Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur le thème « Position de la France concernant les accords de libre-échange »

DISCUSSION GENERALE

Je me réjouis de ce débat sur la position de la France concernant les accords de libre-échange. Il intervient alors que les négociations sur l’accord commercial entre l’Union européenne et les pays du Mercosur – à savoir le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay – se poursuivent dans la plus grande opacité.

Après avoir échoué à finaliser l’accord en décembre, l’Union européenne et les pays du Mercosur espèrent toujours pouvoir annoncer cette finalisation lors de la conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui se tiendra du 26 au 29 février aux Émirats arabes unis.

Il n’est toujours pas question d’abandonner cet accord que dénoncent pourtant, depuis des années, aussi bien des dizaines d’ONG que les filières agricoles françaises. En décembre, ces dernières sommaient encore l’État français d’abandonner ce projet qui menace notre souveraineté alimentaire en autorisant l’importation massive de produits alimentaires ne respectant pas les exigences environnementales et sanitaires qui sont imposées aux producteurs français.

En juin 2023, notre Assemblée avait adopté une proposition de résolution transpartisane demandant au Gouvernement de communiquer à la Commission européenne et au Conseil européen l’opposition de la France à l’adoption de cet accord en l’absence de garanties fortes en matière de réciprocité et de respect des normes sanitaires et environnementales.

La proposition de résolution réclamait également que l’accord, s’il devait aboutir, soit soumis dans son intégralité à l’approbation préalable des parlements nationaux. En effet, nous savons tous que la Commission européenne envisage de mettre en œuvre une procédure de vote visant à court-circuiter les parlements nationaux.

Dans une lettre envoyée fin novembre au ministre du commerce extérieur, vingt-trois organisations de la société civile française ont demandé au Gouvernement de « s’opposer fermement et publiquement aux velléités de la Commission européenne ». Où en sommes-nous ?

Ce qui frappe dans le positionnement de notre pays sur le traité de libre-échange, c’est le double discours. Dans ses prises de position publiques, l’exécutif affirme qu’il faut défendre notre souveraineté agricole et alimentaire.

En 2022, le chef de l’État en faisait même la « mère des batailles » ; au mois de juin, le ministre de l’agriculture invitait la Commission européenne à « penser l’agriculture comme un élément clef de la souveraineté ».

En sous-main, cependant, il en va tout autrement : la France a déjà donné son aval à toute une série d’accords de libre-échange avec le Canada, le Japon ou, plus récemment, la Nouvelle-Zélande.

Des accords sont en cours de négociation avec le Mexique et le Chili. Tous ces accords, sans exception, alimentent une fuite en avant vers l’aggravation de la crise climatique, le détricotage de nos normes sanitaires et sociales, ou la mise en concurrence effrénée de notre agriculture au détriment de nos territoires, de la santé de nos concitoyens et de notre souveraineté alimentaire. Tous ces accords ne font qu’aggraver la marchandisation du monde, avec le risque de régressions sociales, environnementales et politiques majeures.

Nous devons donc sortir du double discours.

Comment peut-on croire que nous lutterons efficacement contre le réchauffement climatique en intensifiant les flux internationaux de marchandises avec des pays situés à l’autre bout de la planète ? Comment peut-on croire que nous protégerons les revenus de nos agriculteurs en favorisant des importations qui se traduiront nécessairement par une pression des prix à la baisse dans les négociations commerciales ? Comment peut-on prétendre préserver la santé de nos concitoyens en autorisant le contournement des normes sanitaires européennes ?

Au-delà de l’enjeu de souveraineté, il y a l’enjeu social et écologique, ainsi que les conséquences de ces accords sur les pays concernés. Je pense notamment au Chili, où l’Union européenne cherche à faire main basse sur le cuivre et le lithium afin de construire des voitures électriques – et ce alors qu’une partie de la population pauvre du Chili paie aujourd’hui au prix fort les conséquences de l’extractivisme. Des interrogations analogues se posent au sujet de la déforestation dans l’accord avec le Mercosur.

À quoi bon brandir le caractère vertueux des nouveaux accords de libre-échange européens dans un contexte aussi délétère ? Pour notre part, nous appelons le Gouvernement à tenir un discours de vérité sur sa diplomatie européenne, mais surtout à défendre les intérêts de notre pays comme des populations des pays avec lesquels l’Europe engage des négociations. Notre pays doit montrer clairement son refus de la fuite en avant vers le dumping social et environnemental qu’autorise ce type d’accords, et son refus de voir piétiner les principes démocratiques les plus élémentaires.

(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES. – MM. Dominique Potier et Matthias Tavel applaudissent également.)

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