Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur les suites données à la commission d’enquête sur les raisons de la souveraineté et d’indépendance énergétique de la France

DISCUSSION GENERALE

En 1946, dans le prolongement des ambitions du Conseil national de la Résistance, la France se dotait d’un grand secteur public de l’énergie reposant sur deux entreprises de production et de distribution : EDF pour l’électricité, GDF pour le gaz. C’est grâce à ce choix que la France a garanti son indépendance énergétique, des prix bon marché et un mix décarboné.
En se dotant d’un véritable service public de l’énergie, la France a réussi à développer une indépendance énergétique fondée sur un parc nucléaire – fruit du plan Messmer – et sur une puissance hydroélectrique décisive. Or depuis plus de vingt ans, la libéralisation du marché de l’énergie a profondément transformé ce cadre ; EDF a été fragilisé, GDF a été privatisé et découpé, et toutes deux ont été étouffées par la logique de marché et par la politique de prise de dividendes de l’État actionnaire.
Au cours des années s’est quasiment dessiné un consensus politique entre les gouvernements, conduisant à un affaiblissement considérable de notre souveraineté énergétique. En vingt ans, quatre paquets législatifs européens ont été adoptés pour laminer notre outil productif et notre service public : dissociation comptable entre les activités, ouverture à la concurrence des activités de production et de fourniture, transformation d’EDF en une société anonyme, filialisation, etc. En deux décennies, au mépris de toute logique d’investissement industriel et de transition énergétique, notre pays a cédé aux injonctions libérales de la Commission européenne ; les consommateurs en payent le prix fort, puisque leurs factures ne cessent de s’envoler.
Tout montre qu’il s’est agi d’un véritable abandon de souveraineté. Plutôt qu’un État planificateur, capable d’un protectionnisme intelligent qui protège nos technologies de production énergétique, les responsables politiques ont préféré un État actionnaire. Cette architecture institutionnelle et économique a été aggravée par la loi de 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi Nome, qui a introduit le mécanisme de l’Arenh. Ce dispositif technocratique a privé EDF de moyens financiers considérables, pourtant essentiels à la sécurité des installations, pour financer plutôt l’activité de concurrents. Voilà le résultat.
Tous les gouvernements, depuis Nicolas Sarkozy jusqu’à Emmanuel Macron, en passant par François Hollande, ont affirmé leur attachement tacite ou enthousiaste au marché européen de l’énergie et à ses mécanismes mortifères, tout en abandonnant des projets stratégiques innovants. Le lent déclassement énergétique de la France, dont la crise de 2022 et les menaces de blackout furent les événements culminants, nous a empêchés de soutenir l’électrification de la demande énergétique et nous conduit dans une impasse écologique.
Il était donc plus qu’urgent de dresser un bilan. Notre collègue Raphaël Schellenberger a mené les travaux de façon exemplaire. Si les propositions formulées par la commission nous semblent insuffisamment ambitieuses, le travail a été plus qu’utile – il est précieux de le souligner. La commission a mis en lumière l’ensemble des faillites, des renoncements et des erreurs qui ont été commis, au moment où la décarbonation doit être encouragée pour lutter contre le réchauffement climatique.
Alors que le Gouvernement n’a toujours pas respecté la loi, méconnaissant les dispositions qui le contraignent à présenter avant le 1er juillet 2023 un projet de loi de programmation sur l’énergie et climat, déplaçant aveuglément le projet de loi « souveraineté énergétique », nous sommes inquiets – inquiets que la crise d’approvisionnement que nous avons traversée en 2022 et que les conclusions de la commission d’enquête n’aient pas servi de leçon au Gouvernement ; inquiets que ce dernier s’apprête à réformer notre modèle de sûreté en dépit du bon sens, alors qu’il serait plus que nécessaire de renforcer les moyens alloués à cette mission essentielle ; inquiets que le Gouvernement promeuve l’énergie comme un business, en encourageant le développement des petits réacteurs modulaires, les SMR, et en refusant de garantir à EDF le monopole d’exploitation de nos installations ; inquiets, enfin, que l’accord validé en trilogue à l’échelle européenne ne propose pas de mettre fin à un marché de l’énergie déconnecté des urgences de notre temps.
Face à l’explosion de la précarité énergétique parmi nos concitoyens, et alors que notre pays doit relever le défi de la relance de la filière nucléaire et de l’accélération de l’électrification, il est urgent de fixer un cadre qui protège notre souveraineté. Un cadre qui protège, c’est un cadre qui régule ; c’est un cadre qui accepte de mettre l’ensemble des usagers en sécurité, à l’abri de la volatilité des prix. Un cadre qui protège, c’est un cadre qui soustrait aux appétits voraces de la concurrence nos entreprises stratégiques telles que EDF, RTE – Réseau de transport d’électricité –, Enedis, Orano et Framatome.
Les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine espèrent que le Gouvernement, après tant d’errements, sera en mesure d’éclairer le Parlement et lancera la loi de programmation dont nous avons besoin.

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Nicolas
Sansu

Député de Cher (2ème circonscription)

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