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Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur le thème « fonds d’aides au développement internationaux »

Madame la ministre… Je dois vous dire que, quand j’ai écrit mon intervention, je pensais m’adresser à Mme Colonna, ministre des affaires étrangères. Cependant, nous n’avons pas le choix et je m’adresserai à vous.

Ce n’est pas une critique. Votre propos, tout à l’heure, n’était pas très élégant non plus.

Depuis 2017, la politique française d’aide publique au développement, en particulier le financement des fonds d’aides au développement internationaux, est très décevante.

Après l’annonce d’objectifs très ambitieux en 2017 et d’une programmation annuelle régulière, bien trop peu a été réalisé, et ce qui était annoncé n’a finalement pas été respecté. Pire, alors que les riches débats parlementaires sur la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales avaient permis d’ajouter de nombreux éléments, le consensus trouvé a été bafoué.

Je l’ai dit lors de l’audition du 29 novembre dernier : malgré notre mobilisation, il a suffi d’une réunion avec le Président de la République dans le cadre de son obscur conseil présidentiel du développement pour que tout soit balayé. Ensuite, il a suffi d’un comité interministériel de la coopération internationale et du développement pour entériner ces changements que personne ne vous avait demandés.

L’objectif d’allouer 0,7 % du revenu national brut français à l’aide publique au développement a été reporté de 2025 à 2030, alors que la France est signataire de cet engagement depuis 1970, et que les États membres de l’OCDE ont un revenu par habitant en moyenne cinquante fois supérieur à celui des pays à faible revenu.

Cet écart n’est pas le fruit du hasard, mais s’explique par l’histoire de la colonisation des États du Sud par ceux du Nord et par l’exploitation des ressources sans juste rétribution fiscale des États et sans redistribution envers les populations.

L’aide publique au développement française ne devrait donc pas être autant orientée vers les prêts, mais bien vers les dons, comme le réclame la commission des affaires étrangères depuis des années. Là encore, le reniement de l’exécutif français est incroyable : malgré les alertes, l’équilibre entre les prêts et les dons n’a jamais été corrigé. Les fonds d’aide au développement internationaux en subissent les conséquences puisqu’ils fonctionnent en grande partie grâce aux dons et non grâce aux prêts.

La France est le troisième État membre de l’OCDE qui utilise le plus de prêts dans son aide publique bilatérale et elle en a même encore augmenté la part ces dernières années.

Le combat pour rééquilibrer notre politique d’aide publique au développement en faveur des dons devrait s’accompagner d’une réforme du financement de cette politique. Il faut commencer par élargir enfin le taux et l’assiette de la taxe sur les transactions financières.

Les députés communistes le demandent tous les ans, mais l’exécutif refuse de bouger au nom de l’idée que cette taxe serait en discussion à l’échelle européenne, alors qu’elle est totalement bloquée à Bruxelles. Vous utilisez donc l’Union européenne pour ne rien faire en France, ce qui est pour le moins cynique.

Assumez-le, et dites que vous ne voulez pas augmenter de 0,3 % à 0,5 % un impôt sur un secteur financier devenu fou, qui est le seul à n’avoir fait aucun effort durant le covid et qui ne fait toujours aucun effort en matière écologique. Ce secteur dévastateur passe à travers les mailles du filet et utilise à plein les nombreuses failles de la fiscalité internationale pour s’enrichir davantage. Cependant, vous refusez de mener cette lutte.

Pour garantir une justice sociale ou écologique, encore faut-il que les États perçoivent de justes recettes fiscales, qui leur donnent les moyens de l’indépendance politique. Lutter contre l’évasion fiscale et contre la faiblesse des taux d’imposition sur les entreprises est l’une des clés pour permettre d’enrichir les États les plus fragiles. Aider à la construction de la fiscalité, à celle de l’État et des services publics devrait être une ambition forte.

Les parlementaires communistes proposent par exemple d’allouer 10 % de l’aide publique au développement à la construction des services régaliens des États comme les services fiscaux, afin qu’ils retrouvent de solides ressources internes pour favoriser un développement souverain.

Alors, si la loi de 2021 n’est plus un carcan pour l’exécutif, madame la ministre déléguée, comment comptez-vous nous rendre des comptes pour appliquer enfin la politique que le Parlement, et donc le peuple français, vous a demandé d’appliquer en votant la loi de programmation de l’aide publique au développement ?

J’ai entendu des députés soutenir qu’il fallait conditionner l’aide publique au développement.

Je rappelle quand même que les règles de l’OCDE interdisent de conditionner l’aide publique au développement. C’est une aide à la souveraineté des peuples – que nous devons soutenir – qui est désintéressée. Donnez-la ou ne la donnez pas, mais ne la conditionnez pas.

(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

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