Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur le thème « les salaires en France »

QUESTION

Le rapport du groupe d’experts sur le Smic remis en 2023 affirme que la hausse du salaire minimum interprofessionnel de croissance est un levier fort peu efficace pour lutter contre la pauvreté laborieuse, laquelle s’explique par de faibles quantités de travail et des charges familiales lourdes – surtout dans le cas des familles monoparentales. Nous sommes toujours très étonnés à la lecture des préconisations de ce comité d’experts – dont les membres sont adroitement désignés par le Gouvernement –, comme lorsqu’il conseille de ne pas revaloriser le Smic en période d’inflation galopante. L’affirmation selon laquelle le Smic ne serait pas protecteur pour les classes, qualifiées fort à-propos de « laborieuses », nous laisse perplexes.

Même si nous considérons que le Smic devrait être augmenté, il n’en reste pas moins vrai qu’il contribue en l’état à assurer un niveau de vie minimal à tous les salariés. Grâce à son mode de revalorisation, il a augmenté comme l’inflation, c’est-à-dire de 12,5 % entre janvier 2021 et décembre 2023, de sorte que le pouvoir d’achat lié au Smic a été préservé. Aussi sommes-nous inquiets lorsque ce comité d’experts préconise de réformer les modalités de revalorisation automatique du Smic ou de l’indexer sur la moyenne des évolutions des minima salariaux d’un panel de branche.

Une telle réforme entraînerait une dégradation substantielle du pouvoir d’achat des salariés au Smic et, plus généralement, des bas salaires. Or les smicards et les bas salaires deviennent malheureusement la norme dans notre pays, puisque 3,1 millions de salariés étaient payés au Smic au 1er janvier 2023 et que la moitié des employés gagnent moins de 1 231 euros par mois. Ce qui doit être mis en cause, ce n’est pas le Smic en tant que tel mais votre politique de l’emploi qui favorise les contrats courts et précaires et fabrique des travailleurs pauvres.

Les faits sont implacables : 1,2 million de personnes exercent un emploi mais disposent d’un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, c’est-à-dire 918 euros par mois.

En un an, les contrats de moins de 20 heures par mois ont augmenté de 26 % – les travailleurs concernés sont ceux qui se lèvent tôt le matin.

Ma question est double : prévoyez-vous de réformer les modalités de revalorisation du Smic, comme y invite votre comité d’experts, ou envisagez-vous une meilleure redistribution des richesses, sous forme de salaire et non de primes – désocialisées, inégalitaires et arbitraires ? En bref, envisagez-vous de vous attaquer à l’emploi précaire et aux bas salaires ?

(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Mme la présidente

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie Lebec, ministre déléguée

Le groupe d’experts sur le Smic a fait plusieurs propositions pour revoir les modalités de calcul du Smic selon des règles d’indexation automatique. Le Gouvernement estime que les mécanismes d’indexation ont prouvé leur efficacité. Le sujet est débattu au sein du Haut Conseil des rémunérations mais ne débouchera pas dans l’immédiat sur des réformes.

S’agissant de l’alternative entre salaires et primes, j’apporterai à nouveau un témoignage de terrain, tiré de ma circonscription. Il faut toujours, en effet, que l’on puisse vivre décemment grâce à son salaire. C’est indéniable et c’était le sens de ma réponse à la députée Pochon concernant un meilleur partage de la valeur par le biais de dispositifs d’intéressement ou de participation. Nous devons inciter les entreprises et les grandes instances patronales à formuler d’autres propositions.

Quand vous allez sur le terrain à la rencontre des plus petites entreprises, elles font valoir combien la prime est pour elles un moyen de gratifier leurs salariés tout en préservant l’évolution de leur chiffre d’affaires.

Beaucoup disent aspirer à augmenter leurs salariés – pour les stabiliser dans l’entreprise, les rendre fiers et leur donner envie de continuer à œuvrer à son service – mais cela n’est pas toujours possible et dépend des secteurs et de la saisonnalité des activités. Je comprends votre propos mais je ne crois pas qu’il faille opposer primes et salaires : il importe avant tout que les salariés aient le sentiment d’être associés aux gains qu’ils génèrent.

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