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Ratification du traité France-Italie pour une coopération bilatérale renforcée

Chaque traité de coopération renforcée est l’occasion pour les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES de valoriser l’amitié entre les peuples. Le présent traité servira à structurer et à intensifier les relations entre l’Italie et la France afin que les deux pays s’engagent à travailler mutuellement sur un grand nombre de sujets – tous aussi stratégiques les uns que les autres.

Tout en étant pour l’amitié entre les peuples, on peut s’interroger sur la nature des projets politiques. Ainsi, nous sommes inquiets au plus au point à l’idée que l’exécutif italien pourrait être de la droite extrême, celle du parti Fratelli d’Italia qui défend des valeurs antirépublicaines voire fascistes. En effet, certains sujets sont bien plus engageants que d’autres.

L’article 1er, portant sur les affaires étrangères, est intéressant car il propose de créer des consultations renforcées sur plusieurs thèmes. D’ailleurs, la question de l’assemblée parlementaire franco-italienne peut être posée puisqu’existe déjà une assemblée parlementaire franco-allemande – nous attendons donc que le Gouvernement en prenne l’initiative. Mais, comme je vous l’ai dit en commission, on peut s’interroger sur les projets de coopération renforcée entre deux États de l’Union européenne.

Après le traité d’Aix-la-Chapelle avec l’Allemagne, le traité dit du Quirinal, du nom du palais présidentiel italien, crée un nouvel axe, si je puis dire, Paris-Berlin-Rome. Mais pour quels buts ? Va-t-on vers une Europe à deux vitesses où les poids lourds se mettent d’accord en amont sur les grandes décisions pour mieux les imposer aux vingt-quatre autres États de l’Union européenne ? Le projet d’Emmanuel Macron, énoncé en 2017 lors de son discours à la Sorbonne sur l’Union européenne, consistait à créer des convergences de projets en fonction des États européens pour sortir de ce qu’il considérait comme de l’immobilisme. Ne pensez-vous pas que cela pourrait créer une asymétrie et, en définitive, décrédibiliser l’action de ces trois pays ?

Au-delà de ce problème de fond, il convient de souligner que Paris, Rome et Berlin sont des poids lourds de la politique spatiale européenne. L’article 7 du traité du Quirinal y est consacré et, pour avoir mené une mission d’information à la fin de la précédente législature avec notre ancien collègue Pierre Cabaré, il me semble fondamental d’évoquer les divergences en matière de politique industrielle, lesquelles ralentissent la politique spatiale européenne.

La France et l’Italie doivent se rapprocher davantage pour aller de l’avant, car la concurrence internationale est très forte dans le domaine de l’espace. Les États-Unis et la Chine sont les leaders de ce secteur, tandis que l’Union européenne reste un peu à la traîne. À cet égard, la réussite du premier lancement du lanceur italien Vega-C, depuis la base spatiale de Kourou, démontre bien la magnifique coopération franco-italienne.

À la veille du prochain conseil ministériel de l’Agence spatiale européenne, qui se tiendra en novembre à Paris, il serait donc utile de nous appuyer sur ce traité de coopération avec l’Italie afin de mieux définir collectivement – en incluant l’Allemagne – les besoins et les demandes à formuler. Il faut désormais aller vite et fort.

De plus, je l’ai rappelé en commission des affaires étrangères, la France et l’Italie sont partenaires des accords Artemis, menés par les États-Unis en vue de retourner sur la Lune. Or, vous le savez, la question de l’appropriation des ressources lunaires est traitée de manière très ambiguë dans ces accords. Les Américains défendent plutôt une lecture commerciale – vous connaissez leur stratégie –, tandis que les Européens seraient plutôt favorables à une utilisation scientifique et limitée des ressources lunaires, sur le modèle des règles appliquées pour l’Antarctique. Il serait intéressant et important de s’emparer de cette question avec Rome, afin de donner du poids à une lecture faisant la part belle à la découverte scientifique, plutôt qu’aux profits des multinationales.

Enfin, le dernier domaine de la relation franco-italienne, qui m’apparaît aussi comme le plus fondamental, porte sur l’immigration. La frontière montagneuse entre nos deux pays est un cimetière où meurent des femmes, des enfants et des hommes risquant leur vie pour fuir la misère et la guerre. De nombreux rapports d’organisations non gouvernementales et d’organisations issues de la société civile dénoncent la brutalité systémique des polices aux frontières italienne et française. On ne peut laisser mourir dans le froid des êtres humains qui cherchent de l’aide. Ces traitements inhumains doivent immédiatement cesser, tout comme les poursuites en justice contre les femmes et les hommes qui aident les migrants. La France et l’Italie doivent travailler à améliorer le droit d’asile européen et à réformer en profondeur les procédures dites de Dublin. Est-il possible d’inscrire le principe de non-refoulement dans la coopération franco-italienne ?

Si un traité de coopération renforcé est toujours un acte symbolique d’amitié entre les peuples, faisons en sorte qu’il ne devienne pas un traité entre deux peuples qui en excluent d’autres. Nous le voterons : notre devoir est de renforcer l’amitié et, à travers elle, la solidarité internationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE ainsi que sur les bancs des commissions.)

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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