Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur le thème « Prix payés aux producteurs par les entreprises de transformation et de distribution agroalimentaires »

QUESTION

Pourquoi reprendre aujourd’hui, madame la ministre, une proposition défendue depuis tant d’années par les députés communistes, et ce, non pas une seule fois, mais au cours de trois niches parlementaires en 2009, 2011 et 2016 ? Trois propositions de loi ont été déposées, examinées, argumentées puis rejetées. Désormais, le Président de la République parle clairement de prix planchers. Je réponds : chiche ! Pourquoi alors, selon vous, cette proposition avait-elle fait l’objet de rejets réitérés, sous le prétexte de bolchevisme (M. Thierry Benoit sourit), d’agriculture administrée ou encore de contradiction avec les règles de la concurrence – vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ?

En 2009, on m’objectait les règles de la concurrence. Je cite mon rapport de l’époque : « Dans son avis du 2 octobre 2009 sur le secteur laitier, l’Autorité de la concurrence estime que sans préjuger de ce que l’examen d’une saisine contentieuse révélerait, l’émission de recommandations de prix au niveau national, voire au niveau régional, par l’interprofession présente un réel risque juridique au regard des règles de la concurrence. » Cet argument est-il toujours valable ?

En 2016 m’était rétorqué l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui interdit de « fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ». Est-ce toujours valable ?

En 2011, je demandais, dans ma proposition de loi visant à encadrer les prix des produits alimentaires, que la France promeuve, au niveau communautaire, la mise en œuvre de toutes les mesures permettant de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs, l’instauration d’un prix minimum indicatif européen pour chaque production prenant en compte les spécificités des différentes zones de production, l’activation de dispositions visant à appliquer le principe de préférence communautaire et la création de clauses de sauvegarde ou de tout autre mécanisme concourant à cet objectif.

Avez-vous conscience, madame la ministre, que la proposition du Président de la République – la décision devrais-je dire – ne peut pas être appliquée sans un bouleversement profond, voire une révolution copernicienne, sur le plan européen ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Mme la présidente

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

Vous faites référence à plusieurs propositions que vous avez défendues dans le passé ; vous me pardonnerez de ne pas toutes les connaître.

M. André Chassaigne

C’est dommage ! C’est historique !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

Je m’y plongerai néanmoins très rapidement, notamment s’agissant de celles qui sont antérieures à 2017. Toutefois, notre vision, qui consiste à fonder la contractualisation sur des indicateurs de référence définis par l’interprofession, à se doter d’un médiateur des relations commerciales agricoles (MRCA) et d’un comité de règlement des différends commerciaux agricoles (CRDCA), qui disposeront de davantage de pouvoirs, et à faire en sorte que cette approche « en marche avant » s’effectue dans le bon sens – et non pas du distributeur vers l’exploitant –, représente autant de mesures qui vont dans le sens que vous souhaitez et qui sont compatibles, me semble-t-il, avec le droit européen.

Vous pointez cependant un élément très juste, qui constitue l’une de nos orientations : nous avons intérêt à défendre une vision européenne de ces sujets, puisque le contournement opéré par certains acteurs de la grande distribution a été rendu possible par le droit européen, en échappant au territoire français. Ce qui explique le choix du Président de la République de porter ce combat à l’échelle européenne, que ce soit dans la législation ombrelle pour les pays de l’Union ou dans le fait d’exercer des contrôles qui soient, eux aussi, de nature européenne, au moyen d’une instance de contrôle dédiée, à même de protéger non seulement le consommateur, mais aussi l’agriculteur.

Un renforcement de ces contrôles serait bénéfique eu égard à la concurrence déloyale, que vous êtes nombreux à dénoncer ici, exercée par des pays situés en dehors de l’Union européenne, en particulier s’agissant de l’emploi d’hormones ou d’antibiotiques dans l’élevage ou de produits phytosanitaires dans l’agriculture.

M. André Chassaigne

Seuls 3 % de produits contrôlés !

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