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Réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture - CMP

Notre inquiétude est restée la même depuis le début de l’examen de ce texte : comment allons-nous garantir la sécurité de nos exploitations agricoles face à la montée en puissance du changement climatique et de ses effets collatéraux sans une assurance publique qui protège les agriculteurs ?

Le changement climatique est désormais une réalité à laquelle se confrontent nos agriculteurs. Ce n’est pas qu’une augmentation de la température et une modification de la pluviométrie, c’est aussi une accentuation de la variabilité, de l’instabilité et de l’intensité des évènements extrêmes : gel tardif, grêle, inversion des périodes de gel, etc. Face à ces phénomènes, le système est défaillant aujourd’hui : le Fonds national de gestion des risques en agriculture – FNGRA – ne répond plus aux besoins et a vu ses moyens siphonnés pour assurer l’extension du secteur assurantiel privé.

Que faire alors ? Réformer le système, pourquoi pas, mais le remplacer par quoi ? Cela fait des années que l’on parle de la nécessité de revoir les outils de gestion des risques en agriculture mais tout progrès réel sur le sujet est systématiquement repoussé, toute perspective de gestion publique et solidaire balayée par les tenants du modèle assurantiel.

Au contraire de cette logique, les parlementaires communistes défendent l’idée d’une organisation publique de ce risque, dans lequel les agriculteurs et les décideurs publics détermineraient les objectifs et les moyens de les atteindre, notamment en prévoyant des ressources pérennes pour répondre chaque année aux besoins identifiés. Nous considérons en effet que le secteur privé seul ne pourra pas répondre à ces défis, du moins pas avec les mêmes garanties pour tous nos agriculteurs. C’est déjà ce que nous observons aujourd’hui pour la protection assurantielle des exploitations. Ainsi, seules 20 % des surfaces de culture sont couvertes par un contrat d’assurance multirisque climatique des récoltes.

Force est de constater qu’en dépit des aménagements de la CMP et de quelques rectifications qui vont dans le bon sens, le texte présenté aujourd’hui continue de ne pas épouser complètement cette ambition puisqu’il acte en vérité une réforme en faveur de l’assurance privée, secteur qui jusqu’à aujourd’hui ne joue pas son rôle. Du fait de tarifs dissuasifs, seulement 30 % des surfaces céréalières, 20 % des vignes, 4 % des vergers, 1 % des prairies sont aujourd’hui assurés. Or le texte prévoit de garantir à un quasi-duopole d’assureurs, Pacifica et Groupama, qui se partagent 70 % du marché, un soutien financier public européen et national. La quête permanente du soutien de l’État pour assurer la rentabilité artificielle de produits assurantiels privés nous paraît discutable. En tout cas… (Plusieurs députés du groupe Les Républicains arrivent dans l’hémicycle. – Brouhaha.) Nos collègues de droite arrivent en masse, et ils sont en forme ! Je salue mon collègue Maquet, qui nous arrive tout droit de la Somme. (Sourires sur les bancs du Gouvernement.)

Alors que le changement climatique risque de coûter de plus en plus cher à nos agriculteurs, ces mêmes assureurs viennent d’annoncer de concert que le prix de l’assurance récolte augmentera de 10 à 25 % en 2022, une augmentation qu’ils peuvent décider en toute confiance, sans risque de perdre des assurés, le risque toujours plus important rendant les agriculteurs dépendants des assurances. (Brouhaha persistant sur les bancs du groupe LR.)

L’autre bégaiement de ce texte est son caractère universel. Comment le vanter alors que le dispositif risque d’exclure… Monsieur le président, je ne m’entends pas parler !

Merci, vous êtes un excellent président ! La Bretagne et la Normandie marchent souvent ensemble.
L’autre bégaiement de ce texte –c’est le cas de le dire – est son caractère universel. Comment le vanter alors que le dispositif risque d’exclure les paysans qui, faute de revenus ou de trésorerie, n’auront pas les moyens de souscrire à une assurance récolte ? Consolider le régime des calamités en pénalisant lourdement les agriculteurs qui ne souscriraient pas de contrat multirisque climatique, voilà ce qui nous semble être la malformation congénitale de ce texte.

Enfin, ce texte, qui se veut une fusée à trois étages dans la protection face au risque climatique, nous semble encore trop imprécis, même s’il s’est doté d’une orientation pluriannuelle. On ne connaît ni le détail des seuils applicables ni les conditions de fixation des contrats, qui restent renvoyés au décret et à des ordonnances. Nous aurions besoin de garanties immédiates dans un système qui ne prend pas assez en compte les inégalités de revenus entre exploitants.

Monsieur le ministre, la question du risque va devenir cruciale pour l’agriculture de demain. Nous sommes aujourd’hui prudents devant le modèle que vous nous présentez, qui risque encore une fois de laisser certains agriculteurs au bord du chemin, en donnant toute latitude au système assurantiel privé. Nous ne voulons pas d’une individualisation des solutions de gestion et de prise en charge des risques. Les mesures réglementaires devront préciser tout cela. C’est la raison pour laquelle, non par défiance mais par prudence, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’abstiendra.

Merci, chers collègues, pour votre attention aléatoire !

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Sébastien
Jumel

Député de Seine-Maritime (6ème circonscription)

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