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Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur la situation des entreprises touchées par la crise du Covid 19

Un total de 51 milliards d’euros : c’est le jackpot des dividendes qui seront versés aux actionnaires du CAC 40 pour 2021, un montant en hausse de 22 % en pleine pandémie. Selon la note de l’Observatoire des multinationales, publié fin avril, cela représente 140 % des profits de ces grands groupes, ce qui signifie que les grandes entreprises préfèrent brûler de la trésorerie pour rémunérer les actionnaires plutôt qu’investir dans l’économie de demain. Faut-il rappeler que 100 % des entreprises ont été soutenues par l’argent public, grâce aux aides liées à la covid-19, lesquelles ont été perçues sans contreparties sociales, fiscales ou environnementales, malgré les demandes que nous avons formulées à de multiples reprises ?

Le grisbi ainsi absorbé par les actionnaires équivaut à la moitié du plan de relance. Les grandes dynasties du capitalisme français – les Bettencourt, Arnault, Pinault – et les gestionnaires d’actifs comme BlackRock, sniffent à gogo le fric comme de la poudre blanche. Dans le même temps jupitérien, la crise fait des ravages : les PME, les petits commerces, les services publics, ou encore le secteur culturel et non lucratif s’enfoncent ; on ne compte plus les plans de restructuration et les licenciements. Quant à la mèche lente de la réforme honteuse de l’assurance chômage, elle dynamitera le quotidien de millions de chômeurs.

D’après la DARES – direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques –, plus de 30 000 suppressions de postes ont été programmées dans le cadre de plans de sauvegarde de l’emploi entre janvier et avril 2021, soit trois fois plus que sur la même période l’année dernière.

À titre d’exemple, dans la circonscription d’Alain Bruneel que je remplace ce soir, une entreprise ferme ses entrepôts pour se moderniser. Alors que les dirigeants ont bénéficié de 10 millions d’euros de PGE, cela ne les empêche pas de licencier 90 salariés expérimentés. La crise a bon dos.

« Il y a des entreprises qui utilisent le contexte de la crise pour procéder à des restructurations qui n’ont pas grand-chose à voir avec celle-ci ». Cette phrase n’est pas de moi ni d’un syndicaliste, elle a été prononcée par le chef de l’État en octobre 2020. Par ces quelques mots, le Président reconnaît ce qui saute aux yeux : Sanofi, Altice, Danone des groupes profitent de la crise pour doper leurs résultats.

Pendant que certains se gavent, les non-essentiels mettent la clé sous la porte les uns après les autres.
Monsieur le ministre délégué, les dividendes sont-ils plus essentiels que la culture ? Qu’un fleuriste ? Qu’un restaurateur ? Qu’un coiffeur ? Qu’un taxi, pourrais-je dire ?

Certes, il serait faux de dire que rien n’a été fait pour les entreprises. La pandémie extraordinaire qui a frappé le monde a forcé à l’adoption de mesures exceptionnelles – je pense notamment au fonds de solidarité, qui permet à nombre de commerçants de survivre –, mais le compte n’y est pas, car le marché est incapable de s’autoréguler. En signant des chèques en blanc sans contrepartie, l’État démontre son incapacité à agir pour relancer l’économie.

Nous avons entendu les discours sur le « made in France » et la relocalisation de l’économie mais, malgré la pandémie, les délocalisations continuent. Ainsi, PSA annonce qu’il va délocaliser une partie de sa production en Hongrie, pendant que Bridgestone ferme en laissant plus de 800 salariés sur le carreau. Je pense aussi à ces verriers spécialistes des pare-brises, qui ont subi un PSE, un plan de sauvegarde de l’emploi, alors que Renault, qui touche des aides publiques par milliards, importe depuis la Chine. C’est impensable ! Comment l’État peut-il laisser Renault importer des machines et des marchandises de l’autre bout du monde, alors que nous avons les compétences et les savoir-faire pour les produire ici ? La réalité, c’est que la crise sanitaire a été un nouveau révélateur de l’impasse de cette course aux profits qui épuise la nature et sacrifie les êtres humains.

Il y a un an, le Président de la République – toujours lui ! – déclarait solennellement à la télévision : « Sachons, en ce moment, nous réinventer, moi le premier. »

Il invoquait un autre projet pour préparer l’après. Qu’en termes délicats ces choses-là étaient dites ! Un an plus tard, on constate la mise en avant des mêmes recettes libérales – le CAC 40 une fois de plus renfloué par l’argent public, les salariés restant à quai.

Pour que le monde d’après soit effectivement celui des jours heureux, il est temps d’oser : oser interdire les licenciements aux groupes bénéficiant de fonds publics, oser doter les salariés de nouveaux pouvoirs dans l’entreprise, oser s’appuyer sur leur intelligence pour construire l’avenir. Chers collègues, monsieur le ministre délégué, nous en sommes bien loin. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

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