L’examen de la proposition de résolution intervient dans un contexte difficile pour les agriculteurs français. Pour une large part, ce texte vient décliner les recommandations – pleinement partagées par le groupe GDR – issues de la commission d’enquête dont vous avez présenté le rapport, monsieur Potier, en décembre 2023. Il y a urgence à définir les outils efficaces pour faire face au volume croissant de produits importés qui ne respectent pas les normes européennes en matière environnementale ou sanitaire.
L’insuffisance des contrôles à l’entrée des produits sur le territoire de l’UE est un problème bien connu – notamment du député du Havre que je suis –, tant au regard des critères employés que de leur ampleur. Un rapport d’information sur la sécurité alimentaire dans l’Union européenne, présenté par mon collègue André Chassaigne le soulignait déjà en 2020. Quant à la clause de sauvegarde qui permet de bloquer l’entrée d’un produit dans l’UE, elle n’est que rarement utilisée et ne pourra être, dans l’attente de règles strictes et opérationnelles sur les clauses miroirs, que transitoire.
Je regrette par ailleurs que le texte ne fasse pas figurer la protection sociale des actifs agricoles parmi les normes de production essentielles.
Ce texte entend lutter contre les distorsions de concurrence, qui tendent à s’aggraver. Quelles en sont les causes profondes ? Elles viennent de loin et résultent de choix politiques qui ont progressivement conduit à affaiblir notre souveraineté alimentaire. Appliquée sans retenue au secteur agricole, la douloureuse théorie des avantages comparatifs, soutenue par tous les libéraux ces dernières décennies, a produit ses effets : l’ouverture du commerce international et la dérégulation ont diffusé la logique de la compétitivité-prix, qui renforce la spécialisation internationale et régionale des productions, uniformise les systèmes de production et l’alimentation, pousse au recours massif aux intrants et aux produits phytopharmaceutiques, abaisse la qualité des produits ainsi que la sécurité sanitaire alimentaire.
Malgré de nombreuses initiatives pour soutenir la rémunération des producteurs et une meilleure certification de leur production en termes de qualité, d’origine et d’impact sur leur environnement, quarante années de néolibéralisme appliquées au secteur agricole ont fait des dégâts : jamais la concurrence entre des productions n’ayant pas les mêmes standards de qualité ni les mêmes conditions de production n’aura été aussi forte ; jamais la part des importations alimentaires dans la consommation des Français et des Européens n’aura été aussi élevée ; jamais nos agriculteurs n’auront été autant soumis à la pression d’opérateurs commerciaux, usant du chantage à la substitution par des produits importés comme d’un puissant levier de leur course à la rentabilité.
Face à ce constat, il y a effectivement deux grandes écoles de pensée, chers collègues. La première, tout en faisant mine de prêter attention à la profession agricole, considère que le plus urgent serait d’aligner les normes vers le bas, afin que nos productions nationales et européennes puissent épouser au plus vite les cours mondiaux. C’est le choix de la fuite en avant. Nous venons d’en avoir un exemple parfait il y a deux jours au Sénat, avec l’adoption par la droite de la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » – un titre aussi démagogique que le contenu est régressif. C’est malheureusement la voie que semble choisir le gouvernement.
La seconde école de pensée veut réaffirmer l’exigence d’une régulation des marchés, d’une vraie coopération agricole internationale, d’une amélioration pour tous de la qualité sanitaire et nutritionnelle de l’alimentation. Un tel projet nécessite un changement d’orientation politique. Il impose d’adopter des normes communes, d’instaurer les protections et les outils de contrôle nécessaires pour que nos agriculteurs puissent vivre dignement de leur travail, sans subir de concurrence déloyale. C’est tout le sens de ce texte – malgré son caractère technique – et de l’engagement de ses signataires. Je suis convaincu que notre pays doit défendre ces exigences sur le plan européen plutôt que de faire montre d’une résignation qui accentuera la spirale décrite à l’instant, menant à toujours plus de pression à la baisse sur les prix des productions, donc à la baisse de la rémunération du travail agricole. (Applaudissements sur les bancs des commissions.)
Discussions générales
Respect à l’importation de normes de production équivalentes aux normes applicables dans l’Union européenne
Publié le 30 janvier 2025
Jean-Paul
Lecoq
Député
de
Seine-Maritime (8ème circonscription)