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Discussions générales

Retrouver la confiance et l’équilibre dans les rapports locatifs (PPL)

Alors que les prix de l’immobilier ont progressé quatre fois plus vite que les revenus au cours des vingt dernières années, que le taux d’accès à la propriété des 25 % de Français les plus modestes a été divisé par deux en trente ans, que le logement est devenu le premier facteur de la dégradation du pouvoir d’achat, l’encadrement des loyers est un enjeu capital.
L’économie du logement s’apparente à une économie de pénurie. Aussi est-il assez paradoxal d’écouter ceux qui ont soutenu toutes les politiques du logement depuis 2017, sachant qu’elles ont été les plus catastrophiques depuis des décennies, ramenant la production de logements au niveau qui était le sien lors de la crise consécutive à la guerre du Golfe de 1991 ! Jamais n’avons-nous aussi peu construit.
L’encadrement des loyers est l’unique outil dont nous disposons pour protéger un minimum les locataires du parc locatif privé des effets de l’envolée des prix. Au groupe de la Gauche démocrate et républicaine, nous saluons donc l’initiative de nos collègues du groupe Socialistes et apparentés, qui proposent avec ce texte de pérenniser ce dispositif, dont l’expérimentation arrive à échéance dans moins d’un an, tout en corrigeant certaines failles identifiées ces dernières années grâce aux retours d’expérience.
Reprenant à son compte les recommandations d’une mission d’information transpartisane conduite l’été dernier, la présente proposition de loi reste cependant trop prudente, car elle ne propose pas de généraliser le dispositif au niveau national ni de le rendre obligatoire pour les communes situées en zones tendues. Quant à l’augmentation du montant des amendes, elle ne s’accompagne pas d’une systématisation de celles-ci ni des mises en demeure préfectorales. Autant de regrets pour moi, qui suis élu d’une structure intercommunale située en Seine-Saint-Denis, Plaine Commune, qui expérimente –⁠ et c’est heureux – l’encadrement les loyers, mais qui reste malheureusement la plus mauvaise élève de France en la matière : selon le dernier baromètre de la Fondation pour le logement, près de 60 % des loyers de ma circonscription dépassent les plafonds autorisés.
Les débats en commission ont permis quelques avancées significatives au sujet des leviers de contournement utilisés par les bailleurs pour s’exonérer de leurs obligations, à l’instar de l’emblématique complément de loyer –⁠ certains propriétaires n’hésitent pas à présenter comme des caractéristiques exceptionnelles justifiant un complément de loyer la présence d’un parquet, d’un balcon ou d’un double vitrage, quand d’autres valorisent abusivement des surfaces annexes non habitables comme une cave, une courette ou un grenier. Il est donc bienvenu que la proposition de loi cherche à clarifier ce point, dans la continuité de la jurisprudence. Beaucoup d’autres bailleurs contournent encore l’encadrement par des baux civils, la colocation ou les contrats de coliving. Le fait de soumettre désormais au dispositif d’encadrement des loyers tous les logements constituant la résidence principale du locataire est donc une avancée concrète et attendue.
Nous saluons par ailleurs le vote d’un amendement qui impose aux professionnels de l’immobilier de rappeler les règles en vigueur aux propriétaires qui leur confient un bien à mettre en location. Nous aurions évidemment aimé que le texte aille plus loin encore, par exemple en interdisant aux plateformes d’annonces immobilières de mettre en ligne des annonces illégales. En dépit de ces quelques insuffisances, nous voterons évidemment en faveur de la proposition de loi.
Gardons cependant à l’esprit que le dispositif d’encadrement des loyers est un frein insuffisant à la spéculation immobilière et qu’il ne suffit pas à garantir le droit au logement. Nombre d’observateurs soulignent l’efficacité d’un dispositif qui parvient à contenir la progression des loyers –⁠ dans des proportions toutefois encore trop limitées. L’encadrement des loyers est un plus, mais son mode de calcul, associé à l’existence d’un taux de référence majoré trop permissif, ne corrige qu’à la marge l’évolution préoccupante du taux d’effort des ménages modestes, locataires du parc privé en zone tendue. Nous devrons donc réfléchir à un dispositif qui les protège mieux.
Enfin, même si je m’éloigne du sujet, j’ajoute qu’il ne serait pas inutile d’imaginer un mécanisme d’encadrement du loyer des petits commerces de centre-ville, notamment les commerces d’artisans ou les commerces de bouche, dont les loyers sont si élevés que ceux qui les tiennent sont bien souvent contraints de les quitter. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe EcoS.)

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Stéphane
Peu

Député de Seine-Saint-Denis (2ème circonscription)
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