La présente proposition de loi s’inscrit dans un contexte qui voit croître les violences et les agressions à l’encontre des personnels soignants sur leur lieu de travail, notamment à l’hôpital, donc dans l’exercice de leur fonction. C’est malheureusement vrai pour de nombreux personnels du service public – je pense à ceux de l’éducation nationale, de Pôle emploi et de bien d’autres services à la population, qui subissent, eux aussi, des violences croissantes.
Comme le soulignent les auteurs du texte, l’Observatoire national des violences en milieu de santé a recensé, pour l’année 2021, 19 328 actes de violence, dont plus de 50 % sont des violences physiques ou des menaces avec une arme, et près de 30 % des insultes et des injures. Si le rapport de l’ONVS constate que tous les services sont exposés à des violences et à des incivilités, il relève que certains sont davantage touchés : la psychiatrie, la gériatrie et les urgences sont les plus exposés. L’Observatoire met également en lumière une tendance qui s’observe depuis plusieurs années : dans plus de 90 % des cas recensés, les auteurs de violences sont des patients ou des visiteurs et accompagnateurs.
Ainsi, si nous partageons pleinement l’inquiétude liée à l’accroissement des violences à l’encontre des personnels soignants, nous sommes pour le moins dubitatifs s’agissant des réponses apportées par cette proposition de loi. Nous remarquons aussi ce qui devient une habitude : face au constat d’une augmentation des violences, la réponse est systématiquement une augmentation de la répression pénale. Or nous ne croyons pas que le renforcement des sanctions pénales empêchera les violences à l’encontre des professionnels de santé. Je le dis très clairement : il faut des réponses pénales, et il faut d’ailleurs encourager un meilleur suivi des plaintes liées à ces agressions. Mais nous ne pensons pas que l’aggravation de la sanction pénale, en cas d’atteintes aux biens et aux personnes, ait un caractère dissuasif permettant de lutter contre les violences dans le domaine de la santé.
Comme l’a souligné le rapport sur les violences à l’encontre des professionnels de santé, que le docteur Masseron, président de SOS Médecins France, et Mme Nion, cadre supérieure de santé, ont remis au ministre de la santé et de la prévention le 8 juin 2023, « la dissuasion par le droit pénal n’est pas démontrable, car les auteurs de violences n’ont pas forcément tous conscience de la gravité de leurs actes dans l’instant » – il ne s’agit évidemment pas de minimiser la portée et la gravité de ces violences. En outre, rappelons que les professionnels de santé bénéficient déjà, pour la plupart, d’une protection pénale renforcée spécifique.
Ainsi, nous ne croyons pas que les mesures proposées par le texte permettront de réduire les violences à l’encontre des professionnels de santé. Surtout, nous regrettons que leurs causes principales ne soient pas abordées. Rappelons, en effet, que les principaux éléments déclencheurs sont la prise en charge du patient, le refus des soins de nursing et les temps d’attente excessifs. Je le répète car c’est essentiel : nous n’excusons évidemment pas ces violences et nous les condamnons fermement, mais je crois qu’il importe de comprendre et d’expliquer le contexte dans lequel elles prospèrent, afin de mieux lutter contre leur augmentation.
Elles sont donc principalement le reflet de la dégradation de la qualité des soins et de la pénurie de soignants. Aussi convient-il avant tout, pour prévenir leur apparition, de réfléchir à une meilleure prise en charge des patients et à la réduction du temps d’attente. Ce sont d’ailleurs des préoccupations majeures pour les soignants, exprimées depuis plusieurs années : ils nous alertent sur le manque de temps et de moyens humains, qui concourt à la dégradation de la qualité de vie au travail et de la qualité des soins. La paupérisation du service public de la santé, symbole du principe de solidarité, va croissant, et je pourrais aussi parler de la prise en charge en santé psychique et mentale, dont les lacunes contribuent également à une augmentation des violences.
L’hôpital public, en particulier les urgences, les établissements du sanitaire, du médico-social et du social mais aussi la médecine de ville, tous sont dans une situation critique en matière d’effectifs et de conditions de travail. Parallèlement, le système de santé fait face à l’accélération des fermetures de lit, de services et de structures, ce qui accentue les difficultés d’accès et le manque d’offre, et dégrade encore la qualité de la prise en charge sur tout le territoire. Tous les indicateurs sont alarmants : épuisement généralisé des soignants, dégradation de la santé de la population, maltraitance dans les Ehpad ou dans les crèches du fait du manque de moyens et du développement du privé lucratif, impossibilité d’accès aux soins. Sur ces points fondamentaux, les propositions du Gouvernement et de la majorité sont soit insuffisantes, soit inacceptables.
Nous considérons que la lutte contre la violence en milieu hospitalier nécessite avant tout des moyens humains et matériels suffisants. Vous l’aurez compris, nous ne voterons pas cette proposition de loi qui, selon nous, ne permettra pas de renforcer la nécessaire sécurité des professionnels de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Discussions générales
Sécurité des professionnels de santé
Publié le 14 mars 2024
Elsa
Faucillon
Députée
des
Hauts-de-Seine (1ère circonscription)