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Blocage des prix

Lors de ses vœux aux Français, le Président de la République affirmait avec la modestie qui le caractérise que dans notre pays, on vivait mieux en 2022 qu’en 2017. C’est sans doute vrai pour une petite minorité de Français mais le constat est nettement moins clair pour le plus grand nombre qui a subi de plein fouet la crise sanitaire, mais également la politique antisociale menée depuis 2017.

Depuis plusieurs années, le taux de pauvreté augmente, comme en témoigne l’explosion du recours aux aides alimentaires. Dès lors, comment s’étonner que le pouvoir d’achat constitue la première préoccupation des Français, touchés par l’inflation importante qui a atteint 2,8 % en 2021 ? Celle-ci est notamment due à la flambée des prix de l’énergie et du logement qui constituent souvent une part substantielle de la consommation des ménages modestes. Ces hausses de prix sont d’autant plus douloureuses que les salaires stagnent depuis des années, la modération salariale étant devenue l’unique mantra des politiques de compétitivité.

Dans ce contexte, la proposition de loi de nos collègues insoumis visant à bloquer le prix de certains biens constitue une réponse utile qui remet au cœur des débats la question sociale à laquelle nous sommes tant attachés. Leur constat est simple : le marché libre et concurrentiel ne permet pas, dans bien des situations, de fixer le prix juste. Non, le marché n’est pas un horizon indépassable. D’ailleurs, les services publics en sont bel et bien la démonstration : dans beaucoup de domaines, ils fournissent un ensemble de services hors marché, garantissant leur accès libre et égal pour toutes et tous. C’est une des originalités de notre modèle économique et social : en France, malgré les assauts réguliers des libéraux, la santé, l’éducation, la recherche mais aussi, au niveau local, la cantine, les loisirs, la culture, le sport ou encore les transports sont largement considérés par nos concitoyens comme relevant du service public.

Avec la crise du covid et la flambée des prix de l’énergie, cette conception a conforté les propositions que notre groupe défend dans le débat public : la création d’un pôle public de l’énergie ou encore du médicament. Ces produits sont stratégiques et il est primordial d’en garantir l’accès à tous. Par conséquent, un pilotage public est nécessaire.

Depuis trop longtemps – depuis 1987 pour être précis –, notre pays a renoncé à une intervention publique sur les prix, en laissant quasi exclusivement au marché concurrentiel le soin de les fixer. Pourtant, dans nombre de cas, le marché est incapable de fixer le prix juste, celui qui permet d’assurer, d’un côté, la juste rémunération du producteur et, de l’autre, une large allocation des biens dans la société. Ainsi, sous l’effet de la spéculation, le marché peut fixer des prix déconnectés de la valeur réelle et inférieurs à celle-ci. En effet, la libre concurrence détermine bien souvent des prix trop bas – c’est le cas pour beaucoup de produits agricoles –, qui ne permettent pas aux producteurs de vivre décemment de leur travail.

Dans ces conditions, bien qu’il ne soit ni envisageable, ni souhaitable de fixer le prix de l’ensemble des biens et des produits, nous pensons que le contrôle des prix est une solution dont il ne faut plus se priver. Dans cette perspective, le cadre législatif est peut-être trop limité, mais il manque surtout une volonté politique réelle d’utiliser ce type de dispositions.

La proposition de loi des députés insoumis vise à étendre la possibilité de recourir à l’encadrement des prix, en incluant notamment l’énergie et les produits de première nécessité, dont les produits alimentaires. Il s’agit d’un outil supplémentaire pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages.

C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons cette proposition de loi, en rappelant que, si reprendre le pouvoir sur les prix est utile, nous ne saurions traiter la question du pouvoir d’achat sans évoquer le sujet des salaires et du partage d’une richesse qui est répartie de manière toujours plus inégalitaire. Faisons nôtre la volonté politique que cette proposition de loi exprime en ce qui concerne les prix, pour lever les tabous et mettre à l’ordre du jour l’augmentation du SMIC, une conférence sur les salaires et le relèvement du point d’indice du traitement des fonctionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Alexis Corbière applaudit également.)

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Stéphane
Peu

Député de Seine-Saint-Denis (2ème circonscription)

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