Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur le thème « les salaires en France »

DISCUSSION GENERALE

Ah, la valeur travail ! Slogan moraliste pour en appeler à la docilité ! Slogan qui fait semblant, car il ne dit rien de la valeur du travail, de sa rémunération, du respect de celles et ceux qui travaillent !

Depuis 2017, il y a un mot tabou, un mot qui tord le ventre à la majorité macroniste et lui fait saigner les oreilles. C’est un mot qui fait peur : le mot « salaire ». Les inégalités s’aggravent, le salariat se paupérise, le monde du travail peine à boucler ses fins de mois, le salaire est de moins en moins la juste contrepartie au travail fourni.

Les faits établis par l’Insee et par la Dares – direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – sont alarmants. Le pays compte 1,2 million de travailleurs pauvres, lesquels touchent un salaire inférieur à 918 euros par mois. Le revenu salarial moyen, faussé par les très hauts salaires, s’élève quant à lui à 1 800 euros net.

Une très grande part des salaires dans le secteur privé sont rattrapés par le Smic. Quand, en 2021, 12 % des travailleurs étaient payés à ce niveau, ils sont désormais 17,3 % à l’être. La France compte ainsi, en ce début d’année, 3,1 millions de salariés payés au Smic, dont 58 % de femmes, qui travaillent pourtant dans des secteurs économiques essentiels, comme ceux du soin ou du lien.

La faiblesse des revalorisations des salaires dans la fonction publique entraîne de lourds problèmes de recrutement, notamment à l’hôpital et dans l’éducation nationale, et nourrit un grand sentiment d’injustice et des difficultés quotidiennes. L’écart de salaires entre femmes et hommes demeure vertigineux – 25,7 % dans le privé –, tandis que les écarts entre hauts et bas salaires ne cessent de s’accroître. Entre 2011 et 2021, l’écart de rémunération moyen entre les PDG et le salaire moyen dans les 100 plus grandes entreprises françaises cotées en Bourse est passé de 64 à 97. Comme disait ma grand-mère, il n’y a pas besoin d’en discuter 107 ans : il y a urgence à revaloriser les salaires, à revaloriser le travail.

Depuis deux ans, le Gouvernement se contente d’un vague discours épisodique de suggestions aux employeurs. Il favorise la prime désocialisée, inégalitaire, au détriment des revalorisations salariales pérennes.

En revanche, il contraint les travailleurs. Le contournement du salaire est un marqueur central de votre politique.

Or quand on ne paye pas le travail, on paye le capital et on manque de respect à celles et ceux qui travaillent.

Pas de surprise, vous menez une politique de classe. Et le Rassemblement national (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RN) qui, à la faveur de ce débat, essaie de se grimer en ami du pouvoir d’achat n’est qu’un faux ami ; un ennemi mal déguisé des salariés et des ouvriers. Il ne cherche qu’à les diviser, qu’à les tromper, qu’à les utiliser.

Il n’a formulé qu’une seule proposition : une exonération de cotisations sociales patronales, laquelle affaiblirait encore un peu plus la sécurité sociale. Son programme, ami du capitalisme, repose en effet sur les mêmes principes néolibéraux.

C’est l’assurance maladie, c’est la retraite, ce sont nos droits sociaux ! Prendre sur les cotisations, c’est une fausse augmentation. C’est l’affaiblissement de la protection sociale, de la prévoyance collective – affaiblissement qui, de toute façon, se paiera. Attaquer la cotisation, c’est s’attaquer le salaire.

Quand les primes se substituent au salaire, quand les droits des travailleurs et des privés d’emploi sont abaissés de toutes parts, on crée une logique de bas salaires et de droits sociaux au rabais au lieu de garantir une véritable reconnaissance sociale et politique. Garantir un juste salaire pour tous et toutes, c’est donc aussi s’attaquer aux inégalités et, partant, consolider la cohésion sociale du pays. Le salaire n’est pas seulement ce qui permet de vivre : il est la reconnaissance du travail accompli, la valorisation de qualifications et d’une utilité sociale. Quand le travail ne paie plus, il perd aussi de son sens.

Plutôt que de faire de Bernard Arnault le héros ultime de la République, face à l’urgence de justice sociale, nous en appelons à une politique en faveur des salariés, du salaire et des traitements. Il faut rétablir l’échelle mobile des salaires. Indexer les salaires sur l’inflation n’en fabriquera pas davantage : c’est un mensonge. La forte inflation actuelle est principalement due aux bénéfices des grandes entreprises et aux dividendes. Même la Banque centrale européenne (BCE) affirme que l’inflation restera à un niveau élevé tant que la spirale profits-prix ne sera pas arrêtée et que ce sont les salaires qui suivent les prix, et non l’inverse.

Il faut conditionner les aides publiques au respect d’engagements sociaux et environnementaux fermes et ambitieux. Il faut réintroduire un véritable partage de la richesse par du salaire et par un encadrement des écarts de rémunération. Il faut redonner une force véritable au dialogue social dans les entreprises, car ce sont bien les représentants des travailleurs et des travailleuses qui sont les experts du travail et des salaires, non votre groupe d’experts sur le Smic.

Augmenter les salaires, c’est défendre un modèle social protecteur et juste pour toutes et tous. Attention, je répète le mot : salaire !

(Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)

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