Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat consacré à l’Europe

Je veux remettre sur le métier l’importante question de l’annulation des dettes publiques détenues par la BCE, la Banque centrale européenne – question actuellement discutée dans l’Europe entière. De l’avis de tous, le plan de relance européen est insuffisamment doté pour faire face aux crises que nous traversons. Il nous faut donc trouver de nouveaux moyens de financement.

Or, depuis 2015, la BCE pratique une politique de rachat de dettes publiques, autrement appelée « assouplissement quantitatif » : pour rester dans les clous du traité de Maastricht qui interdit le financement direct des États par la BCE, cette dernière rachète aux banques des dettes souveraines sur le marché secondaire. À ce jour, la BCE détient 2 500 milliards d’euros de dettes publiques, argent que nous nous devons en quelque sorte à nous-mêmes et qu’il faudra rembourser, d’après le dogme libéral, soit par des hausses d’impôts, soit par des politiques d’austérité.

Cela, nous ne pouvons pas l’accepter, au vu des impératifs gigantesques qui sont les nôtres en matière de réparation sociale et économique comme de reconstruction écologique. Dès lors, nous demandons l’annulation de cette dette publique, ce qui nous donnerait un levier d’action considérable et nous permettrait d’injecter au moins 15 % du PIB prépandémie dans l’économie.

Une telle action est parfaitement réalisable, dans la mesure où une banque centrale n’est pas un créancier ou un débiteur ordinaire : si elle annulait une créance qu’elle détient, aucun fardeau ne serait transféré sur quiconque, puisque son passif n’est exigible par personne.

Nous considérons cette annulation comme un prérequis indispensable à la reconstruction du pays (Applaudissements sur les bancs du groupe FI) et nous souhaitons entendre le Gouvernement sur cette question. (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous avez raison : un débat est en cours.
Vous y contribuez par vos propos. Je ferai simplement trois remarques à ce stade.

Tout d’abord, comme l’a souligné la présidente de la BCE, Mme Lagarde, et comme vous l’avez rappelé vous-même, annuler la dette publique n’est pas possible aux termes des traités européens, qui interdisent strictement le financement monétaire des États. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Or, si cette règle a été instaurée, c’est bien pour éviter de mettre en péril la BCE, à laquelle une telle mesure infligerait des pertes énormes. Nous prendrions ainsi le risque de porter atteinte à la crédibilité même de cette institution, qui sous-tend l’ensemble du système monétaire européen. (Mêmes mouvements.)

Vous êtes libres de vos propos, comme je le suis de ma réponse.

Ensuite, une telle décision risquerait de saper fortement la confiance dans les États membres dont la dette serait annulée, et finalement dans l’Union elle-même : en ne remboursant pas sa dette, c’est sa propre crédibilité que l’on met potentiellement en doute. Une annulation pure et simple emporterait des conséquences beaucoup plus fortes.

Enfin, je ne suis pas certain de comprendre la nécessité immédiate d’une telle mesure : les taux d’intérêt étant très faibles, il est possible de financer l’économie réelle à moindre coût. Dans tous les cas, le débat est à ce jour prématuré, la priorité étant d’abord de soutenir l’activité puis de rétablir la croissance lorsque les contraintes sanitaires pourront être levées. C’est ce que nous faisons à travers la mobilisation du plan de relance européen de 750 milliards d’euros.

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