Je remercie sincèrement Olivier Faure pour ce texte important et je vous salue, chers amis de Noyant-d’Allier qui assistez à cette séance.
Les rapatriés d’Indochine sont les premiers rapatriés de l’histoire de la République. En juillet 1954, à la suite des accords de Genève, une grande partie des ressortissants Français d’Indochine durent rentrer en France. Or la France n’avait aucun cadre institutionnel pour les accueillir. Les rapatriés d’Indochine ont ainsi été administrés par des fonctionnaires issus des colonies, formés à des tâches qui relevaient plus de l’enfermement administratif que de l’humanitaire.
Le 23 décembre 1961 fut voté le premier texte de loi sur les rapatriés, fixant une définition légale du rapatrié en précisant ses droits fondamentaux. Pourtant, lesdits Français d’Indochine, considérés comme de simples exilés économiques, en furent exclus. En 2005, là encore, la version initiale de la loi du 23 février portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ne mentionna pas les rapatriés d’Indochine. En 2022, la Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis reconnut cette rupture d’égalité et préconisa que le périmètre de la loi du 23 février soit étendu aux anciens supplétifs et rapatriés d’Indochine.
La présente proposition de loi vise donc à réparer une injustice. Elle permet à la nation de reconnaître sa responsabilité dans l’indignité des conditions d’accueil et de vie de ces populations, mais aussi d’indemniser, au moyen d’une somme forfaitaire, les personnes ayant séjourné dans les structures d’accueil.
Je salue l’action fidèle de l’Association des rapatriés d’Indochine de Noyant-d’Allier (Arina), qui travaille à la réparation des préjudices subis par les 3 000 rapatriés d’Indochine ayant transité par cette petite commune de ma circonscription de l’Allier, et qui s’emploie à faire vivre leur histoire, laquelle ne doit pas être effacée. Cette histoire est douloureuse, lorsqu’après vingt-cinq jours de bateau entre les rizières du Mékong et le bocage bourbonnais, ces exilés intégrèrent les corons laissés vacants par la fermeture des mines de charbon, dans des conditions spartiates, endurant un premier hiver 1955-1956 marqué par des températures glaciales de moins vingt degrés. Peut-être cette histoire fût-elle néanmoins rendue plus douce que dans d’autres camps grâce à l’implication des autorités locales, qui facilitèrent leur accueil et favorisèrent leur intégration progressive dans une commune où les matchs de foot du dimanche opposaient les Français d’Indochine de Noyant aux Portugais de la verrerie de Souvigny.
Aujourd’hui, ce sont les troisième et quatrième générations qui, à Noyant-d’Allier, se posent des questions sur l’histoire de leurs aïeux. Je me réjouis qu’un espace muséal dédié aux rapatriés d’Indochine y voie bientôt le jour, grâce à l’opiniâtreté et à la persévérance de l’Arina et des élus de la municipalité. Nous en avons d’ailleurs posé la première pierre le 10 mai dernier.
En tant que signataire du texte, je veux dire que la lutte contre le colonialisme et l’impérialisme est l’un des fondements de mon engagement politique, et que je continuerai toujours à défendre la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Dans cette guerre coloniale, les rapatriés ont aussi été les victimes de la colonisation, puisque ceux qui s’étaient enrichis grâce à l’exploitation des Indochinois n’étaient pas dans les camps : ceux-là étaient partis, souvent bien avant la fin de la guerre. Dans les camps, comme toujours, il y avait ceux qui avaient dû combattre pour l’armée coloniale, ceux qui avaient cru qu’ils pourraient trouver un avenir meilleur pour leurs familles en Indochine et ceux qui, par choix ou par obligation, avaient servi l’État.
Le vote de ce texte permettra à la fois de réparer un oubli et une injustice. Il permettra aussi à la France de reconnaître son histoire telle qu’elle est, et de la regarder en face ; c’est à cela que l’on reconnaît la grandeur d’un pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Discussions générales
Reconnaissance de la Nation envers les rapatriés d’Indochine
Publié le 3 juin 2025
Yannick
Monnet
Député
de l'
Allier (1ère circonscription)