Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Question sur la mise en oeuvre des ordonnances de la loi « travail »

Madame la ministre, je voudrais aborder le sujet des conséquences négatives des ordonnances de la loi travail sur les politiques de santé et de prévention. Le mois dernier s’est tenu le procès de France Télécom : il n’aurait jamais eu lieu si vos ordonnances avaient été en vigueur puisque la procédure a été initiée par le CHSCT. Je rappelle que dix-neuf suicides ont été reconnus comme directement liés aux pratiques managériales de France Télécom.

En supprimant les élus de proximité qu’étaient les délégués du personnel, vous avez ôté aux salariés une ressource indispensable pour qu’ils aient leur mot à dire au sujet de leurs conditions de travail. Vous avez aussi supprimé le mot « pénibilité » de l’intitulé du compte personnel de prévention. C’est plus que symbolique : cela illustre la suppression de quatre critères de pénibilité qui ouvraient aux salariés la possibilité d’un départ anticipé à la retraite, le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les risques chimiques, qui n’ont pourtant pas disparu de leur travail quotidien.

On peut établir une relation entre vos ordonnances et les chiffres de l’assurance maladie pour 2018 : les accidents du travail et les maladies professionnelles repartent à la hausse, respectivement de 3 % et de 2,1 %, tandis que les arrêts maladies continuent d’augmenter chaque année.

Madame la ministre, quand allez-vous faire droit à la demande des syndicats de rétablir les CHSCT, dont l’exemple de France Télécom, entre autres, démontre l’utilité ? Quand allez-vous réintroduire les quatre critères de pénibilité supprimés en 2017 ? Comment comptez-vous améliorer la prise en compte de la pénibilité et de la santé au travail ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Monsieur le député, je pense qu’il s’agit d’une erreur involontaire mais ce que vous dites du CHSCT est, pardon, entièrement faux. L’intégralité des missions du CHSCT ont été attribuées au CSE par les ordonnances. Tout CSE peut donc se saisir d’un sujet touchant à la santé au travail. Concernant France Télécom, je vous rappelle que toute entreprise de plus de 300 salariés est obligée d’avoir, au sein de son CSE, une commission santé, sécurité et conditions de travail. Et même en l’absence d’une telle commission, le CSE est souverain dans ce domaine. Votre exemple est donc erroné.

Le changement de dénomination du compte personnel de prévention avait pour but de mettre en relief le point faible sur lequel nous devons progresser : la prévention. Aujourd’hui, en France, on a tendance à penser que la pénibilité est uniquement matière à réparation, mais la vraie justice sociale réside dans la prévention de la pénibilité, dans le fait de ne pas arriver à l’âge de la retraite avec une santé détériorée, qui va dégrader la qualité du reste de votre vie ! Prévention, possibilité de se reconvertir à temps, réparation in fine, ce sont les trois composantes de cette justice sociale que nous allons aborder avec les partenaires sociaux. Ceux-ci partagent d’ailleurs notre constat : hier, toutes les organisations syndicales et patronales ont déclaré que la prévention devait être notre priorité.

C’est aussi dans cette perspective que la prévention des accidents du travail constitue une des priorités de l’inspection du travail : il ne faut rien laisser passer dans ce domaine. Ces accidents sont trop nombreux en France, et la situation n’a pas progressé depuis une dizaine d’années. Maintenant que les instances adéquates sont en place, maintenant que ce sujet est porté au niveau stratégique des CSE, maintenant que se dessine une négociation interprofessionnelle sur la santé et la sécurité au travail, car les partenaires sociaux nous ont fait part de leur souhait d’aborder ce sujet, nous allons pouvoir avancer en matière de prévention de la pénibilité.

Encore une fois, on n’en reviendra pas à des critères qui ne sont pas mesurables. Un artisan, un agriculteur ne sera pas derrière son salarié pour déterminer combien d’heures par jour celui-ci soulève des charges, et de quel poids. Cela relève d’une vision du droit purement formelle, déconnectée de la réalité du terrain. Il valait mieux reconnaître l’incapacité ! Mais nous allons continuer à travailler sur ces sujets, et surtout étendre la prise en compte de la pénibilité au secteur public, où elle n’est actuellement pas reconnue.

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Stéphane
Peu

Député de Seine-Saint-Denis (2ème circonscription)

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