerons pas la crise du logement en poussant les ménages à s’endetter toujours plus ; ce serait une erreur. L’accès à la propriété est freiné par deux facteurs : les prix de l’immobilier et le coût du crédit. Les solutions existent : d’une part, lutter contre la vacance des logements et la multiplication des résidences secondaires afin de ralentir la spéculation immobilière à l’œuvre dans certaines zones – quand allez-vous enfin vous y attaquer ? –, d’autre part, réduire les taux d’intérêt pour les ménages modestes et les primo-accédants, en étendant le champ d’attribution des prêts à taux zéro. Ce sont autant de mesures efficaces et alternatives à la perspective du surendettement.

Pour l’heure, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera contre cette proposition de loi. (Mme Francesca Pasquini et M. Sébastien Peytavie applaudissent.)

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Nicolas
Sansu

Député de Cher (2ème circonscription)

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