Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur le thème : « Le sans-abrisme, réceptacle des échecs des politiques publiques ? »

QUESTION

La loi « immigration » tend à restreindre les conditions d’accès à l’hébergement d’urgence : aux termes de son article 67, un étranger en situation irrégulière faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ne peut bénéficier de l’hébergement d’urgence « que dans l’attente de son éloignement ». Cette mesure a été votée au mépris des principes constitutionnels de fraternité, d’égalité et de dignité de la personne humaine. Elle constitue une forme abjecte de tri des personnes hébergées. Nous espérons bien évidemment que le Conseil constitutionnel va la censurer. Si tel n’était pas le cas, elle pousserait, je crois, de nombreux acteurs de la solidarité à la désobéissance. Au-delà de cet article, d’autres dispositions sont susceptibles de créer une trappe à pauvreté. Le risque est donc grand de créer de nouveaux sans-abri. Avez-vous anticipé les conséquences de ce texte ?

Dans mon département, les Hauts-de-Seine, nous avons été confrontés il y a quelques années à la sortie d’un nombre important de personnes de l’hébergement d’urgence, en particulier dans les hôtels, du fait de l’application de critères de vulnérabilité. Il y a en la matière un manque de transparence : il semble que ces critères ont été modifiés depuis 2018 et qu’ils varient d’un département à l’autre ; il est difficile de savoir à quel moment leur application est déclenchée. En tant que parlementaires et élus de la République, nous avons besoin de connaître la liste des critères de vulnérabilité, ainsi que la manière dont ils sont fixés et appliqués. Que pouvez-vous nous en dire ?

M. le président

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre

Je ne vais évidemment pas préjuger de la décision du Conseil constitutionnel. Vous considérez que des dispositions de la loi devraient être censurées, et vous êtes évidemment libres de vos propos. Nous le saurons dans quelques jours, puisque le 25 janvier approche.

Je souhaite revenir sur certaines imprécisions. Le traitement différencié des personnes en fonction de leur nationalité ou du caractère régulier de leur séjour n’est pas une nouveauté législative introduite par ce texte. Le gouvernement Rocard avait soumis le bénéfice du revenu minimum d’insertion (RMI) à une condition de résidence régulière de trois ans sur le territoire national. Il appartient au Conseil constitutionnel d’apprécier si, s’agissant de ce type de prestations, une condition de résidence régulière de cinq ans est proportionnée ou non.
D’autre part, il n’y a pas de remise en cause de l’hébergement d’urgence : le code de l’action sociale et des familles continue de prévoir un accueil sans condition. Le texte issu de la commission mixte paritaire n’a pas modifié le code sur ce point ; il a simplement précisé que l’étranger faisant l’objet d’une OQTF serait hébergé « dans l’attente de son éloignement ».

Telle est la réalité juridique. Vous la contestez, mais cela revient à considérer qu’une OQTF est en soi une atteinte à l’inconditionnalité de l’accueil. Je ne peux évidemment pas vous suivre à ce sujet, car cela voudrait dire que la représentation nationale n’a plus aucun choix lorsqu’elle se prononce sur les règles migratoires. Dès lors que les étrangers déboutés de leur demande doivent quitter le pays, contester le principe selon lequel l’hébergement d’urgence prendra fin à un moment donné ne me semble pas relever d’une appréciation juridique pertinente. Quelque 60 % des personnes accueillies dans le parc d’hébergement d’urgence sont des étrangers qui ne sont ni régularisés ni expulsés.

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